Dossier d’œuvre architecture IA29001813 | Réalisé par
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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  • enquête thématique régionale, Inventaire des fortifications littorales de Bretagne
Lazaret puis sanatorium de l'Île Trébéron (Crozon)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Bretagne Nord
  • Hydrographies rade de Brest
  • Commune Crozon
  • Lieu-dit Ile Trébéron
  • Cadastre WY 2
  • Dénominations
    lazaret, hôpital, sanatorium, latrine, édifice logistique, citerne, cale
  • Vocables
    Lazaret de Trébéron

Dès le début du 17e siècle, les îles de Trébéron sont représentées sur les cartes marines. Elles sont situées au sud-ouest de la rade de Brest entre la presqu´île de Roscanvel et l´île Longue (baie de Roscanvel). L´île Trébéron est la plus septentrionale des deux. Elle accueille un lazaret, c´est-à-dire un établissement dédié au contrôle sanitaire et l´isolement des malades contagieux. Elle est utilisée comme île de quarantaine de l´arsenal de Brest vers 1720 pour l´isolement des marins à leur retour d´expédition dans l´hémisphère sud : on y traite les maladies dites pestilentielles (peste, fièvre jaune et choléra).

L´île Trébéron est à la fois abritée des vents dominants d´ouest et facile d´accès pour les navires grâce à ses deux cales. Cela n´empêche cependant pas la propagation de l´épidémie de typhus entre novembre 1757 et février 1758, qui fit plus de 3 000 morts dans la région brestoise. À partir de 1808, les morts sont enterrés au nord de l´île Trébéron. Selon l´ingénieur en chef en fonction en 1810, Trébéron est décrite comme alliant "les secours d´un hôpital aux agréments d´une maison de campagne à la sûreté d´une maison d´État". Des communards y sont d´ailleurs internés en 1871. Un corps de garde permet la surveillance de la cale et des mouvements de navires. La congrégation des Filles de la Sagesse, à vocation hospitalière, y dispose d´un couvent.

Après 1822 et les nouvelles mesures de police sanitaire, l´île fait l´objet d´importants travaux afin d´augmenter sa capacité d´accueil (1826 ; 1856-1858). L´ingénieur Lamblardie est chargé des travaux. Afin de limiter la contagion, l´île est divisée en deux sections (contagion ; convalescence) par un mur (de quasiment 2,6 m de haut) disposant chacune de bâtiments (désignés salles des malades) et de latrines. L´accent est bien évidemment mis sur l´hygiène et nécessité est faite d´utiliser les latrines, que l´on préfère désormais aux pots de chambre, dont les immondices sont déversées dans la mer. L´ensemble des installations de l´île est abandonné dans les années 1920.

Depuis 1967 et le début de l´aménagement de l´île Longue (en réalité, il s´agit d´une presqu´île) pour les sous-marins nucléaires lanceurs d´engins, les îles des Morts et de Trébéron sont englobées dans un périmètre protégé : le "polygone d´isolement" de la base. Tout débarquement y est strictement interdit et seules de rares observations ornithologiques en partenariat avec le Conservatoire du littoral viennent troubler le calme des lieux. Rien en revanche n´interdit d´en faire le tour en bateau. L´historien Marcel Burel a consacré un ouvrage aux îles de Trébéron et des Morts en 2003.

Mettre en valeur les vestiges et faire revivre l´île, constituent une perspective intéressante. En attendant, la nature reprend ses droits. On peut citer le cas de l´hôpital Caroline (1823-1828) situé à quelques encablures de Marseille dans l´archipel du Frioul : le site est depuis 2000 au cœur d´un projet de territoire : rénovation et réhabilitation de l´ancien lazaret par l´association Rempart, résidences d´artistes.

(Lécuillier Guillaume, 2011).

L'île Trébéron à Crozon est située dans la rade de Brest, entre la presqu'île de Roscanvel et l'île Longue. Son nom vient de la seigneurie homonyme dont le chef-lieu est situé à Roscanvel. Dès la fin du 17e siècle, l’île Trébéron est utilisée pour la quarantaine des marins et devient une "ambulance", c’est-à-dire un hôpital temporaire. A leur arrivée dans la rade de Brest, les navires devaient "se déclarer" et mouiller à proximité de l’île Trébéron.

Abritée des vents dominants d'ouest et disposant de deux cales (aménagée au 19e siècle), l’île Trébéron est d’un accès facile pour les navires. L’hôpital d’isolement du lazaret est tenu par des officiers de santé, des infirmiers de la marine et des religieuses hospitalières (les Sœurs de la Sagesse). En début de quarantaine, le personnel de l’île reçoit les équipages de bateaux, les militaires, les bagnards (750 hommes en 1768) et les prisonniers de guerre suspectés de contagion (peste, fièvre jaune, typhus, gale, grippe… dysenterie voire scorbut) pour un contrôle sanitaire. Il soignait ensuite sur place les malades dans un strict isolement. Les malades sont d’abord abrités sous des toiles, en baraquements puis dans des bâtiments dédiés à la fin du 18e siècle (1772 ?).

L’île voisine dite des Morts doit son nom au fait qu’on y enterre les morts du lazaret de l'île Trébéron jusqu’à la construction, au début du 19e siècle, d’un ensemble de trois magasins à poudre. Un cimetière est alors implanté sur l’île Trébéron.

En 1810, les bâtiments du lazaret sont jugés dans un état important de délabrement par Jean-Nicolas Trouille, ingénieur et directeur des Travaux maritimes. Afin de mettre en place les nouvelles mesures de police sanitaire, l’établissement est réaménagé entre 1826 et 1832 par l’ingénieur des Travaux maritimes Antoine-Elie Lamblardie (1784-1852).

Entre 1856 et 1858, l’ensemble des installations fait l’objet de nouveaux travaux : la cale sud-ouest est reconstruite, le bâtiment principal est surélevé pour augmenter la capacité d’accueil tandis que les bâtiments sont assainis. On trouve notamment "quatre salles destinées aux matelots et soldats" (long bâtiment - aujourd’hui disparu - situé au sud-est de l’île) et "un hangar dont une partie sert de chapelle et l’autre de salle d’autopsie" (LEVOT, 1865). Afin de limiter la contagion, l´île est divisée par des murs en plusieurs sections disposant chacune de bâtiments et de latrines dédiées : sections destinées aux personnels de l’hôpital, aux "bien portants", aux malades contagieux et aux malades convalescents. Enfin, l’île est plantée d’arbres ("ormes, tamarins et peuplier de Virginie", "sapins et pin"). Le cimetière - aplani et réaménagé - reçoit une croix (datée par millésime de 1856).

En 1871, l’hôpital du lazaret sert aux prisonniers Communards retenus sur les navires mouillant en rade de Brest.

En 1909-1910, le lazaret est transformé en sanatorium pour les militaires ayant besoin d'une "cure d'air" ou devant être mis l'écart de l'alcool et du tabac. Le lazaret - sanatorium est dirigé par le médecin de marine de première classe Hutin. Le médecin de la marine Cazamian (1879-1963) rédige un rapport complet sur son fonctionnement et ses bienfaits en 1909 (cf. bibliographie).

Au début de la Première guerre mondiale, un "hôpital temporaire" de 200 lits, nommé "hôpital du lazaret de Trébéron", et relevant de la marine est établi. Il accueille également des soldats malades de la tuberculose de maladies vénériennes. L’écrivain, dessinateur et soldat du 19e régiment d’infanterie de Brest, Jacques Vaché (1895-1919), ami d’André Breton rejoint ainsi le lazaret de Trébéron le 19 février 1915 pour une "orchite blennorragique". Il décrit Trébéron ainsi : "Mon île déserte est une vraie île de roman de Conan Doyle. Toute petite, à peine 1 km de tour, sans communication avec la terre, sauf par un rare bateau à vapeur, parfois empêché par le mauvais temps. Un vieux sanatorium, ancien asile de pestiférés, puis de lépreux, puis de tuberculeux. Des rochers à pic. Et puis comme malades dans cet étrange hôpital une bande [de] coloniaux et de marins abrutis par de trop formidables "bordées" et dont le plus innocent sort de Biribi. Enfin à la tête de tout cela un vieux médecin à cinq galons, invisible et taciturne " (lettre citée par François Olier). L’hôpital temporaire ferme ses portes le 21 octobre 1915 mais accueille ensuite les internés austro-allemands du camp tout proche de l’île Longue. En avril 1918, le lazaret accueille des soldats portugais suspectés d’être porteurs du typhus puis à l’automne 1918 des soldats suspectés d'avoir contracté la grippe espagnole. En janvier 1919, le lazaret abrite en quarantaine les prisonniers de guerre français et belges de retour d’Allemagne par voie maritime.

Durant la Seconde guerre mondiale, l'île Trébéron est utilisée comme centre de convalescence de l’hôpital militaire de Brest.

Située dans le périmètre des installations militaires de l’île Longue abritant les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, l’île Trébéron est interdite d’accès depuis 1967 : les bâtiments du lazaret sont désaffectés. Accosté au nord du bâtiment principal, un bâtiment à neuf travées (il apparaît sur une photographie de 1967) a été détruit par les Travaux maritimes tout comme le long bâtiment situé au sud-est de l’île. L’île est entretenue par le Ministère de la défense en partenariat avec le Conservatoire du littoral.

L’île Trébéron et ses bâtiments ont été photographiés par l’Inventaire général en 1967 (sur l’une des photographies, on peut voir notamment les vestiges d’une ligne de chemin de fer à voie étroite), en 2007 (visite de l’île) et en 2009 (depuis la mer) dans le cadre de l’Inventaire thématique des fortifications littorales.

Longue de 400 mètres environ pour 160 mètres au point le plus large, l’île Trébéron abrite deux cales et au moins huit bâtiments réduits à l'état de vestiges : étuve (située près de la cale pour la désinfection), poste sanitaire - logement du gardien, hôpital d’isolement dit "bâtiment principal", bâtiment en équerre, chapelle, citerne et deux latrines. De hauts murs de clôture séparent l'île en différentes zones : est, ouest, nord et sud.

Deux cales permettent d’accoster sur l’île : au sud, directement sur la grève au pied du bâtiment en équerre et au sud-ouest. En haut de la cale sud-ouest subsistent deux canons-bollards (anciennes pièces d’artillerie). Le bâtiment situé en haut de la cale a abrité l’étuve destinée à désinfecter les vêtements des entrants. Dans un deuxième temps, le bâtiment sert de maison au gardien de l’île et selon la tradition, elle est affectée comme "résidence" au préfet maritime. Situé un peu à l’écart, un petit bâtiment servait de poste sanitaire aux médecins puis de logement au gardien.

A l’est et à l’ouest de l’île, deux latrines ont été aménagées. Construites en moellon, dotées de deux orifices d’évacuation en arc plein cintre (celle de l’est est en encorbellement au-dessus de la mer), elles sont couvertes en appentis.

(A) Bâtiment en équerre à double orientation, parfaitement ordonnancé (7 travées pour l’aile nord et 4 travées pour l’aile sud), orienté vers le sud-ouest, construit en moellon et enduit comprenant deux niveaux. Encadrements des ouvertures, chaînages d’angles, bandeaux et corniche en pierre de taille de granite. Rez-de-chaussée à ouvertures - portes et fenêtres - en arc plein cintre ; premier étage à fenêtre rectangulaire. A l’intérieur du bâtiment, vestiges de cheminées dites d’ingénieur à linteau droit. Toiture à deux pans en ardoise (charpente et couverture ont disparu), pignon découvert.

(B) Haut bâtiment, identifié comme l'hôpital du lazaret conçu pour accueillir 150 à 200 malades, il domine le bâtiment (A) situé à l’est : il a été surélevé comme le montre la corniche en kersanton située entre le troisième et le quatrième niveau. Bâtiment double en profondeur, parfaitement ordonnancé (10 travées), orienté est-ouest, élevé en moellon et enduit, comprenant un sous-sol, un rez-de-chaussée surélevé (pour rattraper la pente naturelle du terrain), un premier étage et un étage de comble éclairé par des lucarnes. Encadrements des ouvertures, chaînages d’angles et bandeaux en pierre de taille de granite. Corniche et encadrements du dernier niveau en kersanton. A l’est contre la façade, deux escaliers desservent les portes orientales du rez-de-chaussée surélevé. A l’ouest, des portes desservent le sous-sol. A l’intérieur du bâtiment, cheminées dites d’ingénieur à linteau droit sur plusieurs niveaux. Au rez-de-chaussée, vestiges du plafond en lattis et d’un escalier tournant en charpente. Toiture à deux pans en ardoise (charpente et couverture ont disparu), pignon découvert en gradin.

Un cimetière est implanté au nord de l’île Trébéron : dominé par une croix, on peut encore déceler l’emplacement de tombes sous la végétation.

  • Murs
    • microdiorite quartzique moellon
    • gneiss moellon
    • granite pierre de taille
    • kersantite pierre de taille
  • Toits
    ardoise
  • Plans
    plan rectangulaire régulier, plan régulier en L
  • Étages
    rez-de-chaussée, 1 étage carré, étage de comble
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • toit à deux pans
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours avec jour en charpente
  • État de conservation
    mauvais état, désaffecté, inégal suivant les parties
  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    vestiges de guerre, à signaler
  • Éléments remarquables
    lazaret, sanatorium, latrine

Il s'agit d'un site en terrain militaire : l'accès est interdit sans autorisation préalable. Le débarquement est également strictement interdit.

La couverture photographique de l'île Trébéron a été réalisée dans le cadre d'une visite encadrée par la Préfecture maritime Atlantique le jeudi 20 septembre 2007.

Documents d'archives

  • Service Historique de la Défense, Brest 1 - Correspondance (1776-1882) 1 K 4 : Enregistrement des rapports et devis de l´ingénieur en chef puis directeur (1810-1821). 1 K 4-1 (1810-1816) : Fonds à faire pour 1810 pour l´exécution de divers ouvrages : poudrières de l´île aux Morts, ligne sémaphorique, clôture du port, nouvelle prison, levée de Pontaniou (5 mars 1810, p.32). Lazaret de Trébéron (16 novembre 1810, p. 72). Poudrières de l´île aux Morts (28 novembre 1810, p ; 85). Logement des prisonniers de guerre dans les établissements de Pontanézen et Trébéron (16 janvier 1814, p. 227). Poudrières de l´île des Morts (10 septembre 1813, p. 236). Caserne de l´île des Morts (16 mai 1814, p. 245).

    Archives du Service historique de la Marine (Brest)

Bibliographie

  • LEVOT, Prosper. Histoire de la ville et du port de Brest. Le port depuis 1681. Brest, vol. II, 1865, 387 p.

    p. 236-238
  • CAZAMIAN (de) (docteur). Le Sanatorium provisoire pour tuberculeux de l'île de Trébéron. Son 1er trimestre de fonctionnement. S.l. : s.n., 1900-1905, p. 401-469.

    Centre de Recherche Bretonne et Celtique, Bibliothèque Yves Le Gallo (Brest) : M-02147-03
  • BUREL, Marcel. Dans la rade de Brest, l´île de Trébéron et l´île des Morts. Bannalec, Imprimerie régionale, 2003, 190 p.

    Centre de Recherche Bretonne et Celtique, Bibliothèque Yves Le Gallo (Brest) : C-19628-00

Périodiques

  • LAGET, Pierre-Louis. "Les lazarets et l'émergence de nouvelles maladies pestilentielles au 19e et au début du 20e siècle"In Situ [En ligne], 2 | 2002, mis en ligne le 23 avril 2012, consulté le 15 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/insitu/1225 ; DOI : https://doi.org/10.4000/insitu.1225

  • CHAURIS, Louis. DUIGOU, Lionel. "Des carrières ... un lazaret ... l'île Trébéron en rade de Brest". Société Archéologique du Finistère. Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, tome CXXXVI, 2007, p. 109-114.

Annexes

  • Le lazaret de Trébéron en 1895 par Victor-Eugène Ardouin-Dumazet ("Voyage en France...", tome 4, 1893-1921)
  • "Les lazarets et l'émergence de nouvelles maladies pestilentielles au 19e et au début du 20e siècle" par Pierre-Louis Laget, 2002
  • "Les épidémies" par M. Baron in Echo de Saint-Pierre n° 148 - décembre 2002
  • Iconographie
Date(s) d'enquête : 2004; Date(s) de rédaction : 2004, 2022
(c) Association Pour l'Inventaire de Bretagne
(c) Région Bretagne
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

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