Descriptif de l'habitat d'une famille de marin-pêcheur par Jean-Baptiste Lemoine
Sources orales : Jean-Baptiste Lemoine, 1994. Extrait du texte transcrit ce témoignage oral, publié dans la revue communale en 1994.
Jean-Baptiste Lemoine est né en 1901, rue de la Noé à Saint-Jacut. A l'âge de six ans, ses parents s'installent dans le quartier des "Ecluses", au lieu dit 'les Courtipeaux', dans une maison neuve construite par la famille Blanchet.
Cette maison, petite mais très confortable pour l'époque, était composée d'une grande pièce dans 'l'embas', d'un grand grenier au-dessus et d'une étable. Le reste de l'étable servait de débarras pour la remise des outils de jardin et de pêche. Les lapins étaient dans un coffre breton, appelé la 'mê' en gallo. Derrière l'étable se situait la cabane à 'boëtte' (appât). Dans la cour, les voisins utilisaient le même puits. La 'place' n'était pas en terre battue mais elle était revêtue d'un beau ciment lissé, rare à l'époque. Elle était joliment meublée de trois lits de coin en merisier, garnis de beaux rideaux blancs, frangés de dentelle, garnis d'une paillasse en balle de blé, d'une couette en plumes d'oie, d'un édredon en duvet. Une armoire en bois de cerisier, ainsi qu'une table de toilette, avec sa cuvette, son broc en dessous et sa glace en bambou des tropiques au-dessus, formaient un bel ensemble. Une grande table de milieu, à l'ancienne, cirée, avec son banc de chaque côté, complétait le tout. Elle était garnie de deux 'caissons' sur le devant, un pour le pain, l'autre pour les couverts. Le garde-manger était accroché au mur, derrière l'escalier pour l'hiver et derrière la maison, au frais, à l'abri du soleil, en été. Derrière l'armoire, il y avait deux seaux à eau : un pour la cuisine, l'autre pour la toilette, avec une louche dans l'un. Une petite table isolée, pour les besoins personnels de ma mère et de mes soeurs, était placée sous l'escalier, ainsi que le charnier à lard du cochon, à côté de celui à maquereaux et à raies. Au plafond était suspendu le panier à saucisses fumées, posées sur un lit de paille, et, dans un coin, une autre petite table servait à la vaisselle.
A la fenêtre pendaient le calendrier des marées du "Capitaine Pérette" de Saint-Briac, ainsi que celui des Postes. Au mur, le rouet pour les lignes en crin de cheval, noir ou blanc, pour la pêche au maquereau, au lieu et les lignes huilées à turlutte des Terre-neuvas. On montait au grenier par un bel escalier de chêne soigneusement ciré. Dans ce grenier, on y mettait les fagots et du gros bois de même essence, "dérompu" par mon père aux "journées d'anortie" ou par Pierre Dansi, journalier terreneuvas. La provision de pommes de terre était ramassée dans un "jour" de terre à 'Conin' et mise à l'abri dans un coin du grenier. Les lignes de pêche, dites "cordes" étaient pendues sur de gros clous dans la charpente, ainsi que les paniers neufs. Le linge sale, en attendant la "buée", était étendue à sécher sur le plancher et un trou dans le plancher avait été fait pour y pendre le cochon, au 'pantoué' (à une échelle). La maison comme toutes celles de Saint-Jacut, était tournée 'cap au Sud' en plein soleil. Mon père 'Petit Jean' était patron pêcheur.