Hormis une légère modification de la distribution au 1er étage et la transformation d'une partie du décor intérieur, l'hôtel construit en 1900-1901 pour l'un des entrepreneurs les plus actifs à Rennes, M. Poivrel, est conservé dans ses dispositions d'origine. Le tapis de mosaïque du grand hall peut être attribué à Isidore Odorico père.
Comme le montre l'analyse de François Loyer, cet hôtel, est l'une des oeuvres remarquables de la production de l'architecte Emmanuel Le Ray. Son originalité tient tant dans sa disposition intérieure, les pièces de réception étant rejetées sur le jardin, que dans la dualité entre les façades sur rue et sur jardin exprimant des réalités différentes, l'une publique et quelque peu ostentatoire, l'autre privée, plus simple et chaleureuse.
La volonté d'exprimer en façade les dispositions intérieures, avec en particulier l'escalier signalé par les fenestrages à degrés du corps central et celui de la tour, témoigne de l'héritage rationaliste revendiqué par l'architecte ; il est appuyé par le vocabulaire ornemental utilisé où les références néo-gothiques sont mêlées à des motifs Art Nouveau, introduisant timidement à Rennes un style novateur.
La qualité et l'originalité des espaces intérieurs doivent être soulignés, notamment le saisissant contraste recherché entre le sas d'entrée, étroit et minéral, et le vaste hall prenant éclairage au sud sur lequel ouvre toute la maison. Son volume, présent sur deux niveaux, permet une véritable respiration de l'espace et une fluidité de la distribution des pièces ; il compense le manque d'éclairage direct, sans doute sacrifié aux nécessités de l'implantation.
Édifice clef dans le paysage urbain du début du siècle, cet " objet architectural " contribue à construire l'image de son concepteur comme celle de son commanditaire. Son potentiel urbanistique est cependant altéré aujourd'hui par la restructuration de l'espace, à laquelle participent la construction d'immeubles en rupture de gabarit et le mobilier urbain.