Dossier d’œuvre architecture IA29001330 | Réalisé par
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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  • enquête thématique régionale, Inventaire des fortifications littorales de Bretagne
  • enquête thématique régionale, Inventaire des héritages militaires en Bretagne
Batterie d'artillerie de côte et caserne, Îlot des Capucins (Roscanvel)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Bretagne - Crozon
  • Commune Roscanvel
  • Lieu-dit Îlot des Capucins
  • Cadastre C 488
  • Dénominations
    ensemble fortifié, abri, batterie, casemate, caserne, pont
  • Parties constituantes non étudiées
    batterie, casemate

Aménagée par déroctage du rocher entre 1847 et 1849, la batterie d’artillerie de côte de l’Îlot des Capucins est idéalement placée à l’entrée du goulet de Brest. Elle est armée de six canons de 30 livres et six obusiers de 22 cm. La caserne pour 60 hommes (1848) et son mur avec pont-levis, protégés des coups de plein fouet par le rocher sont quasiment invisibles de la mer. Pour faciliter l’accès à l’îlot, un pont est construit en 1861-1862.

En 1888, l’îlot est doté d’une batterie casematée pour deux canons de 32 cm avec poste télémétrique sur la pointe. Des projecteurs électriques et leurs installations : caserne, abri-usine pour machines et réservoirs sont également installés à partir de 1889. Au sommet de l’îlot subsistent les vestiges du poste de commande des projecteurs et l’emplanture du mât de signaux. Quatre canons à tir rapide de 47 mm anti-torpilleurs arment la batterie de 1890 à 1914. En 1917, la batterie casematée est désarmée : ses canons sont remployés pour l’artillerie lourde sur voie ferrée. D’autres canons arment la batterie jusqu’en septembre 1944.

L'Îlot des Capucins appartient au Conservatoire du littoral : son accès est interdit pour des raisons de sécurité.

Ce dossier d’Inventaire a été mis à jour en 2024 dans le cadre de l'Inventaire des héritages militaires en Bretagne.

Un projet vaubanien

"Il y a une autre batterie à faire sur le petit rocher isolé, près du Capucin, vis-à-vis des Minous […] Celle-ci aurait encore l’avantage de défendre l’entrée de la rade de Camaret, de sorte qu’elle serait àdeux usages […]. Ce serait présentement une des meilleures choses qu’on pût faire au Goulet ; il y aurait moyennant cela trois batteries principales de ce côté et autant de l’autre, savoir celle de la pointe des Espagnols, celles de Cornouaille et du Capucin répondantes et vis-à-vis des Minous, du Mengant et du Portzic" Vauban, 1695.

Face à la pointe du Minou, côté Cornouaille, une batterie de 25 embrasures, une caserne (intégrant un magasin à poudre), un corps de garde et un mur d’enceinte sont proposés par Vauban en 1695 sur l’îlot des Capucins. Le "petit rocher isolé", comme il le désigne, mesure environ 130 m de long pour 60 m de large. Le projet est connu grâce aux plans et coupes dressés par Traverse, ingénieur local en charge de la côte de Cornouaille, le 24 janvier 1696 et contresigné par Vauban. Si, sur le papier, le projet semble simple : une vaste plate-forme d’artillerie orientée vers l’entrée du goulet à l’ouest et un grand casernement à l’est protégé par le massif rocheux de l’îlot – et donc à l’abri des coups directs del’artillerie ennemie – il repose sur un très important travail de déroctage afin d’aménager une plate-forme sur quasiment tout le pourtour du rocher. L’accès à l’îlot nécessite impérativement de traverser à marée basse. En raison de son coût pharaonique, ce projet reste dans les cartons du génie pendant 151 ans ; c’est en effet suite au travail de la commission mixte d’Armement des côtes de 1841 qu’il ressort quasiment en l’état en 1847. On peut comparer les travaux insulaires de l’îlot des Capucins à Roscanvel (1847-1849) avec ceux, contemporains - mais à une moindre échelle, de l’îlette au Conquet (1847).

L’aménagement de l’îlot

L’îlot des Capucins est aménagé entre 1847 et 1849 pour un coût total de 115 885 francs dont 36 200 francs pour la caserne. Une fois les travaux achevés, le rocher central en schiste ne mesure plus, au niveau de la batterie, que 37 m de largeur pour 85 m de longueur.

Le rocher a été taillé en cinq faces dans sa largeur : à l’ouest de l’arête centrale, deux faces dont la principale, à 45°, sert de parados et de masque ; à l’est, trois faces permettent de plaquer la caserne est contre le rocher. La face orientale, entaillée sur toute sa longueur d’un caniveau faisant rigole, permet de collecter les eaux de pluie afin d’alimenter la citerne aménagée en sous-sol de la caserne. Les deux batteries à barbette, parapet compris, ont une largeur de 15,5 m 65 sur près de 100 m de longueur totale. À l’est, la plate-forme de la caserne, d’une largeur de 17 m pour 60 m de longueur, a été aménagée en partie par déroctage et par ajout d’un remblai en pierres locales avoisinant 1 000 m³. On peut donc estimer le volume total déroché sur l’îlot des Capucins à au moins 20 000 m³.

Les abords du rocher ont également été façonnés au nord-est afin de créer une zone en pente douce et un quai au niveau des fondations de l’actuelle pile du pont de l’îlot pour permettre l’abordage de chaloupes et chalands. Un escalier d’accès a été créé entre le quai et la "plateforme" faisant pile du pont-levis. Dans un premier temps, une passerelle en bois semble avoir été installée entre le continent et l’îlot pour faciliter les communications. Du côté de la terre, un chemin et des escaliers ont été aménagés à flanc de falaise.

Un mur défensif surmonté d’un parapet a été créé sur la face arrière du rocher, c’est-à-dire à couvert, du nord-est au sud du rocher. Il est élevé en maçonnerie de moellons avec chaînes d’angle en pierre de taille harpées à chaque brisure saillante du tracé. Les tablettes en granite du parapet qui venaient souligner l’ensemble ont aujourd’hui disparu. Le rocher en glacis concourt également à renforcer l’efficacité de l’obstacle.

L’entrée monumentale à pont-levis est encadrée par deux piliers en pierre de taille couronnés chacun d’une tablette portant un boulet. Le pont-levis permet de franchir un fossé sec auquel on a adjoint vers 1890 deux batardeaux surmontés de deux dames empêchant l’escalade. L’ensemble (boulets compris) quoique le pont-levis ait été remplacé par la suite par une passerelle fixe, est connu grâce à des photographies de 1917 et est encore visible sur des photographies de 1969.

Une batterie d'artillerie de côte

La batterie basse de l’îlot des Capucins a hérité de l’armement de la batterie haute homonyme constituée en 1841 de 6 canons de 30 livres de balle et 6 obusiers de 22 cm en fer. Sa fonction est la défense du goulet de Brest. Mentionnée dans l’Atlas de mise en état de défense des côtes de l’Empire français (1858), la batterie de l’îlot des Capucins est classée en premier degré d’importance. L’armement est révisé lors de la séance de la commission de défense des côtes du 7 février 1870 : la batterie dispose alors d’un armement dit transitoire de 10 canons rayés de 30 livres de balle et 2 obusiers rayés et frettés. L’objectif pour 1870 était de doter la batterie des matériels suivants : 2 canons rayés de 27 de calibre, 6 canons de 30 livres de calibre et 2 obusiers rayés et frettés. La batterie basse de l’îlot des Capucins se voit remplacer par 4 batteries modernes établies en arc de cercle sur la pointe des Capucins à partir de 1886 : batteries de canon de 24 cm, 32 cm et 100 mm, dites "à tir rapide" (1898), mortiers de 30 cm. Dès 1693, une batterie de 2 canons de 18 livres de balle ainsi qu’une batterie de mortiers sont attestées sur la pointe des Capucins.

Une tour crénelée n° 1 modèle 1846 avortée

Le "corps de garde" ainsi qu’il est désigné sur l’Atlas des batteries de côtes de 1850 occupe une surface au sol d’environ 330 m². Il s’agit en réalité d’un plan-type "contrarié" puisque la commission mixte d’armement des côtes avait proposé originellement l’établissement d’une tour crénelée n° 1. Du nord au sud, on trouve, selon la terminologie de l’époque, le magasin à poudre voûté à l’épreuve des bombes, le magasin d’artillerie, le logement pour 62 hommes, les magasins à vivres, la cuisine et les logements du chef de poste et du gardien. Une citerne voûtée a été aménagée en sous-sol sous la cuisine. La toiture en ardoise est à deux pans avec croupes. L’édifice est doté de quatre conduits de cheminée. Les combles peuvent permettre de loger des troupes supplémentaires. Des latrines couvertes ont été aménagées à proximité de la batterie sud.

Le bâtiment emprunte le langage architectural des corps de garde de type 1846 avec une mise en œuvre particulièrement soignée. Soubassement, bandeau plat régnant à mi-hauteur, chaînes d’angle harpées, corniche moulurée, entourages des ouvertures ont été réalisés en pierre de taille de granite. L’ensemble offre un saisissant contraste entre la couleur sombre du schiste local de la maçonnerie et le gris-rose du granite de l’Aber-Ildut. Le pignon nord porte le chronogramme 1848. À l’intérieur, les murs sont encore enduits partiellement à la chaux, les baies sont couvertes en segment à claveau ; appui, piédroits sont en granite et l’arc en brique.

Les évolutions du site de 1850 à nos jours

En 1860 et 1861, de nouveaux travaux ont lieu afin de doter l’îlot des Capucins d’une chaussée et d’un pont d’accès. Ce pont à arche unique enjambe la mer et les rochers sur plus de 20 m. Il porte sur la clé l’inscription "GM" pour Génie maritime et la date de 1861.

Un ensemble regroupant une usine électrique et une citerne (de première génération pour une chaudière demi-fixe Chaligny de 30 ch), deux postes de projecteurs de combat et de jour (dont un casematé), un poste de commande (situé au sommet de l’îlot) et des logements pour le personnel de la marine y ont également été construits dans les années 1884-1885.

Une batterie casematée est aménagée par déroctage en 1888. Selon le plan-type en vigueur, on retrouve deux chambres de tir avec cheminées d’aération verticales, un bassin-citerne, un magasin à munition, une galerie et l’escalier d’accès. Cette batterie est armée de deux imposantes pièces d’artillerie modèle 1870-1884 d’un calibre de 32 cm sur affûts spéciaux. Son poste de télémétrie est installé au sommet de la falaise sur la pointe des Capucins. En 1917, la batterie est désarmé de façon spectaculaire par l’escalier d’accès, afin de récupérer les tubes de canon pesant chacun 48 t et mesurant 10 m de longueur, pour le front terrestre (artillerie lourde sur voie ferrée, abrégée "ALVF"). Les embrasures sont donc restées intactes.

Selon l’Atlas des batteries de côte de 1893, les matériels anciens de la batterie basse sont remplacés par une batterie composée de 4 canons de 47 mm à tir rapide, aménagée sur plate-forme et sellettes spécifiques (vers 1890).

L’entre-deux-guerres voit l’implantation d’une batterie de semonce composée de 2 canons de 95 mm modèle 1888-1904 Lahitolle sur affût à embase circulaire et plate-forme bétonnée. Deux projecteurs de 150 cm sont toujours en service en 1936. Deux "repères d'entrée de port", dispositifs de guidage des navires amis en temps de guerre, quand les autres feux de navigation sont éteints, sont construits.

Les Allemands compléteront cette batterie par 2 canons de 75 mm (modèle 1887 Guerre et 1908) installés sur des sous-sellettes de pièces de 47 mm et affûts crinoline. L’îlot des Capucins a longtemps servi pour les besoins du centre d'entraînement commando de Quélern.

L'Îlot et la pointe des Capucins sont bombardés pendant la Seconde Guerre mondiale

Depuis 1978, le site est classé au titre de la loi de 1930 sur les paysages. L'Îlot des Capucins, avec la totalité de ses ouvrages fortifiés et le pont le reliant au rivage, est classé au titre des Monuments historiques depuis 2016 (après une inscription en 2008). L'Îlot des Capucins appartient au Conservatoire du littoral : son accès est interdit pour des raisons de sécurité.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 17e siècle
    • Principale : milieu 19e siècle
    • Secondaire : 2e moitié 19e siècle
    • Secondaire : 2e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1847, daté par source
    • 1848, porte la date, daté par source
    • 1849, daté par source
    • 1861, porte la date, daté par source
    • 1888, daté par source
  • Murs
    • gneiss maçonnerie enduit
    • moellon
  • Toits
    ardoise
  • État de conservation
    désaffecté, mauvais état, inégal suivant les parties
  • Statut de la propriété
    propriété d'un établissement public, l'îlot des Capucins appartient au Conservatoire du littoral.
  • Intérêt de l'œuvre
    vestiges de guerre, à signaler
  • Éléments remarquables
    ensemble fortifié, abri, batterie, casemate, caserne, pont
  • Sites de protection
    site classé
  • Protections
    classé MH, 2016/01/27
  • Précisions sur la protection

    Îlot des Capucins avec la totalité de ses ouvrages fortifiés et le pont le reliant au rivage.

Bibliographie

  • TRUTTMANN, Philippe. "Architecture militaire" In CALVEZ, Louis (dir.) La Presqu´île de Crozon : histoire, art, nature. Paris : Nouvelle Librairie de France, 1975.

  • JADÉ, Patrick. "Les ouvrages de fortification littorale du port de Brest - 1872-1917. La défense des côtes en France à l'âge industriel". Mémoire de maîtrise d'Histoire Contemporaine de l´Université de Bretagne Occidentale, sous la dir. de M.-T. Cloître, 2004, 293 p. et 141 p.

  • FRIJNS, Marco, MALCHAIR, Luc, MOULINS, Jean-Jacques, PUELINCKX, Jean. Index de la fortification française. Métropole et Outre-mer. 1874-1914. Vottem (Belgique) : autoédition, 2008, 832 p.

  • LÉCUILLIER, Guillaume (dir.), BESSELIÈVRE, Jean-Yves, BOULAIRE, Alain, CADIOU, Didier, CORVISIER, Christian, JADÉ, Patrick. Les fortifications de la rade de Brest : défense d'une ville-arsenal. Rennes : éditions Presses Universitaires de Rennes, collection Cahiers du patrimoine, 2011, n° 94, 388 p.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel)

Documents multimédia

  • Association "1846". JADÉ, Patrick. "Côte et montagne : même combat ?". 17 février 2018.

  • Association "1846". JADÉ, Patrick. "Batteries casematées du goulet de Brest". 15 Juin 2018.

    https://association-1846.over-blog.com/2018/06/batteries-casematees-du-goulet-de-brest.html

  • Association "1846". JADÉ, Patrick. "Fort des Capucins, Roscanvel". 20 novembre 2020.

Annexes

  • Le groupe de batteries des Capucins par Philippe Truttmann, septembre 1971
  • Iconographie
Date(s) d'enquête : 2002; Date(s) de rédaction : 2002, 2024
(c) Association Pour l'Inventaire de Bretagne
(c) Région Bretagne
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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