• enquête thématique régionale, Architecture urbaine en pan de bois
Architecture en pan de bois de Guingamp

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aires d'études
    Guingamp

Ceinte de remparts et pourvue d'un château, Guingamp se dote d'une communauté bourgeoise au 14e siècle par une charte octroyée par Charles de Blois. Son commerce diversifié assure alors sa prospérité : vins et épices, teillage de lin et chanvre, vente de toiles, tannage, fonderies de cloches et canons. Le Trieux sert de voie de communication vers le port de Tréguier via Pontrieux. Selon Annaïg Soulabaille, on compte une trentaine de charpentiers menuisiers dans la seconde moitié du 15e s. A la fin du 17e, les remparts tombent en désuétude, le commerce des toiles "Berlinge" s'étiole tandis d'autres activités persistent ou prennent de l'ampleur (agriculture, poterie à Pabu, etc.). Le tissu urbain continue de se densifier, avec 30 maisons de plus entre 1643 et 1694 (Annaïg Soulabaille, 1999). Au 18e siècle, l'activité textile toilière se concentre dans les faubourgs Saint-Sauveur, Saint-Michel et la paroisse Notre-Dame. Les halles du centre sont détruites et la place créée en 1775.

L'essentiel du pan de bois conservé ou identifié à Guingamp se concentre dans la ville close mais on en compte aussi dans le faubourg du Trotrieux (plan de 1776).

En 2025, l'opération "Printemps du pan de bois" propose aux habitants de collecter des images, des archives ou autres informations autour des maisons en pan de bois de leur ville. Animée par des journées d'échanges, cette expérimentation a permis d'enrichir la reprise des connaissances par des photographies personnelles, des cartes postales ou des informations orales.

Deux maisons sont datées par dendrochronologie du 15e siècle : 1413-1415 pour le n°35 place du Centre et 1488-1489 - datation provisoire - pour le n°31. Par analogie, on peut attribuer à cette période les n°48, 39 et 33 de la même place. Des vestiges similaires s'observent au n°20, en arrière d'un bâtiment plutôt 16e s. D'anciennes ruelles, parallèles au front de rue, semblent en effet avoir existé avant d'être absorbée par une densification du bâti. On trouve ainsi en cœur d'îlot une maison à façade en pan de bois au n°7 rue Edouard Ollivro.

La maison conservée au 2 rue Saint-Yves, bien que très remaniée, comporte un décor qui l'attribue au 16e siècle. En bordure du Trieux, l'énigmatique maison au 2bis dont les pignons accompagnent l'encorbellement par deux ressauts remonte peut-être elle aussi à cette période.

Parce qu'elles sont recouvertes d'ardoises ou d'enduit, d'autres maisons sont plus difficilement datables : le 2 rue Notre-Dame, accolé à la basilique, remonte peut-être au 17e s. tout comme les n°12 et 50 place du Centre. Les maisons rue du Grand Trotrieux (n°6 et 8) sont attribuées avec incertitude à ce même siècle.

Les représentations du 19e et 20e siècles ainsi que les archives permettent de repérer différents édifices aujourd'hui disparus. Beaucoup de façades sont par ailleurs essentées d'ardoises ou enduites, dans un souci d'occultation et de protection de leur pan de bois (photo de 1859, photo de 1936). Comme à l'accoutumée, les baies ont souvent été agrandies et leur nombre réduit ; les toitures perdent leurs fermes débordantes au profit de croupes. Les projets urbains imposent des alignements qui entrainent bien des destructions, de même que les incendies.

  • Période(s)
    • Principale : 15e siècle
    • Principale : 16e siècle
    • Principale : 17e siècle

Guingamp conserve un remarquable ensemble de maisons du 15e siècle concentré autour de l'actuelle place du Centre. L'abattage des arbres a été daté avec précision pour le n°35 de 1413-1415. La fenêtre trilobée révélée lors de la restauration des années 2020 est la seule connue à ce jour à Guingamp. De forme plus allongée, on trouve des trilobes à Malestroit (56) sur une maison non datée et à Dinan, en façade sud d'un édifice incendié en 2019 et daté de 1456-1458 (3 place des Merciers). Les cheminées observées au n°31, 33 et 48 sont similaires : larges ébrasements, corbeaux à double arrondi et cannelure. Les maisons aux n°31 et 48 en particulier partagent de nombreux points communs : écharpes coudées, mêmes type de moulures sur les poteaux, élargissement des poteaux en tête et pieds aux étages, etc. L'alignement de petites fenêtres dont les linteaux forment accolades signe également une esthétique propre à plusieurs villes du Trégor comme La Roche-Jaudy, Tréguier, Pontrieux et probablement Paimpol. Le n°39 est par ailleurs remarquable de par son décor et la présence de fermes "armoricaines" qui suggèrent des pièces non plafonnées à l'étage. Des vestiges de pans de bois datant probablement de la même époque sont repérés dans la partie arrière du n°20 de la place. Une maison à façade en pan de bois se trouve même en cœur d'îlot, accessible par le n°7 de la Place. En effet, des ruelles parallèles au front de place permettait une circulation progressivement grignotée par le densification du bâti, transformées en cour intérieure ou loties. Enfin la présence d'une porte en arc brisé au n°12 suggère un édifice médiéval ; l'enduit en façade empêche la lecture du pan de bois qui semble cependant être plus récent (17e s.).

Certains détails constructifs sont intéressants à relever : usage de bois fourchus (un poteau cornier et une poutre au n°31), poteaux corniers filant sur la hauteur de deux étages (n°31 et 2 rue Saint-Yves), écharpes coudées (n°31 et 48).

Archives et iconographies anciennes étoffent le corpus de bâtiments aujourd'hui disparus. Ces destructions sont majoritairement liées aux projets urbanistiques de la Ville. Ainsi, le conseil municipal se penche en 1862 sur l'élargissement de l'entrée de la rue Saint-Yves et le tournant à angle droit avant le premier pont Saint-Michel. Selon l'alignement du 27 novembre 1836, trois maisons en saillie sont concernées par une reconstruction rue Saint-Yves et la maison Huon sera rescindée pour former un pan coupé, encore visible aujourd'hui (AM, 2O 15). Sur cette photo publiée en 1859 dans l'album Narrative of a walking tour in Brittany par trois anglais, on distingue l'actuel 2 rue Saint-Yves et sa voisine dite maison Basile dans une archive de 1865 et dont il reste aujourd'hui une cheminée dans le mur mitoyen. Deux autres maisons disparues y sont repérables : à l'angle entre la place et la rue Jean-Jacques Rousseau (actuel n°56) et le n°37. Le n°39 dispose encore de sa ferme débordante, destinée à protéger du ruissellement le reste de la façade. Si le n°37 a déjà disparu sur cette carte postale, le n°56 apparaît encore sur un dessin d'Yvonne Jean-Haffen daté d'entre 1930-1940 tout comme sur cette carte postale de 1920-1930. Toujours le long de cette place, on distingue un étage en encorbellement sur cette carte postale à l'emplacement de l'actuelle pharmacie au n°4. Une pétition de monsieur J.M. Le Besque, entrepreneur à Plouisy, auprès du maire demande l'alignement avec démolition et reconstruction "d'une maison sise rue des Halles, appartenant à Monsieur Le Cun pharmacien" en date du 11 juin 1908 (AM 2O 9) et qui correspond probablement à ce bâtiment. Sur cette autre carte postale figure une maison en pan de bois enduit à deux étages plus combles au n°19. Dans la première moitié du 20e s. l'enduit est peint d'un faux pan de bois (carte postale). Cette maison disparaît dans un incendie en 1934 : selon l'Ouest Eclair du 29 janvier, le feu aurait pris dans l'atelier donnant sur l'arrière du magasin de confection Legris. EN 1985, un autre incendie détruit l'arrière des immeubles avoisinant le n°14 place du Centre (article Ouest France du 12 novembre 1985, p. 17).

Rue Notre-Dame, une plaque stéréoscopique de la collection privée de M. Duchemin donne à voir une maison à pignon sur rue et étage en encorbellement à l'emplacement de l'actuel n°3. Aujourd'hui essenté d'ardoises, le bâtiment qui jouxte l'église était auparavant enduit avec des encadrements de fenêtres imitant de la pierre de taille. Le magasin du rez-de-chaussée abritait le commerce de "Thomet Me épicier, graines fourragères et potagères, cierges, bougies & chandelles" (Guingamp au carrefour des siècles 1895-1925, Les Amis du Pays de Guingamp, 1995, p. 50 et 53). Rue de la Pompe, une maison en encorbellement se trouvait à l'emplacement de l'actuel n°13 (ibid, p. 102). Rue des Ponts Saint-Michel se trouvait l'hôtel de la maison Blanche : un rez-de-chaussée commercial avec trois baies et entrée centrale, deux étages en encorbellement et des combles, le tout masqué par des ardoises. Il fut détruit en 1955 comme le relate un article du Ouest France du 7 octobre. Dans la même rue, des documents d'archives de 1822 signalent la démolition d'une maison "menaçant ruine" et inhabitée dont les bois et ardoises seront mis à prix par le crieur public, ce qui peut suggérer une maison en pan de bois (AM 2O 13).

Non localisée, une autre maison dite Bridel disparaît dans un incendie dans la nuit du 17 au 18 septembre 1885 : l'architecte de la ville indique que les façades antérieures et postérieures reposent "sur des piles, irrégulièrement disposées, et dont les points d’appui bas, constitués par des palâtres en bois (en majeure partie) sont brûlés ou désorganisés" (AM 20 15).

Si l'on descend vers le Trieux par la venelle du Moulin, des archives relatent en avril 1888 la mise en demeure de la veuve Lentier de "démolir toutes les parties menaçant ruine, placées en encorbellement de sa maison bordant la venelle du moulin, en la ville de Guingamp, et que ce travail devra être entrepris dans les vingt-quatre heures qui suivront la notification de l’arrêté susmentionné” (AM 2O 10). En bas de cette venelle, se trouvait la porte Tourquellenic sur laquelle des propriétaires avaient construit un "petit édifice" en "bois et terrasse" selon des contrats en date du 8 mars 1713 et 13 juillet 1723 (AM 2O 15). Il s'avère que dès la fin de ce siècle la porte, abîmée, nécessite d'être démolie et le bâtiment étayé (procès-verbal 17 septembre 1790, AM 2O 15). Tout a aujourd'hui disparu. Dans la rue du Grand Trotrieux subsistent trois maisons en pan de bois, dont une orientée vers l'accès à l'eau et au moulin (n°2bis, carte postale). Au n°10 se trouvait une 4e maison à pignon sur rue, rez-de-chaussée maçonné et porte en plein cintre, un étage en encorbellement alors enduit (carte postale des maisons mitoyennes, autre carte postale). La reprise du pont dans les années 1960 aurait entraîné sa démolition (information oral de M. Duchemin). Ces maisons du faubourg sont de petit gabarit (r+1) avec anciennement un alignement de leurs pignons sur rue.

En somme, les maisons en pan de bois conservées à Guingamp témoignent d'un mode de construction du 15e siècle qui se prolonge jusqu'aux 17e ou 18e siècle. Les évolutions urbaines - densification, alignements et ouverture de rues, etc. - impactent ces édifices dont plusieurs perdent leur façade en pan de bois au profit d'un remontage en pierre, en particulier autour de la place qui est aménagée à la fin du 18e s. Enduits ou essentages masquent toujours plusieurs maisons qui réservent probablement des surprises quant à leur structure et leur datation (au n°12 par exemple). Cette étude d'Inventaire ouvre des pistes à explorer : repérage exhaustif d'autres vestiges de pans de bois dans l'épaisseur des îlots bâti, étude de l'organisation intérieure du n°39 de la place, datations à confirmer, poursuite du travail en archives.

Bibliographie

  • Bulletin d'information des Maires : éléments d'histoire et d'archéologie : communes de l'arrondissement de Guingamp. Saint-Brieuc : Ateliers d'impression Préfecture, 1976.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel) : 22 GUI
  • LE MONNIER, J. Guingamp, Avaugour et Penthièvre. Rennes : Ouest Eclaire, 1923.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel) : 22 GUI
  • LES AMIS DU PAYS DE GUINGAMP. Guingamp au carrefour des siècles (1896-1925). Guingamp : Les Amis du Pays de Guingamp, 1995.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel) : 22 GUI
  • REBILLE, Edmond. L’argoat secret autour de Guingamp. Pédernec : Henry, 1989.

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  • ROPARTZ, Sigismond. Guingamp, études pour servir à l’histoire du tiers-état en Bretagne. Marseille : Lafitte Reprints, 1982.

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  • LELOUP, Daniel. La maison urbaine en Trégor aux 15e et 16e siècles. Rennes, Presses universitaires de Rennes, collection "Art et Société", 1996, 226 p.

    Leloup 1996
Date(s) d'enquête : 2023; Date(s) de rédaction : 2023, 2025