Le Sillon de Talbert est divisé en 4 parcelles sur le cadastre de 1829 : le Sillon est figuré en section A, parcelle 1103, avec la 'Pierre à goémon' indiquée au milieu du Sillon, le cordon de galets au bout du Sillon (A 1104), après 'Toull Sten', l'Île au Rats (A 1104) et le dernier îlot (A 1106). Ce très ancien sillon, issu de la dernière glaciation et de la transgression flandrienne (fonte des glaciers de la vallée du Trieux et de la rivière de Tréguier), aurait déjà 15 000 ans d´âge, alors que le Sillon Noir (au Nord-Est de la petite grève) serait antérieur à la dernière glaciation. Une autre hypothèse sur la formation du Sillon est proposée par le chercheur Pierre Stéphan du Laboratoire GEOMER (annexe n°3). Les recherches archéologiques de R.P. Giot, publiées en 1967, ont permis de dater l'occupation humaine du Sillon au moins depuis la fin du Néolithique (3300 et 2300 avant J.C.), avec la découverte de silex, tessons de poteries et restes de foyers. Depuis sans doute un bon millier d'années, le Sillon de Talbert sert de base à la récolte du goémon (goémon de coupe et d'épave). La petite grève du Sillon accueille les bateaux goémoniers et les dromes (radeaux de goémon). Les pêcheurs à pied exercent leur activité sur le platier rocheux et dans les îlots d'Ollone, y aménagent de véritables pêcheries, posent des lignes de fond et des filets de barrage (entre l'Île Blanche et le Sillon et au niveau du 'Genouil' ou du 'Ster' dans la 'grande Grève'). Louis-Marie Faudacq (1840-1916) a peint et dessiné ces 'travailleurs de la mer' à la fin du 19ème siècle. Dans son article intitulé 'Les faucheurs de la mer', publié en janvier 1906 dans la 'Revue des Deux Mondes', Charles Le Goffic donne un étonnant tableau de ce qu'était le Sillon quand commençait cette moisson ou coupe du goémon, nommée 'ar verz', à partir du mois de février. Plus récemment, les témoignages oraux évoquent les fours à goémon à la base du sillon (déjà cités au cours du 19ème siècle et peints par le douanier Faudacq), le séchage du goémon en meules imposantes et la pratique du pacage sur la dune et dans la petite grève. En 1844, un industriel de la soude, Chauvel fit construire plusieurs 'fourneaux' et un magasin sur le Sillon. Cependant, le comice agricole du canton obtint auprès du Conseil général et du préfet, selon ses doléances, de chasser cet 'étranger', fabricant de soude. Pour aller de l´une à l´autre de ces grèves on traversait autrefois le sillon (soixante mètres environ de large au maximum) avec des attelages, au niveau du et derrière le 'Chouk' ('le dos', 'la nuque' en breton) pour charger algues et galets sur la côte au vent. Cette multiplicité des usages sur un même site s'est développée de façon cohérente et en ménageant tant la ressource algale que le support physique de ces activités jusqu'au milieu du 20ème siècle. C'est la valeur d'usage qui fait la référence et la parité entre des acteurs et des producteurs locaux. Ce qui construit et cimente une culture littorale. L'exploitation industrielle des agglomérats marins (sables, graviers) effectués aux alentours du sillon depuis le début du 20ème siècle par les sabliers a contribué à la fragilisation du cordon littoral qui protège la pointe de Lanneros. L'exploitation par une compagnie privée en 1928 est dénoncée par le Conseil municipal de Pleubian. Lequel autorise néanmoins en 1930 l'extraction de galets de 100 m3 pendant 6 mois pour l'entretien des chemins communaux. Le véritable divorce ethno-écologique s'est déclaré une première fois lorsque des nouveaux usagers du site (les soldats de l'organisation allemande 'Todt', pour construire le 'Mur de l'Atlantique') ont prélevé des quantités importantes de galets à partir de 1942 pour construire des blockhaus et empierré les routes. La modélisation de cette activité s'est poursuivie au niveau de l'Île Blanche par les habitants eux mêmes pendant le temps de la reconstruction. Puis à partir des années 1960, les tracteurs des cultivateurs avec leurs remorques sont venus, depuis les communes environnantes (Paimpol), envahir le Sillon et ramasser les goémon d'épave, en négligeant certains règles d'usages. A partir de 1969, le Sillon qui faisait partie du domaine privé de l'Etat, est passé sous la responsabilité de la commune de Pleubian, pour essayer de freiner la dégradation du site et la rupture prévisible du cordon de galets. Elle a obtenu le renfort de 11 autres communes pour créer sous la présidence de Max Querrien, maire de Paimpol, le 'Syndicat intercommunal pour la sauvegarde du Sillon' et la constitution d'un syndicat mixte associant le Conseil général et la Chambre d'agriculture. Dés 1974-75, un premier enrochement et un épi transversal (à la base) sont réalisés ; l'enrochement en ligne sera prolongé en 1982 sur 1300 mètres, alors qu'on pratique un re-profilage de la crête et qu'on empierre un passage dans la dune en 1982. D'autres grands travaux seront réalisés par la suite entre 1987 et 1989, afin de remodeler les enrochements parallèles au Sillon. En 1988, on installe un filet expérimental pour essayer de retenir les galets et pour arrêter l'étalement du sillon. On installe en plus un brise-lames. Cependant, tous ces travaux coûteux s'avèrent inefficaces et aggravent la situation. Ils bloquent l'engraissement naturel du Sillon et accélèrent l'érosion derrière les enrochements. Les tempêtes successives comme celle de janvier 1988, parviennent même à briser le cordon. Au 1er janvier 1992, le Syndicat rend son bien à l'Etat. Le Sillon, par trop artificialisé, se voit refuser le label 'Grand Site' par la DIREN. En 1994, la commune de Pleubian accepte l'établissement d'une zone de préemption de 30 hectares, sur laquelle le Conservatoire du Littoral pourra intervenir sur un aménagement global du Sillon à Penn Lann. En 1996, le Conservatoire demande l'affectation du Sillon auprès du Service maritime de l'Equipement, avec une convention de gestion du DPM sur 30 ha. Et quelques années plus tard, il prend en main la gestion globale du site, en lien avec l'opération 'Natura 2000' Trégor-Goélo (Directive européenne 'Habitats naturels'). L'accès au lieu est réglementé, alors que des animations découverte et une veille écologique sont mises en place par des associations locales (CPIE du Trégor, 'Nature et Equilibre', Groupement ornithologique des Côtes d'Armor', Vivarmor-GEPN). Une stratégie de travaux et de soins d´accompagnement de la dynamique naturelle du sillon s'amorce pendant cette première1ère décennie 2000, tant pour le renforcer que pour freiner son érosion : les anciens enrochements, une fois concassés, ont été déposés en arrière du Sillon (environ 7000 m3 apportés sur 1400 mètres) afin de l´aider à s´appuyer à sa guise sans résistance. La difficulté est de ne pas renforcer certains endroits au détriment d´autres, pour ne pas compromettre l´équilibre global : agir aux coupures et brèches qui se créent et aux cambrures qui se modifient demande une observation attentive. Il s'agit aussi de restreindre puis de trouver des alternatives aux usages goémoniers sur le site (séchage) et de mieux gérer le flux touristique. En 1999, une première convention est passée entre le Conservatoire et la commune de Pleubian. Cette convention sera renouvelée et enrichie en 2006. La commune s'engage à gérer et à animer par délégation le Sillon de Talbert, avec l'engagement d'un animateur-garde du littoral. En décembre 2006, le Sillon devient une réserve naturelle régionale et obtient l'appellation bretonne 'Grand Espace Remarquable de Bretagne'.
En 2008, le Sillon de Talbert est devenu réserve naturelle régionale. Le périmètre de la réserve a été étendue en 2018 à l'archipel d'Ollone et au platier rocheux découvrant de Men Buas. Des vestiges de dépôt coquilliers ont été découverts à Ollone ainsi que des ossements humains datés du Moyen Age. Des traces de carrière ont également été découverts dans l'archipel d'Ollone. Des restes de four à goémons ont aussi été découverts après a tempête de 2017 à la base du Sillon, près de la brèche de mars 2018. (pierres rougies par le feu). Le pieu de l'ïle Blanche (servant de repère autrefois pour les bateaux sabliers) a été enlevé par une tempête en 2017. Aujourd'hui en 2018, le Sillon commence à englober l'Île Blanche.
Hydrographe