Différentes descriptions et représentations du site des Sept-Îles dans l'histoire (synthèse d'après les recherches de Olivier Levasseur et de Habasque).

Nous disposons, pour cette étude, d'un certain nombre de descriptions géographiques de Sept-îles. L'une d'entre elles, selon Habasque, remonterait à 1373.

En 1373, le Sgr de l'île de Rhé, de Marans et d'autres lieux décrivait ainsi ces îles : Elles sont désertes et le grand Pingouin s'y montre quelquefois. Les macareux ou perroquets de Mer arrivent des extrémités du monde, pour déposer leurs oeufs en ces doux asiles de verdure et de fleurs (...) Là, les bernaches s'abattent en nuées immenses. Le bruit de leurs ailes ressemble au mugissement des vents orageux sur les flots. Sources : "Les invalides de l'île-aux-Moines 1739-1789, Chronique d'une garnison côtière au 18ème siècle", Annales de Bretagne, tome 91, n°1, 1984, p. 39-57.

C'est enfin un lieu ou l'on ne peut se porter (...), car trop exposé aux injures du temps et insultes de la mer. La garnison qui s'y trouvera écrira d'ailleurs pour se plaindre à l'Intendant : "Nous nous trouvons dans une île déserte et privée de tous secours". Les multiples travaux d'entretien et de ravitaillement s'en trouvaient donc rendus très délicats.

Les Sept-îles elles-mêmes sont non seulement un milieu hostile, mais de plus les abords de l'archipel sont dangereux. Provost de Boisbilly, Lieutenant Général de l'amirauté de Morlaix déclarait d'ailleurs en 1734 que tous les batiments qui croisent dans la Manche viennent toujours reconnoître les Sept-Isles, qui sont les écueils les plus dangereux de la Manche (...) Ce n'est partout que banc de rochers, que courant violents comme des ras, chaque banc de rochers ayant sa marée et son courant particulier. Il y périt tous les ans une quantité de navires. Sources : Arch. Nat. Mar. C4169. Cet état de fait nous est confirmé par Robien, en 1745 : Il n'est pas sûr de naviguer trop près de ces îles, s'étendant de là plus à l'Est un banc de roches sou l'eau du côté du Sud (...). Du côté de l'Ouest de ces mêmes îles s'étend encore une chaîne de rochers dessus et dessous l'eau (...). Au Nord-Ouest du bout occidental des Sept-Isles, on rencontre un écueil sous l'eau : il paraît de basse-mer.

Si l'on examine la situation île par île, alors l'île aux Moines n'est abordable que dans la moitié de son pourtour, la partie qui regarde la terre étant défendue par une quantité de rochers qui sont à fleur d'eau, les plus petites chaloupes ne peuvent en approcher.

Bono n'a pas grand intérêt, elle ne peut être regardée que comme une vedette en venant de l'île aux Moines, pour observer les barques qui pourroient passer entre elle et celle de Melban.

Quant à cette dernière, on peut bien y aborder (...) il vient sur cette isle de très bonne herbe, il y a quantité de lapins.

Par contre l'île Rouzic est moins bonne, puisqu'il n'y vient que des mauvaises herbes, et en très petite quantité.

La situation de l'île Plate s'apparente à celle de Melban. En effet, il y vient quantité de bonne pâture (...). Il y a aussi quantité de lapins qui sont très bons

L'île au Cerf n'est qu'un rocher élevé, aride. Sources : Arch. nat. Mar. D222. Pourtant selon Garengeau, la seule chose que l'on trouve sur cette isle est de l'eau à boire. Sources : AD 35, C1071, Garangeau à l'intendant.

Régis de Saint-Jouan, à l'article "Sept-îles" de son "Dictionnaire...des Côtes-d'Armor" signale comme seul événement concernant les Sept-îles au 18ème siècle qu'en 1720, les anglais s'emparèrent des Sept-îles et que ce fut après que fut construit le fort de l'île-aux-Moines pour la défense de la Côte.

Cette courte description est-elle valide, ou ne peut-on pas y voir l'héritage d'une peur ancienne ? C'est ce que nous allons essayer de voir ici.

Habasque, en 1832, écrit (p. 64) que des corsaires de Jersey et de Guernesey s'étant emparé de ce petit archipel, et s'y étant maintenu fort longtemps, le gouvernement se décida en 1720 à y former quelques établissements défensifs.

Un siècle plus tôt, Provost de Boisbilly, dans son "Mémoire au sujet des Sept-îles" déclarait que le second établissement qu'il convient de faire dans ces isles et pour s'en assurer la libre disposition pendant la guerre avec l'angleterre ou alors ces isles sont l'azîle et le repaire des habitans de Gersay et Grenezay, tous corsaires et pirates qui s'y réfugeoient pendant les dernières guerres et ruinoient notre commerce en faisant quantité de prises sur les françois. Tous ce qui paraissoit à la hauteur des Sept-îles devenoit la proye de ces pirates lesquels à couvert de toute attaque dans ces Sept-Isles, dont ils ont une connoissance intime ne sortoient qu'à coup sûr, lorsqu'ils voyoient des barques ou des vaisseaux qui ne pourroient leur résister. Sources : AN nat. Mar. D2 52..

Ces corsaires anglo-normands ont occupé ces îles de manière plus concrète en y établissant une camp temporaire :

Installer et faire vivre autant de personnes sur un espace si réduit nécessite des installations : c'est ici qu'est une petite chaussée de pierres seiches commencées par les corsaires ennemis pour y mettre quatre ou cinq chaloupes à l'abry, mais ils ne l'ont pas finie. Sources : AD 35, C1071 : description des Sept-Iles par Garengeau, 1739.

Les Sept-Iles

Au large de Perros-Guirec, l'archipel des Sept-Iles occupe une place un peu à part sur le littoral trégorrois : il peut être en effet qualifié de véritable avant-poste défensif et possède essentiellement une vocation militaire que nous étudierons en détail. L'archipel ne connaît quasiment aucune autre occupation humaine, bien qu'il soit également un lieu de relâche fréquenté par divers bâtiments.

Si l'on désire connaître le plus précisément possible cet archipel, il faut commencer par se demander de quelles îles est-il constitué. La question n'est pas si simple qu'il n'y apparaît de prime abord.

Au Nord de l'isle de Tommée, une grande lieue, & à six lieues à l'Ouest quart de Nord-Ouest de Brehac, sont les Sept Isles, au travers desquelles on ne peut naviguer ; de l'isle la plus à l'Est s'étend un banc de rochers sous l'eau du côté du Sud sur l'extrémité duquel il y a un banc de rochers sous l'eau, qui est bonne marque pour éviter ledit banc, du côté de l'Ouest desdites isles s'étend encore quantité de roches dessus & dessous l'eau, ce qui fait qu'il ne faut pas les approcher de trop près. (sources : Bougeard : "Le Petit Flambeau de la mer", Faure, le Havre-de-Grâce, 1770).

Des projets pour Tomé (ou Thomé) au début du 18ème siècle (synthèse d'après des recherches de l'historien Olivier Levasseur)

L'île Tomé, la plus proche de la terre ferme fait en 1752 l'objet d'un projet d'occupation. Elle est affermée à titre de domaine congéable à Ollivier Nicolas Riou, Brigadier des Fermes au poste de Lannion résidant à Trélévern par son propriétaire, le Comte Bellingant du Crenan, capitaine des vaisseaux du Roi. Riou déclare avoir y avoir fait construire des maisons et des fermes qui lui ont coûté plus de 10 000 l. Cette ferme est d'une durée de 9 ans, pour 24 l. annuelles, le premier terme échouant à la Saint-Michel.

Mais, dès 1752, le chevalier Mazin, ingénieur du Roi en chef à Saint-Malo & aux Sept-îles, proteste contre cet afféagement, déclarant que les nouveaux établissements que l'on projette de faire à l'isle de Tomé, établie entre Perros et l'Isle-aux-Moines sera très préjudiciable au service du Roy, parce qu'ils mettraient en danger la sûreté de la coste, car tout simplement rien n'empêchera les corsaires ennemis de s'en emparer et de faire la même manoeuvre qu'ils faisoient à l'île aux moines : et que par conséquence, les troupes en poste se trouveroient hors de tout secours, aisé à enlever et dans le ces de mourir de faim.

Mazin s'adresse alors du Crenan de son opposition au fait que votre intention est d'y construire des bâtiments pour un fermier que vous comptez y établir.

Il réitère alors ses arguments et met en garde le propriétaire : je ne puis m'empescher de m'opposer à cet établissement, les fonctions de mon employ étant de veiller à ce qu'il ne se passe rien contre le service du Roy dans le département qui m'est confié, ainsi, je ne puis que vous déffendre de passer oultre et vous avertir que le faisant, vous ne pouvez que courir la disgrâce des ministres auxquels je vais détailler les raisons d'oppositions à votre établissement que vous pouvez avoir recours à leur authorité sy j'ay tort

Mazin s'adresse ensuite à l'Intendant Pontcarré de Viarmes qui rend un avis que quoy les Sept Isles ou Sepîles esté construit un poste pour s'opposer aux incursions de l'ennemy de l'État et protéger le commerce de la province de Bretaigne le long de la coste du costé du Nord de ladite Province, surtout en tems de guerre, appartiennent à Sa Majesté. Cependant quelques particuliers se disposeoient d'habiter et de faire construire des bâtimens sur l'île Tomé, l'une desdites Sept-Isles, prétendant avoir afféagé ce terrain et comme un pareil afféagement pourroit en effet avoir été accordé sans que le Conseil ait été suffisamment informé de sa destination du susdit poste et de son utilité pour le service de Sa majesté.

En conséquence de quoi, l'Intendant ordonne l'interdiction à toute personne de pouvoir disposer et de faire construire des maisons et autres édifices sur le terrain de l'isle Tomé ou autre faisant partie et dépendant dudit poste des Sept-Isles. De surcroît toutes les choses jusqu'à ce qu'il y ait eut à ce sujet une nouvelle décision de S. M. sur le compte qui en est rendu à la cour ou par le Chevalier Mazin et ce, à peine pour les contrevenants au présent ordre d'encourir les événements qui pourront en résulter de leur entreprise.

Cette ordonnance nous laisse un peu perplexe : si l'interdiction est formelle et semble absolue, les peines ne sont pas notifiées, à l'exception d'une formule vague signifiant que si des personnes s'installent sur l'île Tomé, ce serait à eux d'en subir les conséquences, en particulier lors d'une attaque étrangère...

Comment expliquer ceci ? Il nous semble qu'il y a ici un point de litige : Pontcarré précise que l'île Tomé fait partie des Sept-îles, qui appartiennent au Roi. Or, Tomé n'est pas forcément mentionnée comme l'une des îles de l'archipel, puisqu'elle est nettement plus proche de Perros-Guirec que des autres îles. Si l'édit de 1708 sur la propriété royale des îles et îlots invoqué lors de l'affaire des moines de Bégard en 1732-1734 contre Tassel, n'est pas appliqué dans ce dernier cas, pourquoi le serait-il ici ? Pas une seule fois, la propriété de Tomé n'est contestée à de Cressan. Nous pouvons voir ici l'une des limites de la réappropriation du littoral par le pouvoir central que nous avions pu observer par ailleurs.

Cette ordonnance nous laisse l'impression de ménager l'un et l'autre ; l'opposition du chevalier Mazin est une opposition basée sur des questions stratégiques, comme il le précise : il ne faut pas appâter les corsaires anglais, de peur qu'ils ne s'emparent de Tomé et installent une base bloquant le trafic commercial- mais également battant en brèche le dispositif défensif de la côte nord de la Bretagne.

Le fermier Riou se voit signifier la décision de l'Intendant dès le 26 décembre 1752 par le subdélégué de Lannion de Braux-Mottais : L'Intendant adresse copie de l'ordonnance au sieur Ollivier Nicolas Riou, brigadier des fermes du Roy à Trélévern, & y demeurant, à ce qu'il n'en rien ignore, le sommant d'y obvier, garder et porter estat à ladite ordonnance, à peine de supporter les mauvais événements à ses dépens, dommages et interest, fait en parlant à sa personne trouvé en domicille dudit près le bourg de Trélévern.

Finalement le nouvel Intendant, Camus, permet par une ordonnance du 15 janvier 1753 à Riou de prendre Tomé en ferme et l'île Tomé ne sera jamais la cible des ennemis du pays au 18ème siècle.

Sources : AD 22 C 8, 18-12-1752 et AD 35 C 1073, 19-12-1752.

20062208862NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 5 Bi.

20062208517NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 4 num 1/38, Numplan 7.

20062208518NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 4 num 1/38, Numplan 8.

20062208516NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 4 num 1/38, Numplan 7.

20062208775NUCB : Direction départementales de l'Equipement (Côtes-d'Armor)

20062208495NUCB : Collection particulière

20062208497NUCB : Collection particulière

20062208496NUCB : Collection particulière

20062208494NUCB : Collection particulière

20062208515NUCB : Collection particulière

20062208514NUCB : Collection particulière

20062208512NUCB : Collection particulière

20062208275NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 16 Fi.