• inventaire topographique, Communauté de communes de Crozon
Le substrat géologique et les matériaux de construction de la communauté de communes de Crozon

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    ensemble de fabrication de matériaux de construction
  • Aires d'études
    Parc Naturel Régional d'Armorique

La presqu´île de Crozon est reconnue comme un des plus beaux sites géologiques de Bretagne. Ses 120 kilomètres de littoraux correspondent en grande partie à des falaises rocheuses, véritables coupes verticales du sous-sol qui racontent l´histoire de la Terre sur des millions d´années. Spectaculaire et varié, ce sous-sol est formé principalement de roches d´origine sédimentaire (grès, quartzites, argilites, schistes, un peu de calcaire), notamment de grès armoricain qui forme l´ossature de la presqu´île. Son usage généralisé dans la construction contribue à la tonalité du paysage presqu´îlien. Cette primauté du grès n´exclut cependant pas une grande diversité dans l´emploi des autres roches locales et de roches distales. Composante essentielle du bâti, le substrat géologique est une partie constitutive du patrimoine culturel de la péninsule.

Géologie

Le socle ancien de la presqu´île est constitué par une alternance schisto-gréseuse provenant de la sédimentation de dépôts de vases et de sables au cours du briovérien (période ante-primaire, vers 600 millions d´années). La presqu´île appartient alors à un vaste domaine marin. Sur ce socle ancien, d´autres dépôts de vases et de sables se transforment au cours du Paléozoïque (ère primaire, vers 500 millions d´années) sous l´action combinées de la pression et de la chaleur. Cette évolution permet la consolidation des sables en grès, des vases en argilites et des boues carbonatées en calcaire. Ces roches sédimentaires constituent les principales composantes du patrimoine géologique de la presqu´île.

Vers - 350 millions d´années, fortes pressions et flux de chaleurs modifient à nouveau les roches, transformant les argilites en schistes et les grès en quartzite. Ce grès métamorphique à grain cristallisé, dur et cassant, constitue un matériau de construction privilégié.

A côté de ces grandes formations rocheuses, des filons de dolérite, de quartz ou de calcaire sont disposés parallèlement aux roches encaissantes ou en affleurements. Utilisés de manière sporadique dans l´architecture, elles contribuent à la variété des matériaux de construction. Les affleurements microgranitiques en rade de Brest (pointe du Kador, Ile Longue, Ile des Morts, Rostellec) ont également fait l´objet d´exploitations depuis le 17e siècle.

Mégalithisme

Les mégalithes en grès, parfois en quartz (alignements de Landaoudec, de Raguenez, dolmen de Pen ar Run), érigés par les hommes du Néolithique constituent les premiers témoignages d´exploitation de la pierre locale. Ils reflètent la nature du sous-sol, les blocs étant prélevés sur place ou presque, érigés tels quels. Ces monuments vieux de 5000 à 2000 ans avant notre ère étaient exceptionnellement nombreux sur le territoire avant leur destruction partielle aux 19e et 20e siècles. Leur reconversion en pierre de construction est courante à cette époque : une fois brisés, ces blocs servent à la fabrication de meules pour les moulins, à la construction d´ouvrages militaires, de maisons de villégiature et aux murets de pierres sèches du cap de la Chèvre édifiés après le partage des terres communes à la fin du 19e siècle.

Une architecture polylitique : pierres endogènes, pierres éxogènes L´architecture de la presqu´île se caractérise, entre autre, par l´emploi dans un même bâti, de pierres de nature et de provenance différentes. L´association de pierres endogènes et exogènes est liée à des raisons financières et techniques : la mise en oeuvre de moellons locaux est plus économique mais l´utilisation de pierre de taille importées s´avère nécessaire pour la solidité des ouvrages. Le polylithisme permet également des contrastes de couleurs et de beaux effets décoratifs. Il témoigne ainsi de l´impact des apports proximaux et distaux depuis le 16e siècle. La position géographique de la presqu´île a favorisé très tôt cet approvisionnement par voie de mer en matériaux pondéreux et ce d´autant plus que la plupart des carrières étaient ouvertes en rade de Brest. Le transport par voie de mer a également joué un rôle essentiel dans l´acheminement de pierres provenant de Cornouaille et du Léon.

L'habitat de la presqu´île est pour l´essentiel construit en moellons de grès. Cette roche très dure de teinte grise très claire est difficile à ouvrager, mise en oeuvre après un façonnement grossier en taille éclatée. De multiples petites carrières à usage local sont ouvertes à proximité des hameaux afin d´en extraire des pierres à bâtir, dans certains cas à flanc de falaise (près de Rostudel). La toponymie conserve parfois le souvenir de ces petites exploitations comme au Mengleuff (carrière en breton) à Telgruc. Autour du bourg de Crozon, la microtoponymie indique également la présence de nombreuses carrières (le trou de la carrière, le champ aux trous, la garenne des trous, le trou Magagnon...) dont les excavations et les fronts de taille ne sont plus toujours visibles.

La complexité du sous-sol et la richesse du patrimoine géologique sont repérables dans certaines mises en oeuvre associant de manière aléatoire le grès à d´autres pierres proximales : la dolérite noirâtre (Cap de la Chèvre, zone de l´Aber), le schiste gris-bleu sombre (Porlous, Rostégoff), le quartz clair (Le Veniec, Lardanva, Pen ar Run), le microgranite (Rostellec). La difficulté de sculpter et de tailler le grès et les autres roches locales en pierre de taille explique l´utilisation de pierres exogènes pour les encadrements de baies. Extraites au fond de la rade de Brest, la pierre de Logonna (ou microdiorite quartzique) et la kersantite sont particulièrement prisées du 16e siècle au début du 20e siècle. L´usage de ces pierres exogènes détermine pour partie le rang social des propriétaires. Leur couleur, blonde et marbrée pour l'une, gris foncé pour l'autre, offre un bel effet décoratif et le support à un décor sculpté. Avec sa façade entièrement construite en pierre de taille de Logonna, la maison du 7 rue de Reims à Crozon (1655) constitue une exception. Le granite de Locronan (Cornouaille) est assez fréquent dans les encadrements de baies sur les maisons du 19e et début 20e siècles (Morgat).

Les édifices religieux offrent sans doute les exemples de polylithisme les plus remarquables. L´échelonnement dans le temps des constructions et des restaurations explique, en partie, l´emploi concomitant de plusieurs matériaux sur un même édifice. Au grès armoricain s´ajoutent les microgranites locaux de Trébéron, de l´Ile des Morts et du Kador, les granites de Cornouaille et de Trégana (rade de Brest) largement utilisés dans les églises paroissiales de Roscanvel et de Crozon. La pierre de Logonna et la kersantite sont parfois associées (chapelle de Rocamadour), ou réservées à des parties d´édifices telles que tours (églises paroissiales de Roscanvel, de Crozon), porches sud (églises paroissiales d´Argol, de Landévennec), portails, sacristies.

Les infrastructures militaires présentent également une grande diversité dans l´origine des approvisionnements de pierres. Pour des raisons de coût, les roches proximales sont cependant privilégiées, extraites sur place ou aux abords des ouvrages : grès et schiste sont largement utilisés en moellons. D´autres roches endogènes sont utilisées de manière sporadique : moellons en microgranite du Kador (réduits défensifs de Morgat), pierre de taille en dolérite pour les angles, les encadrements de baies, les marches intérieures (réduit de l´Aber). Les microgranites des îlots de Trébéron et de l´Ile des Morts sont ponctuellement présents à fort Robert et à la pointe des Espagnols.

Pour les pierres de taille, appel est le plus souvent fait aux roches exogènes. Les granites à faciès blanc et rose du massif de l´Aber-Ildut (Léon) sont très recherchés pour les ouvrages militaires de la presqu´île et de la région brestoise. Associés aux schistes bleu sombre locaux, ils forment un beau contraste de couleur sur les forts de Roscanvel (Capucins, Cornouaille et Robert). Les anciennes carrières littorales de Trégana (à l´ouest de Brest) fournissent très tôt un granite de façonnement aisé, facilement transportable par mer que l´on trouve dans des éléments de la batterie basse de Cornouaille, des anciennes lignes de Quélern, du fortin du Toulinguet, de la poudrerie de l´Ile des Morts. La kersantite est également utilisée dans les ouvrages militaires de la seconde moitié du 19e siècle, en encadrements de baies et marches (Toulinguet, Capucins, fort Robert, Pointe des Espagnols, Conouaille).

Les infrastructures portuaires font largement appel au grès armoricain, très résistant à l´altération. Cependant, comme le grès est très fracturé et qu´il ne livre pas de gros blocs, les parapets, dallages, marches, tablettes de quais sont en pierres de taille de granite exogènes provenant de l´Aber-Ildut, de Locronan, de Huelgoat et de Dinan. Les pavés des quais et des cales d´accès à l´eau sont en microgranite de l´Ile Longue et de Rostellec.

Des exploitations à grande échelle

Les petites exploitations à usage local cohabitent avec des exploitations à plus grande échelle : les carrières de grès pour moellons à Guenvenez et aujourd´hui encore l´énorme carrière pour granulats de Ménez-Luz (Telgruc), les carrières ouvertes depuis le 17e siècle dans les microgranites de l´Ile Longue et de Rostellec pour la production de pavés vendus sur tout le littoral atlantique, les extractions de calcaire pour l´obtention de la chaux.

Le long du littoral de la rade de Brest, la presqu´île possède, en effet, quelques gisements de calcaire à Roscanvel, Lanvéoc et Landévennec, dont l´exploitation permet une production de chaux dès l´époque gallo-romaine. Cependant, les vestiges actuels rappelant l´existence de cette activité industrielle ne sont pas antérieurs à la fin du 18e siècle (fours à chaux de la Fraternité, de Postermen, de Quélern). La chaux est utilisée dans la préparation des enduits de façade ou pour blanchir l´intérieur des murs. Comme elle entre également dans la composition des mortiers, les travaux du port de Brest et des fortifications ont constitué un débouché important aux fours à chaux de la péninsule. Au 19e siècle, Roscanvel est le grand centre de production de chaux de la presqu´île, tandis qu´en 1839 un nouveau site est ouvert à Crozon sur l´Aber avec le four à chaux de Rozan dont l´inscription à l´inventaire supplémentaire des Monuments Historiques date de 1986.

L´exploitation des filons de calcaire et d´argile est parfois associée, comme en témoigne l´histoire des fours à chaux et des briqueteries de Roscanvel. Calcaire et argile sont extraits et transformés au même endroit pendant presque un siècle à Quélern (de la fin du 18e siècle à 1886) et pendant une cinquantaine d´années au bourg de Roscanvel. Briques, tuiles et carreaux sont fabriqués pour le service de la Marine et des fortifications de Brest ainsi que pour le commerce de la ville. Les bâtiments de l´ancienne briqueterie de Quélern attestent de cette importante activité ainsi que la tuile mécanique encore visible sur les toits de certains bâtiments de la commune. A Lanvéoc, Landévennec et Rostellec d´autres briqueteries, de moindre importance, ont laissé des vestiges archéologiques.

Conclusion

La nature et la provenance des pierres de construction constituent une problématique majeure pour le patrimoine bâti de la presqu´île. Depuis le 16e siècle, les constructions témoignent de la richesse du substrat géologique local et de la diversité des approvisionnements en pierres exogènes. Elles montrent que la mer, loin d´être une barrière, est un facteur favorable à l´acheminement des matériaux depuis la rade de Brest, le Léon et la Cornouaille. Si la presqu´île a très tôt importé des pierres de construction, elle en a également exporté (pavés de microgranite, granulats de grès, moellons). Elle est également à l´origine d´un patrimoine industriel (briqueteries, fours à chaux) né de la transformation du calcaire et de l´argile. Habitat rural, urbain, édifices religieux, militaires, publics, industriels la composante minérale lie entre eux les différents éléments patrimoniaux du paysage bâti.

  • Période(s)
    • Principale : 16e siècle
    • Principale : 17e siècle
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 20e siècle
  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • repérés 100
    • étudiés 100

Bibliographie

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    p. 229, 230
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Date(s) d'enquête : 2011; Date(s) de rédaction : 2012