La grève de Saint-Guénolé

PINOT, Jean-Pierre, extrait de "Rapport sur l'évolution du littoral autour de la Baie de Lannion et sur la côte de Granit Rose, SMVM de la Baie de Lannion", Brest : Laboratoire de Géographie de la Mer, UBO, 1993.

"Vers 1960, l'ensemble géomorphologique groupé autour de la grève de Saint-Guénolé comportait les éléments suivants :

- à terre, une butte à noyau rocheux, culminant vers 30 m d'altitude, à laquelle était adossé le Centre Hélio-Marin de Trestel ; ses versants, empâtés sous les dépôts meubles quaternaires, descendaient en pente douce vers le Nord-Est, alors qu'ils étaient tronqués, au Nord-Ouest, par le recul de la falaise,

- à terre, en allant vers le Royau, un versant en pente douce, entièrement couvert d'une épaisse couche de limons quaternaires fertiles, et qui pour cette raison n'était pas découpé en parcelles bocagères, mais formait un vaste méjou lanière (appelé "Mezo Nochou", c'est-à-dire le "méjou" des rivages ; "Nochou" est, ou était, la prononciation locale du breton littéraire "an Aodou"), dont on retrouve encore les grandes lignes malgré l'urbanisation désordonnée qui s'y est faite depuis,

- sur le bas de l'estran, un platier rocheux parfois jonché de graviers et de galets ou de cailloux encore anguleux,

- vers le milieu de l'estran, quelques rochers saillants, dont un groupe à l'Ouest porte collectivement le nom de Rochers du Corbeau, alors qu'un îlot plus à l'Est s'appelle "Roc'h Louet Du" (la roche bigarrée noirâtre),

- sur la côte :

- au Nord de la partie rocheuse de la butte, une falaise armée sur toute sa partie basse par de la roche saine, dont un gros rocher appelé Roc'h Bras qui forme le principal point d'ancrage dussystème,

- au Nord du versant de loess, une falaise quasi verticale, taillée dans les dépôts quaternaires, et en cours de recul assez sensible,

- au Nord de la partie la plus basse du grand méjou, un cordon de galets assez élevé, battu par les houles qui passaient entre le Corbeau et Roc'h Louet Du, avec une plage de sable au pied, et, derrière, là où le recul du cordon le conduisait à recouvrir peu à peu le méjou, une petite aire humide et incultivable.

La comparaison des documents anciens avec l'état de 1960 montre qu'au cours de cette période d'évolution quasi-naturelle, très peu perturbée par des interventions humaines, le recul de la falaise rocheuse avait été négligeable. Elle n'a pas reculé beaucoup plus depuis 1960, même si la prolifération des constructions sur la butte a un peu perturbé l'évolution, car la couche meuble du sommet n'est pas très épaisse et la roche saine du bas n'est pas encore affectée par l'altération qui, à long terme, devrait résulter de la plus grande humidité du sous-sol.

Dès 1960, ce secteur présentait cependant, en un point particulier, un recul accéléré par des efforts maladroits pour le ralentir : sur l'un des champs lanières de la partie haute du méjou, donc sur une parcelle dont le front de mer était relativement étroit, avait été construite, entre les deux guerres, une maison relativement proche du haut de la falaise. Très vite, le recul de la falaise (qui n'était pas nouveau, mais n'avait pas été remarqué par le propriétaire avant que la maison ne soit construite) apparut comme une menace pour la maison, et le propriétaire fit édifier en avant de la falaise un mur vertical, pour lequel je n'ai pas retrouvé de concession du Domaine Public. Ce mur comportait un voile de béton devant la falaise, et deux joues destinées, probablement, à protéger contre l'attaque latérale ; mais pour les mettre en place il avait fallu creuser dans la falaise, puis remblayer, aux dépens de la cohésion du matériau.

Le mur a assez bien tenu pendant quelques dizaines d'années, puis on a eu les conséquences habituelles : le recul se poursuivant sur les parties de la falaise non protégées, de part et d'autre, les deux flancs du mur ont été désolidarisés de ce à quoi ils s'adossaient, et la mer s'insinuant sous les joues de l'ouvrage, a sapé sur les côtés, accélérant localement le recul. Le voile vertical s'est trouvé, finalement, en avant de la falaise, qui continuait à reculer derrière lui, de sorte que, se désolidarisant de ses joues, il a basculé vers l'arrière. Cette attaque latérale montre que "c'est une grande folie que de vouloir être sage tout seul", puisque les voisins ne s'étant pas protégés, les deux bouts du mur sont contournés par l'érosion".

Remarque : l'étude de l'évolution d'un site pour des raisons tant géomorphologiques que du fait des usages humains, permet de tirer des leçons d'aménagement et d'évaluer les conséquences de certains travaux. La richess toponymique évoquée par le professeur Pinot, représente une autre caractéristique de cette étude.

Le cordon de galets de la grève de Saint-Guénolé

PINOT, Jean-Pierre, extrait de "Rapport sur l'évolution du littoral autour de la Baie de Lannion et sur la côte de Granit Rose, SMVM de la Baie de Lannion", Brest : Laboratoire de Géographie de la Mer, UBO, 1993.

"Devant Mezo Nochou, le cordon de galets avait reculé aux dépens des anciens champs ouverts lanières. Rien n'entravant ce recul, il avait à l'état naturel le profil surbaissé des cordons naturels, le revers n'était pas abrupt, parce qu'il était formé de galets projetés lors des tempêtes et restés là où ils étaient tombés. Il avait d'ailleurs été recouvert d'assez de terre pour qu'une épaisse végétation le couvre, signe de la lenteur du recul. Derrière, une petite dépression, où l'eau stagnait sensiblement en-dessous du niveau des plus hautes mers, le séparait des champs cultivés.

C'est ce cordon, dans sa partie la plus basse, qui a été aménagé en parc à voitures et en rempart contre la mer : l'étroit chemin qui, dans sa partie orientale, le longeait pour conduire aux maisons du Royau est devenu une route où l'on peut se croiser, avec le parc à voitures sur le côté, édifié sur l'ancienne zone humide. Les galets du revers, nivelés et renforcés par du remblai, forment le sol du parc, tandis que l'on a fourni au front du cordon un "à-dos" artificiel par un mur cyclopéen formé de gros blocs quadrangulaires.

De ce fait, le recul est bloqué, et lorsque des galets sautent par-dessus l'à-dos, on les rejette de l'autre côté. Mais la hauteur du cordon est maintenant nettement plus grande, par rapport au niveau des plus hautes mers : d'un mètre, peut-être.

Dans l'ensemble, ce système qui va du promontoire du Centre Hélio-Marin jusqu'au promontoire du Royau se présente donc comme une côte contraposée typique : la zone faible, tapissée de loess et dépourvue d'armature rocheuse, est un rentrant du paysage, et un rentrant qui s'accentue, parce que les saillies rocheuses encadrantes reculent au contraire très peu. Les massifs rocheux avancés ont dû servir autrefois de points d'appui à la côte, mais celle-ci s'en est détachée au cours de son recul, et, s'ils jouent encore un certain rôle de protection, il n'y a plus que Roc'h Louet Du qui, par sa queue de comète de galets et son prolongement sous la forme d'une crête de sable, influe encore sur le plan des accumulations littorales".

Remarque : la tempête de mars 2008 a montré les limites d'un système de protection du littoral.

20082205117NUCB : Collection particulière

20082205121NUCB : Collection particulière

20082205122NUCB : Collection particulière

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20082205120NUCB : Collection particulière

20082205118NUCB : Collection particulière