Milieu naturel et historique
Sauf dans le sud, proche de Quimperlé, près du bourg et le long de la route départementale N° 790, le territoire communal a largement conservé son caractère rural et boisé. Les rivières sont, par endroits, à l´origine de reliefs accentués et de sites remarquables. A l´ouest, les hameaux de Kerbleuc, Kervéadou et Kerlescouarn dominent ainsi la vallée boisée de l´Isole ; à l´est, les terres agricoles autour de Kermec, Le Ruerno et Keriquel descendent jusqu´aux méandres de l´Ellé. L´analyse des plans cadastraux levés entre 1823 et 1829 permet de retracer l´évolution de l´espace rural ; le réseau des chemins mais aussi les structures des hameaux restent globalement stables, mis à part le percement de la route liant Quimperlé et la Bretagne centrale intervenu dans la première moitié du 19e siècle. L´habitat, à l´origine clairsemé le long de cette route, était celui d´une population de tâcherons, petits artisans ou ouvriers agricoles. Des petits lots de terrains jouxtant la route pouvaient être affectés à cet habitat non agricole. En 1824, la toponymie reflétait des caractéristiques géographiques ou végétales (Loge des châtaigniers) ou faisait allusion au nom d´un habitant (Loge Allan), le terme « loge » étant, dans ce contexte, synonyme d´habitation, de logement.
En 1843, d´après Ogée, un tiers du territoire communal est constitué de terres labourables, un autre tiers de landes qui, cultivées, faisaient alors intégralement partie de l´exploitation agricole. L´existence de nombreux vergers et jardins laisse supposer une production cidrière non négligeable.
Parmi 37 maisons et fermes recensés par l´Inventaire, trois ont fait objet d´un dossier individuel (Keriquel, Lamarre, La Garenne). Les dates portées relevées vont du milieu du 17e siècle aux années 1930, couvrant ainsi trois siècles, avec un taux très faible pour les 17e et 18e siècles ; les dates relevées à Coltas (1655 ?) et Quélennec (1654) correspondent, en effet, à des remplois. Une seule date du 18e siècle (1719), également un remploi (en tuffeau, matériau exogène), subsiste à Kerlescouarn Bras. Construit en 1788, le petit logis près de la chapelle de Loc-Ivy correspond vraisemblablement à une ancienne maison de chapelain. Une pierre sculptée figurant un calice à Kerlescouarn Bras plaiderait également en faveur d´un ancien logement de prêtre. A partir de 1860, la progression est sensible, avant d´atteindre l´apogée entre 1870 et 1914, époque qui correspond à la modernisation de l´agriculture dans un secteur particulièrement actif qui profite aussi d´un enseignement agricole dispensé à Quimperlé. L´exploitation forestière peut, dans la seconde moitié du 19e siècle, comme à La Garenne, conduire à l´agrandissement d´une ferme existante. Durant cette période, les conceptions architecturales tendent à se standardiser. Plus tard, certains logis ruraux, bâtis entre 1900 et 1930 (Le Stang, Kerfourcher, Kerstangouenou), ne se distinguent plus des modèles urbains largement répandus.
Composition d´ensemble
Davantage que dans les autres communes du canton de Quimperlé, le regroupement de plusieurs unités d´exploitation au sein d´un hameau caractérise l´habitat le plus ancien. En témoignent, entre autres, Lamarre, Quélennec, Coltas, Kermec ou encore Kerlescouarn. A Loc-Ivy, c'est le lieu de culte, avec chapelle et fontaine, qui fédère un certain développement spatial qui dépasse, comme dans les exemples précédents, celui du bourg. Rares, les constructions implantées dans un site vierge correspondent à l´intensification agricole de la fin du 19e siècle, à l'instar de la ferme construite en 1892 au sud-ouest de Kerlavarec. Phénomène récurrent, le hameau existant est souvent étoffé par la construction de nouveaux bâtiments à sa périphérie, entraînant soit la destruction, soit le déclassement des bâtiments anciens (Le Rest, Quélennec, Keriquel, Kerlavarec). A l´intérieur des grands hameaux (Coltas, Kermec, Kerlescouarn), chaque exploitation disposait d´un accès individuel, tout en partageant, avec les autres des espaces communs, notamment les chemins d´accès ou les voies desservant les champs.
Les exploitations sont organisées suivant deux schémas récurrents : bâtiments disposés en alignement (Kerrant, Kerhoat) ou, plus rarement, bâtiments disposés autour d´une cour ouverte en L ou en U (Le Rest, Keriquel). Les formes d´alignement vont de la simple association d´un logis et d´une étable (Kerlescouarn Bras) aux "longères" associant plusieurs logis, étables et remises (Kerrant, Loc-Ivy, Lamarre). La création d´une cour résulte souvent d´éléments ajoutés tels que granges et remises (Kermec, Keriquel). Deux configurations particulières ont été observées. A Kerlescouarn Bihan (1912), il s´agit d´un bâtiment de plan massé à double orientation, composé d´un logis donnant sur le jardin et d´un vaste appentis postérieur accessible depuis la cour. Cette disposition, dont l´usage n´a pu être identifié, abritait peut-être, outre l´écurie, des locaux destinés à la fabrication du cidre (cellier et pressoir). Un autre unicum a été repéré à Kerstangouenou (15, rue du Moulin d´Or). Construit en 1926, il abrite, dans sa partie accessible depuis la cour, un sous-sol semi enterré occupé par l´ancienne étable pour deux vaches (information orale) et une cuisine pour la préparation des aliments pour le bétail ; un escalier extérieur latéral donne accès aux pièces d´habitation situées à l´étage ainsi qu´au jardin.
Beaucoup de granges et remises ont été rebâties dans la seconde moitié du 19e siècle. Des granges-remises avec porte charretière en pignon subsistent à Rosmaguer et La Garenne.
L'association remise/grange/four à pain existe encore à Rosmaguer. Les fours à pain, bien qu´ils soient souvent antérieurs au début du 19e siècle, ne figurent pas systématiquement sur le cadastre ancien ; sept, dont certains en mauvais état, ont pu être localisés à Coltas, Kervéadou, Keriquel, Kerlavarec, Rozéven, Quélennec et Kermec.
A l´instar des autres communes du canton, notamment Clohars-Carnoët, et du Morbihan voisin, certains petits édifices circulaires destinés à abriter des cochons ont été repérés sur le cadastre de 1823-1824 (Coltas, Rozéven, Quélennec, Le Rest, Kerlescouarn). Un seul exemplaire subsiste, ruiné, à Ruerno.
L´existence d´un puits par ferme est la règle, même au niveau d´un habitat regroupé où le puits à usage commun reste l´exception. Avec un total d´une cinquantaine d´écarts anciens, leur nombre était donc élevé. Parmi la douzaine de puits localisés (recensement non exhaustif), le groupe le plus ancien, de structure circulaire avec margelle monolithe en schiste ou en granite, est représenté par trois exemples (Coltas, Kerlou, Keriquel). Les puits de Kervéadou, Kerlavarec, Ruerno, Kerfourcher (daté 1860) Kermec, Keranguen et Loc-Ivy (daté 1878) sont de structure carrée, avec ou sans superstructure en pierre.
Matériaux
Les bâtiments antérieurs à 1850 sont majoritairement construits en moellon de granite et de schiste, avec un recours ponctuel au gneiss (Le Rest). Les ouvertures sont en pierre de taille de granite. En raison du caractère tardif du bâti, la majorité des édifices, logis en tête, était couverte d´un enduit (chaux ou ciment) comme l´attestent les encadrements des baies en saillie ; la mise à nu des façades lors de restaurations récentes ne respecte donc pas le caractère d´origine des édifices dont les maçonneries n´étaient pas destinées à être apparentes.
L´emploi de la brique pour l´encadrement des baies et des chaînages d´angle, conséquence du transport ferroviaire depuis la seconde moitié du 19e siècle, reste marginal et réservé à quelques logis tardifs (Le Stang, Kerlou).
Les couvertures traditionnelles en chaume ont disparu. Un grand nombre de constructions, logis ou dépendances, portent, sur les pignons, la trace des transformations intervenues lors du remplacement du chaume par l´ardoise (Kerlescouarn Bras, Kerlou). Le recours à la tuile mécanique, tardif, est demeuré marginal.
Typologie et distribution intérieure
Le classement en deux grandes catégories, « l´habitat mixte », caractérisé par la cohabitation des hommes et du bétail sous le même toit, et le « logis indépendant », défini par l´absence de la cohabitation entre hommes et animaux, peut être appliqué au territoire de Tréméven où la seconde catégorie arrive très nettement en tête.
« L´habitat mixte », propre aux témoins les plus anciens, est encore décelable, entre autres, à Kerlescouarn Bras, Le Rest, Kerrant, Kerlavarec et Lamarre. Mais le « logis indépendant », c´est-à-dire dissocié des parties agricoles, représente la catégorie la plus répandue au sein de laquelle le logis à un étage et trois travées l´emporte largement. Le comble à surcroît (Kerbleuc) et même l´étage servaient, dans la plupart des cas, de greniers et non de chambres. Longeant le logis au nord, des appentis en rez-de-chaussée abritaient souvent celliers et remises.
La présence de lucarnes en forme de pignon en façade (Le Stang, Kerlou, Kerrant, Coltas), en rompant avec les formules traditionnelles, dénote l'influence des réalisations urbaines alors en vogue autour de Quimperlé et au-delà.
Les intérieurs ont été trop modifiés pour comprendre, dans bien des cas, les dispositifs d´origine. Le plan à deux pièces par niveau, avec couloir central délimité par des cloisons en bois et enfermant l´escalier, semble avoir été majoritaire. Les éléments pérennes encore en place sont rares, mis à part les cheminées aux linteaux et corbelets généralement en bois et les armoires murales en pierre (Keriquel, Keranguen), parfois associées à un charnier en pierre.
Conclusion
L'habitat rural de la commune, profondément remanié à l´époque contemporaine, conserve néanmoins un pourcentage élevé de vestiges qui, même remployés, témoignent de l´ancienneté du corpus. Il partage, avec les autres communes du canton de Quimperlé, le caractère tardif lié à un taux de reconstruction important à partir de 1850. L´existence de quelques fermes de plan massé à double orientation (Kerstangouenou, Kerlescouarn), aux origines et fonctions encore mal connues, demeure une particularité qui se compare à quelques réalisations similaires localisées à Clohars-Carnoët et Mellac. Avec le recul des exploitations agricoles et la proximité de la ville, la plupart des logis trouvent une nouvelle affectation, contrairement aux parties agricoles devenues inutiles et donc vouées à la disparition.