Dossier d’œuvre objet IM35025041 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, Les charpentes armoricaines en Ille-et-Vilaine
Charpente de la chapelle Saint-Mauron, Saint-Mauront, Saint-Modéran (Livré-sur-Changeon), Chapelle, Saint Mauron (Livré-sur-Changeon)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Grand Ouest - Liffré
  • Commune Livré-sur-Changeon
  • Lieu-dit Saint Mauron

Par souci de repeupler ses terres après les invasions normandes, le duc de Bretagne, Geoffroy Ier, donne le territoire de Livré à l'abbaye de Saint-Florent de Saumur durant la première décennie de l’An Mil. Un prieuré est attesté dès 1023 et une première chapelle aurait été édifiée à l´ouest des bâtiments actuels dans le bois de Breil-Saint-Samson. Une mention du début du XIIe siècle du pape Callixte II (1119-1124) confirme en effet à l'abbaye Saint-Florent de Saumur la possession du prieuré de Livré avec son église Notre-Dame ainsi qu'une autre église appelée la Chapelle. Cette dernière correspondrait à la première chapelle Saint-Mauron. Devenue vétuste, cette chapelle aurait été reconstruite à l’emplacement actuel vers le début du XVIe siècle. C´est d´ailleurs à cette époque que les prieurs de Livré-sur-Changeon aliénèrent la métairie de Saint-Mauron mais les jésuites la rachetèrent en 1626 au profit du collège de Rennes. Il faut attendre le 26 mai 1606 pour que l'abbaye de Saint-Florent de Saumur abandonne définitivement son prieuré de Livré pour l’unir au collège des Jésuites de Rennes créé en 1604. La métairie de Saint-Mauron comprend alors un corps de logis, une chapelle, des jardins, une cour, un bois de haute futaie appelé Breil-Saint-Mauron, des prés etc.. Le tout représentait 118 journaux de terre. Les Jésuites quittèrent Livré en 1762 suite à la fermeture des collèges jésuites. La gestion et les biens du prieuré de Livré sont alors confiés aux fermiers généraux jusqu’en 1790 puis vendus comme biens nationaux 3 ans plus tard. La métairie de Saint-Mauron fut vendue à Paul-François la Selle Châteaubourg de Fougères pour 33 800 livres. En 1828, elle appartenait à Paul de la Selle, comte de Châteaubourg.

  • Période(s)
    • Principale : 14e siècle, 15e siècle

D’axe est-ouest et de plan rectangulaire, la chapelle mesure 13,60 m de long pour 8,60 m de large en extérieur. Deux portes, une sur le pignon ouest et l’autre sur le gouttereau nord, donnent accès à l’intérieur. Celle du nord, plus petite et probablement postérieure au regard du linteau en bois, possède encore sa porte en chêne sciée avec maintien de 2 barres et larges chevilles. La porte ouest en arc-brisé ainsi que les baies trilobées de la façade sud et une niche intérieure sur le même mur, évoquent l’architecture de la première moitié du XVIe siècle. Sur le mur ouest, à droite de la porte en rentrant, un bénitier monolithe fait partie prenante de la maçonnerie. La porte ouest est largement chanfreinée. Elle est surmontée d’un corbeau sur lequel est posée une croix en granite, qui d’après sa base en « V » inversée, pourrait être l’ancienne croix du faîtage.

Le sol en terre battue de la chapelle laisse apparaître les vestiges d’un ancien sol en tommettes. Le plancher a été installé lorsque la chapelle est devenue une grange. Le percement d’une petite ouverture sous le faîtage du pignon ouest trouve également son origine avec la transformation de l’édifice en lieu de stockage de céréales.

La longueur en œuvre est de 11,82 m sur 6,84 m pour une superficie de 80,9 m2. Les murs de la chapelle ont une épaisseur moyenne de 88 cm pour une hauteur de 4,90 m intérieur. Avec l’insertion du plancher, le dessous des entraits se trouve à 1,16 m du niveau de circulation, il s’agit donc bien d’un espace de stockage. Trois fermes de même plan à poinçons longs, jambes de force et faux-entraits cintrés forment la charpente de comble. La numérotation d’ouest en est reprenant le marquage de la partie haute des poinçons servira de repère pour situer les fermes. La ferme n°1 est espacée d’1,20 m du mur pignon ouest et la valeur est de 1,48 m pour la ferme n°3 avec le mur pignon est. La ferme centrale se trouve respectivement à 4,56 m et 4,62 m des fermes 1 et 3 entraxes.La courbure des jambes de force et des entraits, associée au délardement des arbalétriers, forme un arc en plein cintre presque parfait. L’embrèvement à découvert des arbalétriers destiné à recevoir l’extrémité des faux-entraits cintrés et jambes de force est à peine visible tellement l’assemblage est réussi et de par sa faible profondeur (à peine 1 cm). Tous les assemblages à tenon et mortaises sont chevillés dans le sens ouest-est.Les entraits reposent sur des sablières légèrement moulurées positionnées à l’aplomb intérieur des murs. Les pièces s’assemblent à mi-bois. Des entretoises se trouvent en porte-à-faux vis-à-vis des sablières, elles permettent de raidir les fermes entres elles. Finement moulurées, elles sont assemblées aux entraits par tenon-mortaise puis chevillées par le haut, la mortaise traversante étant réservée à l’entrait.

Chaque versant comportait dans sa disposition d’origine 26 chevrons tous encore en place, espacés en moyenne de 42 cm entraxe. Ils sont aujourd’hui doublés par un autre cours de chevrons de chêne. Les chevrons reposent en partie basse sur des entailles faites dans l’entretoise. Le couple d’arbalétrier supporte sur chaque versant deux cours de pannes retenues par des tenons flottants assemblés à l’arbalétrier. Ces tenons sont épais de 3 cm et dépassent de la mortaise droite de 10 à 14 cm pour une largeur avoisinant les 9 cm. Ces tenons majoritairement rectangulaires peuvent être trapézoïdaux afin de s’insérer au mieux dans la mortaise de l’arbalétrier. Ils sont fabriqués à partir de chêne débité en quartier.

Toujours dans le plan longitudinal, 5 liens de faîtage sont encore conservés, seul celui le plus à l’ouest a disparu. Son absence est certainement à mettre en relation avec le percement d’une fenêtre dans le pignon ouest et la suppression d’une petite partie de la faîtière. Le tenon du lien est encore visible dans la mortaise du poinçon de la ferme n°1. Les tenons des faux-entraits cintrés sont maintenus par des chevilles traversant les liens de faîtages et le poinçon. L’assemblage est original et indique l’ordre du montage des pièces. Ainsi, les faux-entraits sont assemblés au poinçon sans être chevillés puis les tenons des liens de faîtage s’engagent dans les longues mortaises à gorges. Une cheville dans le plan des fermes verrouille l’assemblage à ras des faux-entraits cintrés. Enfin, deux chevilles sont enfoncées à travers les liens de faîtage jusqu'à traverser les tenons des faux-entraits. Ces chevilles transpercent les deux liens de faîtage de part en part.Toutes les pannes, y compris la faîtière, sont réalisées dans du bois de brin d’un seul tenant mesurant plus de 12 m de long pour une section de 12 x 20 cm pour les pannes et 16 x 16 cm pour le faîtage.

En dehors des moulurations des sablières et des entretoises, on retrouve des décors sur les entraits et les poinçons. Les entraits sont chanfreinés en partie basse entre les entretoises. L’altération biologique de la face supérieure de l’entrait empêche de discerner un éventuel chanfrein mais il semble qu’il ne soit réservé qu’à la partie basse. Chaque entrait présente une bague carrée entre les jambes de force et l’arbalétrier et de chaque côté de l’embase. Le traitement des poinçons est simple : une bague octogonale située sous les faux-entraits et une autre juste au dessus de l’embase délimitent la section octogonale légèrement moins forte du poinçon. Le pied de poinçon de section carrée est large de 24 cm avant de passer à 17 cm en section octogonale et de 16,5 cm en section carrée à la rencontre du faîtage. Chose étonnante, les arbalétriers des trois fermes ne sont pas chevillés au poinçon. Pourtant, les trous des mortaises et des tenons ont bien été effectués. L’absence des chevilles permet alors d’observer que ces pièces étaient destinées à un chevillage à la tire puisque le perçage du tenon est légèrement excentré par rapport au perçage de la mortaise.Comme presque toujours, les pièces de bois formant l’intrados sont équarries puis sciées de long. Les marques d’équarrissages ne sont perceptibles qu’au toucher ou à l’aide d’une lumière très rasante. Le sciage s’observe plus facilement mais reste tout de même de très bonne facture. Les dents de la scie ne devaient être que légèrement avoyées. L’unique sens d’inclinaison des marques de scie indiquent que les bois n’ont pas été retournés lors du sciage. Tous les bois sciés sont employés symétriquement dans les fermes. En effet, le fil du bois, l’aubier, les traces d’outils et les départs de branches sont similaires des deux côtés des fermes. Etonnamment, peu de pièces de la charpente sont pourvues d’aubier, les bois en ont été débarrassés au maximum lors de l’équarrissage. Bien souvent, ce sont principalement sur les larges décors en pied de poinçon et pièces courbes que l’on en retrouve comme ici sur la bague renflée et les faux-entraits cintrés. Les arêtes des faces inférieures des bois formant l’intrados sont finement chanfreinées dans un but d’éliminer un peu d’aubier des arêtes vives et pour une raison esthétique ou vraie dire visuelle.L’extrémité sud de l’entrait de la ferme n°2 est sciée à droit alors que l’autre côté est bûché à la hache ou à l’herminette de biais selon la pente du toit. Le côté scié est vraisemblablement réalisé au sol avant le levage.

A cause de la visibilité réduite entre les coyaux et les chevrons du fait d’une isolation en bâche plastique, il est impossible d’affirmer si le côté en biais est réalisé au sol ou une fois la charpente en place. Le marquage des bois permettant de situer les demi-fermes dans l’espace est réalisé à la rainette alors que celui permettant de numéroter les fermes en partie haute entre les poinçons et le faîtage est fait à la pointe à tracer.En sondant le fond des mortaises des entraits, on observe qu’elles sont creusées sur 12 cm de profondeur soit exactement la moitié de l’épaisseur du tirant. La jambe de force sud de la ferme n°2 présente sur une de ses arêtes 31 entailles faites possiblement au couteau. Ces entailles irrégulières ne découlent pas du sciage de la pièce mais sont clairement intentionnelles. Les charpentiers ont percé les poinçons dans sa partie octogonale dans le sens du faîtage à 5 reprises de manière alternée. Ces percements borgnes de 6 à 7 cm de profondeur servent à recevoir un échelon permettant de transformer le poinçon en échelle de perroquet et ainsi monter aisément au faîtage lors du levage. Ces échelons sont arasés à la fin du chantier, seul un dépasse encore. Ils sont réalisés de la même manière que les chevilles à l’exception de l’extrémité réservée au trou du poinçon qui est à peine épointée. L’extrémité de l’échelon le mieux conservé est quand à elle faite dans un bois refendu, entaillé à la hache sur deux faces puis brisé. Ces percements ont été faits à l’aide d’une tarière à cuillère à bout arrondi.

  • Catégories
    charpente
  • Matériaux
    • chêne
  • État de conservation
    • altération biologique de la matière
    • bon état
    • bonnes conditions de conservation
  • Statut de la propriété
    propriété privée, A l'instar de l'ancienne chapelle priorale de Rallion en La Bouëxière, l'édifice a également perdu son caractère sacré et est transformé en grange.
  • Intérêt de l'œuvre
    À signaler

La charpente armoricaine est dans un remarquable état de conservation.

Bibliographie

  • "Le Département d'Ille-et-Vilaine, histoire, archéologie, monuments" / Paul Banéat, Rennes : Librairie Moderne J. Larcher, 1927-1929. Tome 4.

  • OLIVIER Corentin, Les charpentes armoricaines : inventaire, caractéristiques et mise en œuvre d’un type de charpente méconnu, Mémoire de master 2, Université Rennes 2, sous la direction de LAFFONT Pierre-Yves et BERNARD Vincent, 2013-2014, 410 p.

    Unité Mixte de Recherches 6565 du CNRS
  • GUILLOTIN DE CORSON, abbé. Pouillé historique de l'archevêché de Rennes. Rennes : Fougeray, Paris : René Haton, 1884.

Date(s) d'enquête : 2014; Date(s) de rédaction : 2014
Édifice

Chapelle, Saint Mauron (Livré-sur-Changeon)

Commune : Livré-sur-Changeon
Lieu-dit : Saint Mauron