L'anse ou rade de l'île Milliau : la naissance d'un port :
Cette île, ainsi que sa voisine Molène, a depuis longtemps retenu l'attention. Accessible à marée basse, elle était déjà exploitée au 18e siècle. Les documents préparatoires à la visite de Colbert de Croissy, en faisaient mention, mais insistaient surtout sur son rôle de havre : le dit havre situé à l'embouchure de la rivière du Leguer. Cette rade est défendüe par l'île Milliau et par la péninsule ou pointe Castel Trouzoul, et par la coste de Trébeurden depuis le Sud-sud-est jusqu'au Nord-nord est par le Sud. Le havre de Milliau à deux entrées, l'une entrée en rocher appellé Bec Mellen ou roche jaune joignant une pointe de ladicte isle de Molène. Une autre entrée au rocher appellé Roc'h Derien demeuré à Basbord (...) On dict que ledict havre n'est qu'un port de relache, on n'y faict aucune décharge de lest des navires non plus que d'aucune marchandises. Sources : Arch. Mar. Vincennes, SH 48, f°452.
Colbert de Croissy notait quant à lui que l'île git à une lieue de l'embouchure de la rivière de Lanyon du costé d'est et à la teste d'une grande baye qui asseiche jusqu'à huit brasses près ledit isle, dans lequel espace il reste de basse mer six à sept brasses d'eaüe, ce qui pourrait servir de retraite à de petits navires s'il n'estoit pas tant battu d'amont, & pour l'empescher il faut fermer deux passes par les jettées dans des fonds de huict à dix brasses d'eau de mer basse, ce qui serait trop grande despence pour le peu d'utilité n'y aiant point d'espace ny rade au-dehors, le fond estant plein de roches qui sont semés de si près après qu'elles ne laissent place pour le louviage d'un vaisseau. Remarque : le mot "louviage" signifie louvoyage, pour dire d'un navire qu'il louvoie, c'est-à-dire qu'il tire des bords pour avancer contre le vent ou le courant de face.
Sources : Kerhervé, Roudaut, Tanguy, "La Bretagne en 1665 d'après le rapport de Colbert de Croissy", Brest, C.R.B.C., 1978, p.144. nous avons choisi ici la version du manuscrit de Brest.
En 1704, Châteaurenault décrivait ce mouillage au nord-est de l'entrée de la rivière de Lanyon. Envion un quart de lieüe de la terre, formée par les isles vulgairement nommées milio et molene (...) lesquelles isles donnent un bon abry, la première estant haute et large (...) . Sources : Arch. Génie 4-2-3-1
Cinquante année plus tard, cette rade était évoquée par Robien : pour la rade de Milio, elle conserve dix brasses, en basse marée, et tous vaisseaux y peuvent être à flot. Elle est couverte de l'île de Milio et de plusieurs roches qui rendent son accès difficile ; elle a partout bon ancrage. Remarquons qu'il n'y a aucun mouillage signalé pour Molène.
L'isle de Millio a une bonne lieüe de tour, elle est haute et escarpée ; il y demeure un métayer qui y laboure la terre qu'il tient à ferme des Religieux de Bégard : au N. de la ditte isle il y a un très bon mouillage où les navires /f°152/ sont en toute sureté. Sources : Arch. nat. Mar, D222, f°151-152 et Arch. Art. 3a 19, f°176
En 1832, Habasque (p. 57) signale seulement un mouillage couvert par l'île de Miliau ou Mihau . Une trentaine d'années plus tard, il est projeté d'y construire un port. Milliau est ainsi présentée : la mer étant presque toujours tourmentée dans la Manche, la navigation y est constamment périlleuse, surtout à cause des courants violents qui sillonnent ces parages. Il est donc de toute nécessité d'y créer des ports partout ou cela est possible. Mais cette possibilité n'existe malheureusement que sur un petit nombre de points de la côte de France, parce que l'effet des marrées y est très-considérable. A Saint-Malo, il y a jusques à 15 m. de différence entre les niveaux de la haute et de la basse mer aux équinoxes, aux environs de Lannion cela va à 12. Il faut donc utiliser, avec le plus grand soin, les rares facilités offertes par la nature.
De plus sur la côte bretonne entre Saint-Malo et Morlaix, on ne rencontre d'abri méritant le nom de port qu'à Bréhat et à Perros, et ces ports ne sont abordables, de gros temps, qu'après une heure ou deux dans le flot pour les nevires d'un tirant d'eau de 2 à 3 m. seulement. C'est donc une étendue de côtes déjà trop grande ou des bâtiments peuvent actuellement être affalés sans moyen de salut possible dans des cas nombreux.
L'anse de Milliau est donc particulièrement bien placée, puisqu'il existe sur ce parcours, à l'extrémité sud de l'archipel de l'isle Grande, une anse dite de Milio, ou la nature a déjà tant fait que la main de l'homme aurait à peine à ajouter pour compléter l'oeuvre. A la marée basse, cette anse est abritée par des chapines de rochers qui s'étendent d'un îlot à l'autre, et l'accès en est toujours facile parce que la profondeur de l'eau reste très grande dans les passes.
Alors donc que l'entrée est impossible à Bréhat ainsi qu'à Perros, un excellent refuge s'offre sur la rade de Milio. mais la sûreté de ce refuge va diminuant graduellement à mesure que le niveau de la mer s'élevant, les roches se couvrent successivement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus hors de l'eau que des îlots entre lesquels la lame du large passe en partie.
Il suffit donc, pour que l'anse de Milio devînt un véritable abri à toute heure de marée, il faudrait que le fond en fût endigué, afin que, derrière cette digue, navires et embarcations trouvassent protection contre les effets de la tempête.
Les seuls vents redoutables dans l'anse de Milio étant ceux du O.N.O eu N.N.O, c'est contre ces vents que les travaux devraient être exécutés. Et au fond de l'anse, dite Port de Trozoul, se trouve une chaîne de roches dont la principale, qui ne couvre pas est appelée terrien par les gens du pays. Sources : AD 22 S Suppl. 168, Trébeurden, 24-04-1864, "Note sur un projet de port dans l'anse de Milio, commune de Trébeurden, près de Lannion, département des Côtes-du-Nord, par J. Feillet, capitaine de Frégate en retraite et en mission sur la côte sous les auspices de son excellence le ministre de la Marine".