Historique du cotre de Carantec « Cornic-Duchêne par Paul Brulin » :
« Cornic-Duchêne », initialement nommé « Aveladennou » a été construit en 1952 par Jean François Sibiril, chantier réputé de Carantec, pour une commande faite par Monsieur Desfleur. Voilier pur à l'origine, il était gréé de façon classique, grand voile et flèche, foc et trinquette. Son port d'attache était alors Locquirec. Navigant entre les baies de Morlaix et de Lannion, « Aveladennou » participait aux régates locales et emmenait son équipage pour de la petite pêche de plaisance.
Racheté en 1959 par Monsieur Enault, industriel, le cotre s'appellera désormais « Cornic-Duchêne », nom qu'il a conservé jusqu'à aujourd'hui. C'est sous ce nom qu'il connaît une certaine célébrité à Locquirec, connu pour sa couleur noire et ses qualités de bon marcheur.
Ce nom, emprunté à un marin morlaisien, corsaire durant quelques années au milieu du 18ème siècle, a été choisi en hommage à un bateau de pêche de Locquirec datant de 1870 et appartenant à François Postic. Monsieur Enault, ami des enfants Postic, avait souvent eu l'occasion d'embarquer sur le premier « Cornic-Duchêne ». Quant à cette couleur noire si caractéristique, elle a été choisie en mémoire du bateau pilote qui faisait entrer gabares et goélettes dans le port de Toul-An-Héry, à la limite entre Côtes d'Armor et Finistère, entre Locquirec et Plestin-Les-Grèves.
C'est durant cette période que le cotre a été motorisé avec un Couach de 3 CV. Cette motorisation n'avait évidemment pas été prévue à la construction et un boulon de quille traversait verticalement l'étambot. Cela interdisait donc le percement dans l'axe d'un passage pour l'arbre d'hélice. Et c'est ainsi que cet arbre sortira par un bordé tribord comme sur nombre de voiliers de l'époque. Le gréement du bateau a également été modifié au profit d'un gréement Marconi, mode du moment apparemment inspirée par ce qui se voyait sur certains "Super-Cormorans".
La surveillance du bateau est assurée par un homme de confiance, Olivier Briand, vieux marin de Locquirec qui navigue à son bord et pratique la petite pêche côtière. C'est à cette période que l'activité de « Cornic-Duchêne » est la plus tournée vers la pêche. Les régatiers du moment se tournent plus volontiers vers le contreplaqué, l'aluminium et le nylon.
En 1982, « Cornic-Duchêne » est victime d'une importante voie d'eau. L'équipage est même mis en péril mais réussit à maintenir le bateau à flot et à rentrer au port à la godille. Transporté au Diben, au chantier Rolland, le bateau y restera. Monsieur Enault, trouvant le devis de remise en état trop élevé, se tourne vers le polyester. Il offre l'épave au mécanicien du chantier, Monsieur Vaubrun, qui a été séduit par les lignes du bateau.
Monsieur Vaubrun, retroussant ses manches, attaque la restauration. En mécanicien qu'il est, il s'interroge d'abord sur la motorisation la mieux adaptée, s'aperçoit que les choses seront plus compliquées qu'il ne l'avait imaginé et, faute de temps, donne le bateau à Michel Jaouen contre l'engagement de sa remise en état. Nous sommes en 1986.
On assiste alors véritablement à la résurrection du bateau. Avec les conseils de Vaubrun et Mescam, du chantier Rolland, Michel Jaouen élimine toutes les pièces défectueuses de la charpente pour les refaire à l'identique, il dépose le lest, refait le tableau arrière, change nombre de bordés et de membrures, recalfate, mastique, peint. Un nouveau moteur est posé, le plan de voilure refait d'après photos par De Kergariou et gréé sur les espars retrouvés chez Monsieur Enault.
Au printemps 1988, Michel Jaouen à la barre, « Cornic-Duchêne » rentre "chez lui" à Locquirec, sillonne de nouveau la baie et ... se rend au premier rendez-vous des fêtes maritimes de Douarnenez. Quelques semaines plus tard, la surprise est grande de voir « Cornic » sur un poster "Vieux gréements de Bretagne" en compagnie de « Solweig », « Saint-Guénolé », « Zant-Guirec », La « Cancalaise » et La « Granvillaise ». Autant dire que cela a été vécu comme une consécration.
En 1991, Michel JAOUEN vend le bateau à trois copropriétaire, René Gestin remplacé en 1994 par François Cadren, Patrick Hengy et Joël Le Nost. Ceux-ci poursuivent la navigation dans la baie mais n'hésitent pas à emmener le bateau dans les rassemblements locaux, brestois ou douarnenistes.
En 1998, « Cornic » vient à Locquémeau participer à une petite régate locale de vieux gréements organisée par l'association "Le Flambart de Locquémeau ». Il ne repartira à Locquirec que 2 semaines puisque je deviens alors le très heureux propriétaire de « Cornic-Duchêne » qui continue de naviguer, davantage en baie de Lannion, tout en poussant encore à l'occasion vers les rassemblements de Paimpol, Ploumanac'h, Brest et Douarnenez.
Quittant Locquirec, « Cornic-Duchêne » n'a donc pas quitté les lieux de ses navigations d'origine et son port d'attache est désormais Locquémeau où il a un mouillage à quelques mètres de Barr Avell, le Flambart de Locquémeau construit en 1992, à l'identique, sur le modèle d'une chaloupe sardinière de 1930, la « Marie ».