Les plus anciennes mentions de moulins à papier en Bretagne au XVème siècle sont celles des deux moulins de la Ville-Jégu à Bréhant-Loudéac, notées dans un aveu de Jehan de Rohan du Gué-de-l’Isle, en 1499, « item les moulins à papier audit seigneur du Gué de L’Isle appartenans, iceux moulins, tant à blez, foullerets, que à papier, situez sur la rivière de l’Helyer, es paroisses de Plumieux et de Bréhant-Loudéac ». Ces moulins sont bâtis au nord-est de Vannes, entre les paroisses de Plumieux (actuellement St-Etienne-du-Gué-de-l’Isle) et de Bréhan, aux limites des diocèses de Saint-Brieuc, Vannes et Saint-Malo. A cette époque, la Ville-Jégu s’étend sur les lieux du moulin d’aujourd’hui (minoterie) et sur Bodiné où se trouve le second.
L’imprimerie s'est implantée, en 1484, à Bréhan-Loudéac, près des moulins à papier. L’invention exploitée à la Ville-Jégu permet à Jean de Rohan, seigneur du Gué-de-l'Isle de 1463 à 1493, de faire une place importante à la Bretagne sur le marché européen. Si la date de 1413, parfois donnée comme date d’implantation de ces moulins, n’est pas certifiée, on peut néanmoins supposer qu’ils étaient en fonctionnement en 1484. En effet, venus sur demande de Jean de Rohan, afin d’y démarrer l’imprimerie, les sieurs Robin Foucquet, maître-imprimeur, et Jean Crès, son aide, ont utilisé du papier avec un filigrane constitué d’une hermine, symbole de la Bretagne, incluse dans un losange figurant les macles des Rohan. Ceux-ci n’y restèrent que huit mois, de décembre 1484 à juillet 1485. Ils y imprimèrent les premiers livres de Bretagne, y composant et tirant au moins douze ouvrages, de précieux incunables. Les moulins sont transmis par Jehan II à sa soeur Cyprienne de Rohan, femme de François la Feuillée (aveu de 1510). L’apparition d’une technique en entraînant d’autres, l’industrie papetière connaît en Bretagne un formidable élan. Le moulin est, une fois de plus, au cœur de la plus grande révolution culturelle de l’histoire. Trois autres moulins à papier sont connus à la même époque en Bretagne.
L'identité des hommes et des femmes qui ont fabriqué le papier à Bréhan, depuis la création de la papeterie, jusqu'en 1660 n'est pas connue. Dès 1664, Julien Georget, papetier, vit avec sa famille au village de St Samson, situé à peu de distance des moulins à papiers. Les familles Guédon, Gaulier, Huet y vivent également les années suivantes. C'est à cette époque que la famille Le Goupil arrive à Bréhan et crée une lignée de maîtres-papetiers qui tiendront les moulins tout au long de leur histoire papetière. Thomas Goupil tient le moulin de Kervennou à Briec, sur l'Odet, près de Quimper, lorsqu'il vient avec son fils Guillaume s'établir en ces lieux, déjà riche d'histoire de l'industrie du papier. Guillaume et son épouse, Françoise Pintrel qui y vivent depuis au moins 1665, tiennent les moulins avec leurs enfants. Pierre Goupil, l’aîné, exploite le moulin n°1. En 1694, les moulins de la Ville-Jégu appartiennent à la seigneurie de l’Isle, échue à Louise Le Lannio, veuve de Hyacinthe Anne Le Sénéchal.
Le deuxième moulin a, en 1729, plusieurs copropriétaires et pour fermier de 1700 à 1739, Yves Goupil, le plus jeune des fils de Guillaume. Isabeau et Nicolas Foulon, qui sont au moulin à papier du Stérou depuis leur mariage, reviennent à Bréhan en 1701 et 1702, avant de repartir à Priziac. Les enfants et petits-enfants de ces deux couples tiendront les deux moulins à papier de Bréhan jusqu'au terme de leur activité papetière. De 1696 à 1716, Pierre Josset est également maître-papetier avec son épouse Jeanne Urvoy. Jean et Julien Urvoy y sont aussi papetiers dans cette période ainsi que Guillaume Sallio et Gilles le Gras. Il y est fabriqué, à cette époque, surtout du «papier de doublage» qui se vend dans les villes et campagnes environnantes. Un accord intervient en 1729 entre la Régie du Papier Timbré et les propriétaires qui s’engagent à fabriquer du papier de 16 deniers à partir du 1er avril. Dix années plus tard, Yves Le Goupil et Jean Huet qui exploitent alors chacun un des moulins, sont mis en cause pour refus de se conformer aux conditions de l’accord.
En 1752, il n’est plus mentionné qu’un seul moulin appartenant à Julien Huet, produisant 1 600 rames de papier fin et commun. En 1776, il n’est plus question que de ce moulin qui a une roue, une cuve et quatre piles à maillets. Il ne produit plus que 1 000 rames de papier pour l’écriture et l’emballage, qui sont expédiées vers Nantes et Rennes. En 1781, il est fait mention de J. Gélineau, papetier à «Pondegoit en Bréhant» auquel semble être associé Pierre Goupil. Il s'agit certainement de Jacques Gélineau qui, à cette époque, est le papetier du Pont-de-Gouët à Saint-Brieuc. La famille Le Goupil, aux commandes de l'un des moulins depuis 1665, y est présente jusqu'à la fin de l'activité papetière, dans le seconde moité du XIXème siècle.
Ce moulin à papier devient moulin à farine à la fin du XIXème siècle ; l’activité meunière est arrêtée depuis 2011. Le lieu-dit «Le Moulin à Papier», propriété privée, existe encore de nos jours.
