Dossier d’œuvre architecture IA22133560 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, Inventaire du patrimoine du port de Lannion
Quai de La Corderie et quai Joffre (Lannion)
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Association pour la Recherche et la Sauvegarde des Sites Archéologiques du Trégor

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Lannion - Lannion
  • Commune Lannion
  • Dénominations
    quai

Le quai de la Corderie, vertical rectiligne s'étend sur une longueur de 540 m, depuis l'angle de la rue du colonel Hamon jusqu'au chemin de halage. Il est composé de pierres de schiste de Lannion surmontées d'une rangée de moellons de granit gris. Des bittes d'amarrage de bateaux jalonnent le quai sur une bonne partie de sa longueur, elles sont semi-enterrées à cause du rehaussement de la chaussée en asphalte. Une rangée de mûriers noirs, plantés il y a une trentaine d'année, borde toute la longueur du quai de la Corderie.

Devant l'ancien bâtiment de la corderie royale, on observe une avancée du quai sur environ 50 m de longueur. Sur une vingtaine de mètres, coté amont, cette plateforme est en béton. il s'agit de l'ancienne cale comblée en 1970 pour agrandir la surface de déchargement du sable. Sur le quai de cette avancée, se trouvent 2 murets parallèles en béton de 2,50 m de long et 0,50 m de haut. Ce sont les restes du dispositif de tamisage du sable destiné à la vente, pour en éliminer les coquillages. Le tamis, aujourd'hui disparu, était fixé sur ces murets. Sur la partie amont du quai, une bordure en béton d'une vingtaine de centimètres retenait les tas de sable pour les empêcher de s'écrouler dans la rivière.

Au bout du quai de la Corderie, avant le chemin de halage, une cale en pente douce d'environ 4 m de large permet la mise à l'eau ou la remontée de bateaux sur le quai. Au pied de la cale se trouve un lavoir reconnaissable aux dalles plates qui en forment le contour (lavoir d'en bas), quelques marches en béton et parpaings y donnent accès. Le ruisseau de Roz an Dour se jette dans le Léguer par une buse d'environ 1 m de diamètre quelques mètres en amont du lavoir. En amont de la cale, le mur du quai présente de grandes brèches dues au descellement de moellons.

Cette partie amont du port de plaisance de Lannion est départementale et concédée à la Ville. Le quai de la Corderie, qui n'est plus utilisé pour le trafic de matériaux par cabotage, présente quelques aspects préoccupants tels que l'envasement au pied des quais, des amoncellements de déchets (roues usagées, ferrailles, etc.), mais aussi des faiblesses de structures dues à la disparition de pierres du quai créant des trous béants que l'eau vient creuser par le mouvement des marées. Les murs et les pieds envasés des quais sont progressivement envahis par une végétation dont les racines risquent de déchausser les pierres.

Le quai Joffre fait la jonction entre les quais de Viarmes et de la Corderie. Cette portion est dénommée quai du Maréchal Joffre après la Première Guerre mondiale. Mais il existe depuis les travaux de redressement du cours du Léguer mi 19e siècle. D'une longueur de 300 m, le quai Joffre débute au pont de Viarmes et se termine à l'angle de la rue du Colonel Hamon où démarre le quai de la Corderie.

C'est un quai vertical, composé de pierres de schistes de Lannion et surmonté d'une bordure de moellons de granit gris. Deux escaliers intérieurs, flanqués à même le mur du quai, permettent l'accès à la rivière : le premier, situé près du pont de Viarmes, en métal et d'aménagement récent (1993), servait à accéder au bateau de promenades en rivière et en mer, "L'Amarine", organisées dans les années 1990 à l'initiative de l'Office de Tourisme de Lannion (des anneaux permettent l'amarrage des bateaux et un garde-corps métallique protège l'abord de la rivière) ; le second, situé face au 9 du quai Joffre, en pierres et en mauvais état, servait d'accès aux bateaux à l'époque du cabotage. En haut de chacun des escaliers, de chaque côté, une sorte de garde-corps métallique est fixé à une bitte d'amarrage, perpendiculairement au quai, servant de protection pour éviter aux piétons de chuter dans l'escalier encastré dans le mur du quai.

La hauteur du quai est d'environ 4 à 5 m. Des trous se sont formés par endroits suite au descellement de pierres et de moellons, entrainant un risque de déstabilisation de la structure et d'affaissement du quai et de la chaussée.

Des bouches d'évacuation d'eau de sources et de pluie jalonnent le mur du quai, espacées de 15 à 20 m et situés à environ 2 m au dessus du lit de la rivière.

Des bittes d'amarrage en granit sont enfoncées dans le rehaussement recouvrant le quai, élaboré vers 1965 pour construire la chaussée, en enrobé, de la route départementale D 788 desservant toute la Côte de Granit rose. C'est aussi une disposition préventive aux inondations lors des très forts coefficients de marée accompagnés de vent d'ouest.

Le quai Joffre a perdu sa vocation maritime à partir de 1965, au profit du quai Foch situé en face sur la rive gauche, ou ceux de la Corderie et de Loguivy situés plus en aval de la rivière.

La Corderie

En 1785, une corderie est installée le long du Léguer à environ 1 km en aval du quai d’Aiguillon. Un espace rectiligne de plusieurs centaines de mètres est arrangé sur les berges pour confectionner les cordages. Un petit quai vertical est construit pour aider au chargement des bateaux, et prend le nom de quai de la Corderie. En 1832, il est surtout utilisé par les navires de gros tonnage : il permet à ces gros navires de stationner sans avoir à passer le coude de la Haute Rive où se trouve un banc de vase qui gêne la navigation. Les travaux de rectification du chenal ne débutent qu’en 1838. En 1878, l’ingénieur des Ponts et Chaussées Jourjon indique : « C’est là que s’arrêtent les bâtiments de 240 tx qui, il y a 25 ans, pouvaient avec facilité remonter jusqu’à Lannion. A présent, ils ne peuvent plus compléter leur cargaison ni opérer leur chargement ailleurs que sur ce point, et le commerce entrevoit avec anxiété, le moment où cette ressource viendra à lui manquer. »

En 1912 le quai de la Corderie s’effondre. Les quais de la Corderie sont en effet en mauvais état. Le Journal de Lannion du 11 mai 1912 : « Un éboulement. Les quais de Lannion et notamment ceux de la corderie sont en bien mauvais état. Les  grandes pluies de l’an dernier ont miné les murs à la base et partout il y a des tassements considérables. Un éboulement très important et aussi très  dangereux vient de se produire en face des « Galères ». La maçonnerie a croulé dans le Guer emportant une masse de terre dans sa chute. Il est à craindre que d’autres pans de mur ne cèdent encore à cet endroit. Les dégâts sont très importants. ». Le Lannionnais du 12 mai 1912 : « Éboulement au quai de la corderie. Une partie du quai, située en face de la « corderie royale » s’est effondrée ces derniers jours. Le mur qui était fait en pierres sèches a cédé sous le poids de la masse de terre qui se trouvait derrière. Il est à désirer que les réparations nécessaires soient faites le plus tôt possible, car de nouveaux pans du mur menacent encore de s’écrouler. ». Rapport de l’Ingénieur des Ponts et Chaussées (25 octobre 1912) : « L’avarie cale de la Corderie la rend actuellement inutilisable et cause une grande gêne au trafic.  Cet ouvrage est en effet utilisé par tous les navires que leur tirant d’eau empêche de remonter jusqu’aux quais et les caboteurs qui craignent d’amortir pendant une semaine durant les mortes-eaux viennent y compléter leur chargement. ». Lettre de l’ingénieur au ministre : « La cale actuelle comprenait deux rampes à chaque extrémité inclinées chacune à 12%. La suppression de celle d’aval jamais utilisée  a permis d’augmenter de 20 mètres la longueur utile du terre-plein ; la pente a été réduite pour rendre plus facile l’accès aux voitures chargées. Enfin, un escalier a été emménagé à l’extrémité de la cale pour permettre l’accostage des bateaux de pêche, de Locquémeau et du Yaudet, qui viennent livrer leur poisson sans avoir toujours l’eau nécessaire pour parvenir au port. Le détail estimatif s’élève à 29 000 F. La moitié du trafic, soit 5 000 tonnes se fait à la cale de la Corderie. Il arrive fréquemment que deux ou trois navires viennent y accoster en même temps. ». Rapport de M. Soisbault, membre de la Chambre de Commerce, maire de Lannion de 1911 à 1929 : « Les caboteurs se servent de cette cale pour recevoir la fin de leur cargaison lorsque la morte-eau approche, ce qui leur évite l’amortissage, (Bloqué à quai pendant les mortes-eaux),  et sa disparition momentanée cause un préjudice considérable à tout le commerce maritime local. De plus, il est à craindre que, de ce fait, les armateurs au cabotage ne cessent d’affréter pour le port de Lannion où ils sont exposés maintenant à amortir huit ou dix jours selon le rapport des marées. »

Le projet de reconstruction du quai et de la cale est approuvé en juin 1913, la longueur de 49m est jugée suffisante pour que deux navires y accostent. Les travaux sont néanmoins interrompus par la Seconde Guerre mondiale, et ne sont terminés qu'en 1920.

En 1939, "le Quai de la Corderie ne sera pas allongé", titre le journal local : « Le ministre des Travaux Publics a fait connaître que le port de Lannion était suffisamment équipé pour répondre aux besoins actuels de la navigation et qu’il ne pouvait dans ces conditions donner une suite favorable au projet qui lui était présenté. » (Le Lannionnais du 22 janvier 1939).

La Corderie Royale puis Nationale

L’exportation du chanvre est une source de richesse pour la région lannionnaise aux XVIIe et XVIIIe siècles. Mais cette culture, bien développée dans l’évêché de Tréguier, connaît une crise en 1739.

Les chanvres de Lannion sont estimés partout en Bretagne. La région approvisionne la Marine, ce que confirme le ministre le 31 juillet 1756 : « Je compte apprendre incessamment le départ de la frégate l’Héroïne qui n’attendait que le vent favorable pour escorter le convoy destiné pour la Manche. Il est à propos que cette frégate à son retour prenne sous son escorte quatre bâtiments de Saint-Malo chargés de 400 milliers de cordages pour le port de Brest et des barques à Lannion, chargées de 50 à 60 milliers de chanvre pour ce même port. » (Un millier = 1000 livres = 489,5 Kg). Le 25 juillet 1765, plusieurs quantités de chanvres sont acheminés de Lannion à Lorient pour la construction du vaisseau le Bretagne : « 42 paquets de chanvre, pesant 1 001 livres poids de 17 onces, dont l’emplette a été faite à Lannion par le sieur Chauvel le 23 août 1764. » (AD35, C 4 715). En 1776, « la production ayant diminué des deux tiers » au dire de l’Intendant de la Marine de Brest, qui regrette les belles années 1738-1739 où « la culture du chanvre était si active que les quartiers de Tréguier et Lannion ont fourni jusqu’à 900 milliers par an pour la marine royale. » (AD35, C 1556). L’État s’efforce alors de relancer cette culture. En 1781, l’administrateur Joly de Fleury considère le chanvre du Trégor comme l’un des meilleurs d’Europe : « Ce sont les chanvres de Lannion, qui, après ceux de Riga, soutiennent les plus fortes épreuves. » (AD35, C 1555).

Le canton de Lannion reste un gros producteur grâce à ses communes côtières. Ailleurs, les chanvres ou les lins sont cultivés comme appoint, et à l’intérieur des terres, ils sont de mauvaise qualité. La Marine s’intéresse toujours de près à la production lannionnaise, et en 1783, elle cherche à y implanter une corderie. Un premier projet apparaît en février 1784, « sur un terrain vague appelé les Buttes ». Le site n’est néanmoins pas retenu. Elle est finalement installée sur la rive droite du Léguer, en aval du port, sur un espace rectiligne, car les cordiers doivent disposer d’une grande longueur pour façonner les cordages les plus longs. Le sieur Guillot, Commissaire Ordonnateur de Saint-Malo, y fait « espader » le chanvre qu’il s’est procuré juste après le teillage, c’est-à-dire le battre pour l’affiner, puis il le fait  peigner. Il peut ensuite  approvisionner les arsenaux de Lorient et Brest. A l’origine, une filature de toiles à voile et de vêtements de travail, était prévue. Celle-ci ne sera jamais construite. Une partie de ces cordiers sont des bagnards, ou des condamnés aux galères, sujets dits les plus méritants du bagne de Brest, et placés ici parce que les conditions y sont moins difficiles. Leur présence est attestée par un acte de décès dans l’État-Civil de Brélévenez : « Henry Cremer, allemant âgé d’environ trente cinq ans, forçat numéro 24 175, noié le dix octobre 1789 à la recherche d’un chalan, et retrouvé le 18 même mois et année, a été par permission de l’amirauté de Morlaix, inhumé dans le cimetière de cette église. »

Malgré l’importante production de chanvres dont le débouché constitué par la Marine reste stable, l’activité de la Corderie diminue à partir de 1791 à cause d’un marché trop fluctuant. Les producteurs sont très mécontents de cet abandon. En avril 1793, il est question de la remettre en activité : « On nous annonce de prochains travaux à notre corderie ; elle n’est pas encore en activité. C’est une perte pour l’état, car certes on y travaillerait à moins de frais que dans les ateliers de Brest. » (Lettre au député Couppé). En décembre 1793, on parle de l’implantation d’une Corderie au chef-lieu du département, Saint-Brieuc, ce qui fait réagir le Commissaire de la Marine à Paimpol. Il explique les avantages à conserver celle de Lannion, qui, entre temps, est passée de « Royale » à de « la République » : « La Corderie de Lannion est au centre du pays qui produit le plus de chanvre dans le département. Donc, elle doit avoir la préférence sur celle proposée à Port-Brieuc qui ne pourrait être alimentée que par les chanvres du cru du District de Lannion. La position de la rivière de Lannion est infiniment plus commode pour se rendre par mer à Brest que celle de Port-Brieuc. »

En fait, cette lettre n’a pas de suite. La Corderie ne retrouve pas son activité originelle, tandis que celle de Saint-Brieuc se développe Le conseil municipal ne désarme pas pour autant, et près d’un an plus tard, le 19 novembre 1794, il considère qu’ « Il serait d’un très grand avantage pour la République de mettre la Corderie en activité. » (AD22, 38L1). Cela ne change en rien la destinée de la Corderie qui ne sera pas remise en service. Tout au plus, sert-elle pendant de longues années, d’entrepôt aux négociants en chanvre et en lin. Malgré son existence éphémère, elle restera longtemps présente dans la mémoire des Lannionnais, et donnera son nom au lieu où elle était implantée.

En 1825, la Corderie Royale est cédée aux Domaines par la Marine qui ne l’utilise presque plus. La municipalité informe le Préfet des avantages de la rétrocession au profit de la ville : « La ville tient à cet établissement avec d’autant plus de motifs que ce terrain lui est agréable et nécessaire : agréable parce qu’il forme une promenade publique qu’elle veut faire joindre par une levée déjà commencée à un nouveau quai près le pont de Viarmes ; nécessaire puisque c’est par ce terrain que l’on transporte de la ville, des marchandises dans les navires assez nombreux qui, en raison de leur tonnage, s’y arrêtent. Tout concourt donc à assurer à la ville la transmission de cette propriété : elle conserverait les édifices en leur état actuel et les entretiendrait à ses frais, elle finirait sa promenade, la Marine trouverait encore le même établissement en cas de besoin pour le service de sa majesté et la ville aurait un local convenable pour grenier de subsistance ou pour atelier de filature, ou pour recevoir des prisonniers marins militaires : en 1813 et en 1814, 5 à 600 espagnols y ont été détenus, soit des forçats si l’on en voulait par eux faire curer le port rempli de vase. ». La Corderie accueille donc quelques bagnards ou galériens pendant quelques années.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 18e siècle, 2e quart 19e siècle, 1er quart 20e siècle
    • Secondaire : 3e quart 20e siècle

Quai de la Corderie composé de pierres de schiste de Lannion surmontées d'une rangée de moellons de granit gris : longueur 540 m

Quai Joffre, vertical, composé de pierres de schistes de Lannion et surmonté d'une bordure de moellons de granit gris : longueur 300 m, hauteur 4 à 5 m

  • Murs
    • béton
    • granite
    • schiste
  • État de conservation
    mauvais état
  • Statut de la propriété
    propriété du département, Quai : concession à la commune de Lannion
    propriété privée, Bâtiment de la Corderie royale

Bibliographie

  • LE PERSON, André, Lannion, un port sur le Léguer, Editions La Plomée, Guingamp, 2004

  • JOURJON, Jean, Port de Lannion, Ports maritimes de la France : Tome troisième, de Cherbourg à Argenton, 1878

    p. 645 à 666

Périodiques

  • Un éboulement, Journal de Lannion et de son arrondissement, 11 mai 1912

    Archives départementales des Côtes-d'Armor : J P 53 A
    p. 3
  • Un éboulement au Quai de la Corderie, Le Lannionnais, 12 mai 1912

    Archives départementales des Côtes-d'Armor : 4 Mi 8 R 19
    p. 3
Date(s) d'enquête : 2022; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Association pour la Recherche et la Sauvegarde des Sites Archéologiques du Trégor
(c) Région Bretagne
Articulation des dossiers
Fait partie de