La Grand'rue doit son nom à la densité de sa population, à sa fonction économique et à son rôle de desserte.
Axe majeur et ancien de la ville, la "traverse" de Châteaulin est créée en 1762-1769. Il s'agit alors de mettre en place un itinéraire pensé pour le passage de marchandises et matériels chargés sur charrettes afin de faciliter la traversée de ville des transports encombrants. Pour cela, les "traverses" créées dans plusieurs villes de Bretagne doivent être rectilignes et respecter des normes de largeur de voies et de pavage. Cet axe est complété par le pont habité pour lequel des travaux d'entretien étaient fréquents (1762, 1782, 1784). Passage unique pour traverser l'Aulne, la circulation y était dense et plusieurs textes signalent l'étroitesse et la dangerosité du pont.
La construction d'un nouveau pont en 1824 a eu pour conséquence de modifier non pas l'axe de la rue mais les abords immédiats. La nécessité de surélever le tablier du pont par rapport à la hauteur initiale de la chaussée a nécessité de niveler la chaussée. Ces travaux de nivellement sont encore visibles ; il existe un décalage important entre l'entrée du n°4 place du marché et le niveau de la rue.
Les travaux de remblais sont suivis par l'ingénieur Jean-Marie de Silguy et les plans qu'il dresse avant travaux en octobre 1821 nous instruisent sur le bâti du bas de la Grand'rue (élévations de façade ; modification des accès). Ces plans sont conservés aux Archives départementales du Finistère (49 J 1020-20). Si seul le propriétaire des actuels n°4 et 6 (1816) n'a pas souhaité se conformer aux demandes des Ponts et Chaussées, les autres propriétaires ont modifié les façades de leur maison en conséquence ou en ont fait construire de nouvelles entre 1824 et 1827.
Ainsi, en 1843, l'ingénieur de l'arrondissement Jean-Baptiste-François-Théodore indique " Il paraît qu’à cette époque [1824] il fut question de rectifier les profils de la place en la remblayant de manière à rendre moins sensible l’effet incommode et disgracieux des diverses pentes qui viennent s’y rencontrer [...], et que c’est dans la prévision d’une réalisation probable de ce projet que les propriétaires des dits édifices ayant été mis en demeure d’en élever, autant qu’ils l’ont fait, les seuils au-dessus [...] du pavé, on dut par suite tolérer l’établissement d’escaliers provisoires pour permettre d’y monter."
La consultation des demandes d'alignements permet de dater certaines constructions de cette rue et de connaître les motivations des propriétaires. Le n°9 est construit en 1837 pour Mlle Auvray. Six ans plus tard, cette même Mademoiselle demande "l'autorisation de construire une marche d'escalier sur la voie publique pour faciliter l'accès de sa maison." D'autres demandes vont dans ce sens.
Sur le cadastre de 1847, on constate que le bâti de la Grand'rue est dense et qu'il occupe la quasi totalité des parcelles étroites et profondes ; comme c'est souvent le cas dans les centre-villes anciens. Les modifications concernent, entre autres, les n°4 à 8 Grand'rue dont les constructions sont du 3e quart et 4e quart 19e siècle, réalisées suite à un alignement de la voirie.
L'alignement du bas de la rue est modifié en 1866 lors de la construction des halles par Jules Boyer : la présence des halles à cet endroit permet le maintien de l'activité commerciale sur un axe central et primordial pour la ville.
En s'éloignant du centre-ville, un bâti plus récent ou fortement modifié (3e et 4e quart 19e, 1er quart 20e siècle) s'étend de façon plus ou moins dense en reprenant l'implantation au sol d'un bâti plus ancien, présent sur le cadastre de 1847. Quelques constructions datant des années 1950 complètent l'alignement de la rue. La Grand'rue se termine par le lycée-collège Saint-Louis et une zone commerciale qui a absorbé les terres d'une ancienne ferme.
La desserte de la Grand'rue a été soulagée lors de la canalisation de l'Aulne-permettant une circulation sur les voies nouvellement créées- et la création de la rue Raoul Anthony à la fin du 19e siècle.
L'étude du recensement de la population en 1841 permet de confirmer le rôle central de cette rue, tant d'un point de vue commercial que urbain : 566 personnes y logeaient pour 144 ménages et les professions exercées étaient nombreuses (carrier, aubergiste, journalier carrier, cordonnier, tonnelier, tourneur, tisserand, menuisier, boulanger, piqueur, sabotier, facteur, instituteur, domestique, notaire, ancien sous-préfet, jardinier, boucher, bottier, maître-carrier, greffier, commerçant, débitant de tabac, chapelier, crêpière, négociant, pharmacien, ferblantier, capitaine d'artillerie, chaisière, garçon pâtissier).
Chargée d'études d'Inventaire