Les conditions d'engagement pour l'équipage du navire "Mathilde", capitaine Brouard, armateur Léon Carfantan, pêche sur les bancs de Terre-Neuve, année 1902.

Article 1er

Les engagés seront tenus de s'embarquer, démarrer du quai, l'appareiller et le sortir du port de Dahouët, pour faire route sur le navire aussitôt qu'ils en seront requis verbalement ou par écrit, pour faire route pour la pêche, sous peine d'une amende de 20 francs.

Article II

Les engagés devront pêcher la morue sur tous les bancs ou banquereaux, autant de temps et aussi longtemps qu'il plaira à l'armateur de l'ordonner, en se remettant en tout, et pour tout à ses ordres ou à ceux de ses représentants.

Article III

Si, avant ou après la sortie du port, le navire avait besoin de réparations, ou éprouvait un accident qui le mette hors d'état de naviguer, l'armateur pourrait le remplacer par tout autre navire sur lequel les engagés seraient tenus d'embarquer, pour entreprendre ou achever la pêche. Dans le cas où le voyage n'aurait pas lieu, l'armateur ne serait assujetti à aucune indemnité, quelque soit le motif qui y apporterait obstacle.

Article IV

Par dérogation formelle à toutes les lois et à tous autres règlements contraires ; les sommes avancées pour la pêche seraient remboursées à l'armateur en cas d'arrêt de prime, ou tout cas forcé, ou empêchement légitime qui, intervenant depuis le payement, empêcherait le départ du navire ou interdirait le voyage. Si le marin embarqué ne pouvait pour cause de maladie ou de décès partir avec le navire, les sommes qu'il aurait reçues, devraient être remboursées à l'armateur par lui ou par sa famille.

Article V

L'équipage recevra comme salaire le tiers de la vente des produits de pêche, déduction faite des frais d'assurances, des produits et agrès et de la valeur de la boëtte s'il en est acheté. Du tiers on déduira également le payement de la partie de l'équipage restant à bord pendant la pêche, et chaque pêcheur sera payé proportionnellement au nombre de morues prises par lui. En cas de maladie, il sera compté à l'homme le nombre de morues qu'il eût pris, suivant sa capacité habituelle. Les dorissiers qui pêcheront les bulots seront censés avoir pris le nombre de morues formé par la moyenne des deux premiers doris pêcheurs.

Article VI

Les morues pêchées seront livrées, soit à Saint-Pierre, soit en France, au gré de l'armateur ; celles livrées à Saint-Pierre seront payées à l'équipage au prix moyen de la colonie ; celles qui seront livrées en France 2 francs de plus par quintal de (?) qualité loyale et marchande. La morue de rebut sera payée à moitié prix. Quant aux gratifications accordées à l'équipage, les morues n'atteignant pas le poids de trente quintaux au mille seront comptées trois pour deux. Les gratifications ne seront données aux marins qu'en tant qu'ils auront rempli les fonctions y donnant droit.

Article VII

L'équipage sera payé un mois après le retour du navire au port d'armement. La commission de vente est fixée à 3%. L'équipage supportera également le tiers des remorquages.

Article VIII

Au retour en France, le capitaine ne conservera à bord que le nombre d'hommes qu'il jugera nécessaire pour la livraison des produits. Les marins congédiés auront droit à leur conduite. Ceux qui resteront à bord, seront payés au mois comme suit : le capitaine 150 francs, le second 60 francs, les matelots 50 francs, le novice 30 francs et le mousse 20 francs.

Article IX

Si l'un des marins de l'équipage se trouvait dans l'impossibilité de pêcher par coups ou blessures reçus d'un camarade, le coupable serait tenu de payer de son salaire une indemnité de cinq francs par jour, qui serait partagée également entre l'armateur et le blessé.

Article X

Le marin qui refuserait de monter au travail à l'appel du capitaine ou d'un officier, ou qui, apportant de la négligence à la pêche, conseillerait à ses camarades de ne plus travailler, sous prétexte qu'il est temps de rentrer en France, subirait une retenue de deux cent francs surs ses gages.

Fait double au commissariat de la Marine, le 3 février 1902

L'armateur, Carfantan.

Lu et accepté le commissaire de l'Inscription maritime

Dahouët, 3 février 1902.

Transcription du rapport de mer de Etienne Brouard, capitaine du trois mâts "Mathilde", le 18 octobre 1902.

Le trois-mâts "Mathilde", attaché au port de Dahouët, jaugeait 107 tonneaux 76, armé par Léon Carfantan pour faire la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve avec sècherie à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Je suis sorti du port de Dahouët le 28 mars ayant à bord trente hommes d'équipage, vivres et agrès nécessaires pour le voyage. J'ai mouillé sur le grand banc le 22 avril jour, où j'ai commencé ma pêche et qui a continué jusqu'au 8 juin où j'ai fait route pour Saint-Pierre-et- Miquelon. J'ai mouillé en cette rade le dix du même mois sans avoir rien à signaler depuis mon départ du port d'armement.

J'ai livré vingt mille cent morues pesant vingt deux mille kilos sur le "Saint-Michel" de Saint-Malo et deux mille neuf cents pesant cinq mille huit cent trente kg déposés à terre pour sècherie : pris le sel et fait les réparations nécessaires et de la boëtte, partie le 17 juin et mouillé sur le grand banc le 19 du même mois.

Le 4 juillet cassé ma chaîne près de l'écubié, le 22 juillet fait route de nouveau pour Saint-Pierre pour faire réparer mon guindeau où je suis arrivé le 26 juillet. J'ai livré le produit de la 2ème pêche sur la "Liberté" de Fécamp, vingt neuf mille deux cent morues pesant cinquante huit mille quatre cents soixante vingt kg.

Le 1er août retourné sur le banc jusqu'au 3 octobre, mon sel était épuisé, j'ai fait route pour France. J'ai pris le pilote de Royan le 17 octobre et mouillé à Pauillac le 18 sans avoir rien de nouveau à signaler.

Je rapporte à mon bord, cent dix mille morues pesant cent dix mille kg, deux mille kg de rogues, vingt et une barriques d'huile pesant deux milles quatre cents kg, mille kg d'encornets, mille cinq cents kg de capelan, cinq cents kg de flêtons et mille kg d'issues de morues.

Je certifie que tous ces produits et ceux livrés sur les navires "Saint-Michel" et "Liberté" pour sècherie à Saint-Pierre proviennent du fait de mon équipage et qu'il n'a été fait aucune opération commerciale en dehors de la pêche.

En foi de quoi j'ai signé le présent, me réservant d'en faire un plus ample si besoin est.

A Pauillac, le 18 octobre 1902.

Le capitaine de la "Mathilde".

20042207764NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 4 num 1/10, Numplan 16.

20042207781NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 4 num 1/20, Numplan 21.