• inventaire topographique, Cap Sizun - Pointe du Raz
Les cadrans solaires du Cap-Sizun
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  • (c) Communauté de communes Cap Sizun - Pointe du Raz

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    cadran solaire
  • Aires d'études
    Cap Sizun

Les enquêtes topographiques de 1978-1984 et de 2018-2021 ont permis de localiser plus d’une cinquantaine de cadrans solaires sur l’ensemble du territoire du Cap-Sizun. Au vu de la richesse artistique et technique de ces objets, il a été choisi d’y consacrer un dossier entier. Il a également été choisi pour des raisons de sécurité de ne pas localiser certaines photographies présentées ici.

Ce dossier concerne les cadrans solaires fabriqués avant la seconde moitié du 19e siècle. Les nombreux cadrans modernes rencontrés n’ont pas été pris en compte car rompant sensiblement avec la spécificité technique et iconographique de ceux des siècles précédents. Il en est de même pour les réemplois avérés de cadrans provenant d’autres territoires.

Notons que le recensement n’est pas exhaustif. Il est en effet très possible que plusieurs d’entre eux aient échappé à l’enquête de terrain ou aient disparus (5 cas confirmés entre les deux enquêtes d’inventaire et 6 cas avant 1978) et que leur nombre ait été beaucoup plus important aux 18e et 19e siècles.

Localisation et représentation

Malgré une très faible proportion à l’ouest du Loc’h avec seulement deux observés à l’ouest de Cleden-Cap-Sizun et un sur la commune de Plogoff, la répartition des cadrans solaires observés ou signalés sur l’ensemble du territoire est plutôt régulière. La commune qui en compte le plus est sans conteste Beuzec-Cap-Sizun.

La grande majorité d’entre eux se situe en milieu rural hors des bourgs ou des centres urbains. On les trouve principalement sur les bâtiments privés à usage d’habitation qu’il s’agisse de manoirs (6), de logis de fermes (39) ou plus rarement de logis de moulins à eau (2) et de maisons élémentaires (2). Ces cadrans semblent être destinés à un usage privé car seulement visibles de l’intérieur de la cour de l’habitation. On constate cependant qu’environ 15% des cadrans solaires positionnés sur une habitation peuvent être aperçus de la voie publique.

Les autres cadrans recensés se trouvent sur des bâtiments religieux : 6 églises paroissiales (disparus sur les églises d’Esquibien et de Goulien), une chapelle (autrefois église paroissiale de la commune de Meilars), le presbytère de Beuzec-Cap-Sizun et un cadran disparu signalé jusque dans les années 1990 au couvent des Capucins à Audierne. (Notons également le signalement par Cornec et Labat-Ségalen dans leur ouvrage les cadrans solaires de Bretagne d’un cadran peint sur la collégiale de Pont-Croix aujourd’hui disparu).

Les cadrans solaires observés dans le Cap-Sizun sont constitués d’une « table » (surface sur laquelle sont tracées les lignes horaires) et d’une tige métallique parallèle à l’axe de la Terre appelé « style ». Ils sont en schiste ardoisier et présentent des formes variables. Principalement circulaires, ils peuvent également être carrés, rectangulaires ou plus rarement octogonaux. Un cadran particulièrement soigné provenant d’une ancienne ferme de Primelin et actuellement conservé au Musée Breton de Quimper offre une forme plus complexe de base rectangulaire aux contours chantournés.

Notons le cas particulier de deux fermes du même village de Beuzec-Cap-Sizun dont les cadrans sont sculptés sur des pierres du logis (souche de cheminée et façade antérieure). Ces deux cadrans sont les seuls en granite et, par conséquent, plus grossièrement taillés et plus érodés que ceux en ardoise.

Seule la table du cadran est décorée. Accompagnant souvent le nom du commanditaire et la date de création, ces décors, taillés ou gravés sont de plusieurs natures. Les décors les plus couramment observés sont logiquement des motifs ayant trait aux astres.

Ainsi, soleils, lunes ou étoiles apparaissent sur plus de la moitié des cadrans recensés. Bien que chaque objet soit unique (quelques-uns sont tout de même assez proches stylistiquement pour qu’on puisse les attribuer au même artisan), il existe un motif récurent relevé sur des cadrans de la fin du 18e siècle et du début du 19e siècle : les lignes horaires, tels des rayons de soleil, se diffusent à partir d’un croissant de lune couché au-dessus duquel se trouve une étoile à cinq branches d’où émerge le style.

A l’image des décors relevés sur les bâtiments et le mobilier du territoire, les motifs religieux sont également très présents, exprimant à la fois la dévotion de la famille et la volonté de se prémunir du mauvais sort. Ainsi, parmi ces signes de bénédiction et de protection, la croix latine (avec un crucifix sur un cadran de Goulien) est régulièrement représentée au côté du sigle religieux IHS, encadrée par deux rosaces ou accompagnée d’angelots. On note aussi la présence probable d’une hostie sur le cadran d’une ferme de la commune historique d’Audierne et d’un calice sur ceux de l’église de Mahalon et du presbytère de Beuzec-Cap-Sizun. Ce dernier porte également un ciboire et un ostensoir.

Bien que l’on puisse observer un cheval stylisé sur l’église de Cléden-Cap-Sizun et une paire d’oiseaux à Goulien et Primelin, le bestiaire semble peu représentatif des décors taillés sur les cadrans solaires du Cap-Sizun. Il en est de même pour les motifs végétaux qui, bien que présents sur certains cadrans (fleurs, branches, rameaux, pommes de pin), sont assez rares. Notons à ce sujet la présence de trois couronnes de laurier relevés sur deux manoirs, entourant un blason, et sur une ferme, entourant trois fleurs de lys.

Hormis des chiffres gothiques relevés sur un manoir et des chiffres romains sur une ferme, la numérotation des heures sur les cadrans solaires qui ont pu être observés de près est en chiffres arabes. Les heures représentées vont généralement de 6h du matin à 6h du soir et plus rarement de 5h du matin à 7h du soir (seulement 6 cas repérés).

Notons qu’aucune devise sur le temps n’a été relevée sur les cadrans solaires observés.

Les cadrans solaires du Cap-Sizun sont tous orientés au sud et conçus pour une telle orientation, les lignes horaires formant un demi-cercle parfaitement symétrique. Sur les églises, ils prennent place sur le fronton du porche sud ou sur le clocher (église Notre-Dame de Confort) alors que sur les bâtiments d’habitation, ils ornent soit la façade antérieure du logis, au niveau de l’étage, soit l’une des souches de cheminée.

Le logis n’étant pas toujours tout à fait exposé au sud, des solutions pour rectifier l’orientation ont dû être mises en œuvre, la principale consistant à corriger l’angle par un ajout de mortier sous l’un des côtés du cadran. Dans le cas d’une ferme d’Esquibien dont l’angle à corriger est très important, le cadran n’est pas fixé directement au bâtiment mais retenu par des tiges métalliques. Une autre solution observée à Beuzec-Cap-Sizun et Primelin consiste en une rotation du cadran de quelques degrés mais cette méthode, après observations, ne semble pas viable.

Un objet ostentatoire ?

Le recensement montre que 45% des habitations du Cap-Sizun pourvues de cadrans solaires possèdent un logis avec façade antérieure appareillée en pierres de taille. Sachant qu’à l’échelle du territoire moins de 10% des logis présentent cet appareillage et que son utilisation relève d’une intention ostentatoire (Simon, Le paysan breton et sa maison, 1988), on peut penser que la possession d’un cadran solaire révèle la même intention. Le matériau même de ces objets va dans ce sens car l’ardoise, extraite des Monts d’Arrée, était rare et onéreuse dans le Cap-Sizun des 18e et 19e siècles.

Offert aux yeux des visiteurs de passage ou lors des grandes journées de travaux dans la cour de la ferme, le cadran solaire, en plus de donner l’heure, participaient également très probablement à la réputation et à l’image de marque des propriétaires. A l’instar des « drustuilh » bien que moins systématiques, les cadrans solaires, par la richesse de leurs décors finement ciselés, mettent en avant le goût des belles choses et la richesse des habitants.

De manière générale, les cadrans solaires du Cap-Sizun sont datés et/ou portent les noms de leur commanditaire. Mais qui les fabriquait ? Bien que le terme de cadranier existe et renvoie à une activité mêlant à la fois savoirs techniques, scientifiques et artistiques, il semble que le métier n’ait pas existé sur le territoire en tant que tel. S’agissaient-il de maçons, de tailleurs de pierres, de couvreurs ayant accès à l’ardoise ou simplement du propriétaire cultivateur d’une ferme ? Aucune source consultée à ce jour ne permet d’avoir une idée précise sur le sujet.

La grande majorité des dates portées sur les cadrans solaires observés renvoie à une période allant du début du 18e siècle au milieu du 19e siècle. Cette période, qui correspond au pic de la production des cadrans solaires en Bretagne (Cornec, Labat-Ségalen, Les Cadrans solaires de Bretagne, 2010), coïncide avec les progrès réalisés en matière d’astronomie, les avancées scientifiques nécessaires aux explorations maritimes et la nécessité de connaitre l’heure et de mesurer le temps dans une vie économique et sociale de plus en plus organisée. L’accès à la gnomonique est d’ailleurs facilité dans la seconde moitié du 18e siècle par la publication en français de traités pratiques tels que « Gnomonique ou l'art de tracer les cadrans solaires » (Rivard, 1746 et Dom Bedos de Celles, 1760) et « Méthode générale pour tracer facilement des cadrans solaires sur toutes sortes de surfaces » (De La Prise,1781).

Cependant, quelques cadrans plus anciens ont été repérés ou signalés. Parmi eux, deux se trouvent sur des manoirs (2eme moitié du 16e siècle et début du 17e siècle, tous deux portant un blason) et un sur l’église de Mahalon (1652). Il est aussi question d’un cadran horizontal daté 1660 qui se trouvait dans l’ancien couvent des Capucins à Audierne. Ce dernier, disparu dans les années 1990, est ainsi décrit par Paul Cornec dans sa monographie consacrée au couvent : "A l'intersection des branches [de la terrasse], sur une base de granit, est posé un cadran solaire en marbre noir, avec neuf gnomons différents, donnant autant de tracés variés, avec inscriptions gravées très finement, indiquant la nature de chacun de ces tracés : heures du pays, heures comparées des différents grands ports de mer dans l'ancien et le nouveau monde, lever et coucher du soleil aux différentes saisons et autres notions démontrant une grande science dans l'auteur de cette œuvre distinguée."

Notons également la présence d’un cadran du 17e siècle sur la maison noble dite « Le Marquisat » à Pont-Croix. Celui-ci, daté de 1640, a été déplacé. Une carte postale du début du 20e siècle indique qu’il se trouvait à cette date sur la boutique (actuel photographe) qui fait l’angle entre la place de la république et le boulevard du Général De Gaulle, mais s’agit-il de son emplacement d’origine ?

Le cadran qui porte la date la plus récente a été fabriqué en 1859. C'est à cette période que les horloges se démocratisent dans l’alignement de mobilier présent sur le mur nord de chaque salle commune du Cap-Sizun. Apparues vers la fin du 18e siècle dans le milieu rural, elles semblent s’être diffusées sur le territoire plus tardivement car aucune antérieure à 1830 n’a été observée lors des deux enquêtes d’inventaire. Daniel Bernard, dans sa monographie sur Cleden-Cap-Sizun, signale que le premier horloger capiste s’installe sur la commune à Kervo en 1851. Après cette date, le meuble se diffuse très rapidement dans les foyers, donnant par conséquent moins d'intérêt aux cadrans solaires.

La comparaison entre les dates portées sur les cadrans des maisons et fermes et celles sculptées sur les linteaux des logis fait apparaitre un décalage dans presque tous les cas (un cas seulement a été observé à Cleden-Cap-Sizun où le logis et le cadran portent tous deux la date de 1803). Dans la majorité des cas observés, le cadran solaire est antérieur à la construction (ou reconstruction) de la maison. Pourtant, les noms taillés dans l’ardoise du cadran correspondent en général à ceux des linteaux.

  • Période(s)
    • Principale : 17e siècle
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 1ère moitié 19e siècle
  • Typologies
  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • repéré 62
    • étudié 0

Bibliographie

  • Daniel Bernard, Cléden-Cap-Sizun : monographie d'une paroisse et d'une commune de la presqu'île du Cap-Sizun, 1952. (réédition 2002)

    Collection particulière
  • Avenier Cédric. Les cadrans solaires du Bas-Dauphiné à la période révolutionnaire. In: Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d'ethnologie, n°4/1999. pp. 7-22

  • Jean-Paul Cornec, Pierre Labat-Segalen. Cadrans solaires de Bretagne. Skol Vreizh, 2010.

    Collection particulière
  • INVENTAIRE GÉNÉRAL DES MONUMENTS ET DES RICHESSES ARTISTIQUES DE LA FRANCE, Architecture rurale et mobilier au Cap-Sizun. juillet 1979, Audierne.

  • SIMON, Jean-François. Tiez : La paysan breton et sa maison, tome 2 : La Cornouaille. Le Chasse-Marée, éditions de l'estran, Douarnenez, 1988.

Annexes

  • Les cadrans solaires repérés sur le territoire du Cap-Sizun - croquis 2021.
Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021
(c) Région Bretagne
(c) Communauté de communes Cap Sizun - Pointe du Raz