Dossier d’œuvre architecture IA29133724 | Réalisé par
Lécuillier Guillaume (Contributeur)
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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  • enquête thématique régionale, Inventaire des héritages militaires en Bretagne
Ensemble fortifié (B 25), lotissement Alfred Nakache (Brest)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Bretagne - Brest-Saint-Pierre
  • Hydrographies
  • Commune Brest
  • Lieu-dit Lotissement Alfred Nakache
  • Adresse Rue Nom à venir
  • Cadastre DI 865 Bunker nord. ; DI 869 Bunker sud.
  • Dénominations
    ensemble fortifié, blockhaus

C’est une opération d’aménagement liée au futur lotissement Alfred Nakache à Brest (situé face au fort Montbarey) qui a permis la redécouverte de cet ensemble fortifié de l’Allemagne nazie en juin 2023.

Cet ensemble fortifié appartenant à la ligne principale de combat (Hauptkampflinie) de Brest était composé à l’origine de plusieurs bunkers, de tranchées de communication, de trous d’hommes, de réseaux de barbelés et de champs de mines. De type 502 (mais dépourvus de cloche blindée ou de puits pour périscope), les deux bunkers étudiés servaient chacun à abriter deux groupes de combat, soit 24 soldats par bunker.

Outre le millésime "30.11.42" tracé dans le béton frais de la dalle de couverture du bunker nord, l’intérêt de ces deux bunkers est d’avoir conservé leur numérotation d’origine : "B 25 / 8" pour celui du nord et "B 25 / 7" pour celui du sud. Le bunker sud conserve également ses portes blindées.

La présence de nombreuses munitions, issues du désobusage de l’après-guerre, a nécessité l’intervention programmée du centre de déminage de Brest le 11 octobre 2023.

Des maisons d'habitation viendront sans doute prochainement recouvrir ces deux bunkers.

Ce dossier d’Inventaire du patrimoine a été créé en mai 2024 dans le cadre de l'Inventaire des héritages militaires porté par la Région Bretagne. Un grand merci à notre informateur et au promoteur immobilier Nexity qui nous ont permis d’étudier ces deux bunkers. Les photographies intérieures des bunkers ont été réalisées après la dépollution pyrotechnique par le centre de déminage de Brest.

Un ensemble fortifié aménagé durant la Seconde Guerre mondiale

Aménagé à partir d’août 1942 dans une parcelle cultivée réquisitionnée par l'Allemagne nazie, cet ensemble fortifié appartient à la ligne principale de combat (Hauptkampflinie) de la ville-arsenal de Brest.

Cet ensemble fortifié était constitué d’au moins deux bunkers de type 502 [étudiés] conçus chacun pour abriter deux groupes de combat, d’un bunker - casemate [a priori, détruit] abritant un canon antichar de 5 cm de calibre tirant vers l’ouest et prenant en enfilade la route du Conquet et d’un bunker - magasin de munitions [a priori, également détruit]. Le calibre du canon est attesté par le rapport Pinczon du Sel (voir texte en annexe) et par la présence de nombreux projectiles de 5 cm dans les deux bunkers de type 502 (ces bunkers ont été dépollués en 2023). Tranchées de communication, trous d’hommes, réseaux de barbelés et champs de mines complétaient la défense.

La dalle de couverture du bunker de type 502 situé au nord est daté par millésime du 30 novembre 1942* (trois mois était nécessaire à la construction d'un bunker de ce type utilisant 629 m3 de béton armé).

Les deux bunkers ont conservé leur numérotation de position : "B 25 / 8" pour celui du nord et "B 25 / 7" pour celui du sud. La lettre "B" correspond au "domaine de la forteresse de Brest" (Festungsbereich Brest) qui englobait plusieurs communes limitrophes, le numéro "25" correspond à la numérotation de l’ensemble fortifié, tandis que les numéros "7" et "8" correspondent à la carte générale d’implantation des bunkers datée de décembre 1942** (les numéros sont inversés par rapport à la carte).

La position "B 25" est située à 800 m en arrière du fossé antichar et anti-infanterie de la ligne principale de combat. L’objectif de cet ensemble fortifié (en lien avec d’autres ensembles fortifiés) est la défense de la route du Conquet contre une éventuelle attaque menée par des troupes terrestres appuyés de chars. Cette route pouvait en effet constituer un accès à la ville-arsenal de Brest via la commune de Saint-Pierre-Quilbignon. Dans le quatrième quart du 18e siècle, l’emplacement situé immédiatement au nord a déjà vu la construction du fort Montbarey, l’un des cinq forts du camp retranché de Saint-Pierre (1776-1784).

De l’autre côté de la route, côté fort Montbarey justement, se trouvait également un bunker - casemate [disparu] abritant, selon le rapport Pinczon du Sel, un canon de 5 cm de calibre.

A l’ouest, à moins de deux cents mètres, est implanté un bunker - abri de type 608 servant de poste de commandement. Ce plan-type de bunker commence à être utilisé à partir du 2 novembre 1942 dans les secteurs côtiers.

* La première tranche de travaux s’achève le 1er novembre 1942 avec 86 bunkers réalisés sur les 232 programmés, ce qui représente 60 200 m³ de béton consommé, la moyenne de volume de béton ayant été fixée à 700 m³ par ouvrage.

** Cette carte de décembre 1942, connue pour son fond coloré en jaune, mentionne 133 postes de combat, 34 abris de type 502, un abri de type 501 (Penfeld), deux abris "infirmerie" de type 118 (Penarvaly, le Petit-Paris) et deux abris de type 128 (Le Cosquer, Quéliverzan).

La Bataille de Brest

Les photographies aériennes d’août et septembre 1944 montrent le secteur du fort de Montbarey particulièrement bouleversé par les bombardements et combats de la Libération. Les tirs semblent avoir été concentrés sur les deux casemates protégeant la route du Conquet.

Certains cratères sont attribuables aux tirs du cuirassé HMS Warspite depuis le large de Ploudalmézeau le 25 août : le fort Montbarey est en effet visé à 26 reprises par ses canons de 15 pouces (obus de 381 mm).

Plusieurs projectiles sont tombés dans le périmètre immédiat des deux bunkers de type 502 comme l'atteste une photographie du 8 septembre 1944. La garnison du fort Montbarey se rend le 16 septembre 1944.

Un ensemble fortifié mentionné dans le rapport Pinczon du Sel

Les fortifications du secteur de Montbarey ont fait l’objet d’un plan schématique (n° 135 IV) dans le rapport Pinczon du Sel réalisé entre 1946 et 1949. Quatre bunkers figurés sur ce plan correspondent très vraisemblablement à l’ensemble fortifié "B 25" : une casemate pour canon de 50 mm [sic], un abri ou soute en béton léger [sic] et deux abris ou soutes bétonnées non enterrés [sic].

La défense est décrite ainsi : "Le passage de la route du Conquet à travers la ligne de défense est défendu d’abord par une tourelle de char (avec un bunker pour abriter le personnel de garde) puis par deux casemates de 50 mm [sic] situées de part et d’autre de la route, à la hauteur du fort Montbarey. Des positions d’infanterie sont creusées dans les talus face à l’ouest. Quatre bunkers simples et un avec mitrailleuse sont enterrés dans le champ du sud de la route. Dans le nord se trouve le fort de Montbarey sur les remparts duquel des emplacements d’armes légères sont disposés. […]"

Des bunkers utilisés après-guerre pour des opérations de désobusage

Probablement immédiatement après-guerre, les deux bunkers de type 502 sont utilisés comme "fourneau" par les démineurs pour neutraliser des munitions (probablement celles du canon antichar qui se trouvait à proximité). Les munitions n’ont cependant pas complétement été détruites.

Le passage des ferrailleurs

Le bunker de type 502 nord a vu ses portes blindées récupérées par des ferrailleurs comme le montrent les traces de découpe au chalumeau des gonds. Seules les huisseries des portes sont restées en place.

Le bunker de type 502 sud a lui conservé ses portes blindées.

Une remise en culture rapide de la parcelle

La parcelle est rapidement remise en culture après-guerre comme le montrent les vues aériennes. Dans les années 1950, les tranchées d’accès aux deux bunkers sont encore visibles. Les champs alentours sont clos par des talus et de petites haies bocagères.

En 1970, les tranchées d’accès des bunkers apparaissent remblayées sur les vues aériennes : seules les dalles de couverture sont encore visibles.

 Des bunkers déjà visités

Au moins l’un des deux bunkers (celui du sud, numéroté "B 25 / 7") a été visité et photographié par une "équipe de bunkerologues" au début des années 2000. Malgré leur dangerosité, les munitions, pour partie stockées sur l’appui du créneau de défense de l’entrée, n’ont pas été signalées au centre de déminage.

Un futur lotissement, une redécouverte des bunkers et une dépollution pyrotechnique

L’achat de plusieurs parcelles agricoles en vue de l’aménagement d’un lotissement par le promoteur immobilier Nexity a favorisé la redécouverte de deux bunkers en juin 2023 lors du relevé du terrain.

Quoique non accessible du fait de la présence d’un important remblai au niveau des entrées, l’un des deux bunkers a été "visité" comme l’ont constaté les riverains du futur lotissement.

Du fait de la présence de munitions non explosées, une opération de dépollution pyrotechnique a été réalisée le 11 octobre 2023 par le centre de déminage de Brest. Au total, deux-cent-six munitions antichars (Panzergranate) de 5 cm de calibre et trois grenades se trouvant dans les deux bunkers de type 502 ont été prélevées pour être neutralisées. Il s’agissait de projectiles d’obus antichars résultant du désobusage d’après-guerre. Au sol, baignant dans l’eau, étaient également visibles les restes très corrodés de douilles.

Cet ensemble fortifié - initialement composé de quatre bunkers au moins - était implanté dans un champ situé au sud de la route du Conquet, dans l’alignement de l’entrée du fort Montbarey (situé au nord de la route). Seuls deux bunkers de type 502 ont été localisés et étudiés ; les deux autres - une casemate et un "abri ou soute en béton léger" semblent avoir été détruits lors de précédents aménagements dans les parcelles situées immédiatement au nord (actuels garages Peugeot et Citroën).

Dans le cadre de sa transformation en lotissement, le champ a été redécoupé en plusieurs parcelles.

Le bunker nord ("B 25 / 8") se trouve dans la parcelle n° 865 de la section DI (parcelle de 389 m2).

Le bunker sud ("B 25 / 7") est localisé dans la parcelle n° 869 de la section DI (parcelle de 422 m2).

Ils sont éloignés de 70 m l’un de l’autre.

Pour des impératifs de protection et de camouflage, les bunkers sont complétement enterrés dans le sol et seules les dalles de couverture affleurent. Ils mesurent 14,8 m de longueur pour 9,5 m de large.

Le bunker nord est situé à 86,07 m au-dessus du niveau de la mer.

Les accès aux deux bunkers se font dans l’élévation orientale, du côté qui était le moins exposé à une attaque terrestre.

  • Murs
    • béton béton armé
  • Toits
    béton en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Couvertures
    • terrasse
  • Énergies
    • énergie électrique produite à distance
  • État de conservation
    désaffecté, état moyen
  • Techniques
    • peinture
  • Précision représentations

    La numérotation de l'ensemble fortifié et des bunkers est peinte sur le mur nord de chaque bunker (près du boîtier de connexion téléphonique) : "B 25 / 7" et "B 25 / 8".

  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Intérêt de l'œuvre
    vestiges de guerre, à signaler
  • Éléments remarquables
    ensemble fortifié, blockhaus

L'ensemble fortifié "B25" est géoréférencé sur les fonds des vues aériennes des années 1950. Les deux bunkers de type 502 ne sont pas cadastrés, ni protégés par les documents d’urbanisme.

Documents d'archives

  • Rapport Pinczon du Sel sur les installations du Mur de l'Atlantique (1946-1949). "Le Mur de l'Atlantique. Livre IV : du Mont Saint-Michel à la Laïta" (collection : Service Historique de la Défense de Brest).

    Service Historique de la Défense de Brest
    p. 133-134

Bibliographie

  • ROLF, Rudi. Atlantikwall-Typenheft. Atlantic Wall typology. Typologie du Mur de l'Atlantique. Middelburg, PRAK publishing, 2008, 432 p.

  • FLEURIDAS, Patrick. HERBOTS, Karel. PEETERS, Dirk. Constructions normalisées. 600-699. 700-704. Regelbauten. S. l., 2008, 183 p., 2-914827-27-X.

  • LÉCUILLIER, Guillaume (dir.), BESSELIÈVRE, Jean-Yves, BOULAIRE, Alain, CADIOU, Didier, CORVISIER, Christian, JADÉ, Patrick. Les fortifications de la rade de Brest : défense d'une ville-arsenal. Rennes : éditions Presses Universitaires de Rennes, collection Cahiers du patrimoine, 2011, n° 94, 388 p.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel)
  • CHAZETTE, Alain. MANTEY, Olivier. DESTOUCHES, Alain. TOMINE, Jacques. PAICH, Bernard. SOLERA, Mario. REBERAC, Fabien. Forteresse de Brest. Maillon du Mur de l'Atlantique. Occupation - vie quotidienne - libération. Vertou, éditions Histoire et fortifications, 2018, 208 p.

Annexes

  • 23 mars 1942 : les instructions générales de combat pour la défense côtière
  • Le rapport Pinczon du Sel : premier inventaire du Mur de l'Atlantique (1946-1947)
Date(s) d'enquête : 2024; Date(s) de rédaction : 2024
(c) Région Bretagne
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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