Dossier d’œuvre architecture IA22132868 | Réalisé par
Lécuillier Guillaume (Contributeur)
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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  • inventaire topographique, Lannion-Trégor Communauté
Hôtel dit "Maison de Jean V", 22 rue Colvestre (Tréguier)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Schéma de cohérence territoriale du Trégor - Tréguier
  • Commune Tréguier
  • Adresse 22 rue Colvestre
  • Dénominations
    hôtel
  • Destinations
    maison, logement, boutique

Située au 22 rue Colvestre, la "Maison dite du duc Jean V" est datable du début du 15e siècle par analyse stylistique : elle peut être logiquement considérée comme la maison la plus ancienne de la ville de Tréguier1. Elle a été étudiée dans les années 1990 par Daniel Leloup2 qui en a réalisé des relevés puis par Nicole Chouteau à travers les archives3. Son origine reste cependant mal connue4 : s’agit-il d’une maison canoniale, prébendale, voire d’une résidence ducale ?

Si une analyse dendrochronologique pourrait venir confirmer la datation proposée, elle ne nous indiquera malheureusement pas si cette maison fut réellement celle du duc Jean V (selon Nicole Chouteau, cette appellation est postérieure à l’Ancien Régime). En tout état de cause, ce luxueux hôtel urbain témoigne du rang important de son commanditaire. Il a été inscrit au titre des Monuments historiques en 1926.

1Propriété privée, cette demeure a fait l’objet d’une visite exceptionnelle lors du congrès de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne en septembre 2017.2Leloup, Daniel, "La maison de Jean V : l’énigme d’un hôtel de Tréguier", Ar Men, n° 57, février 1994, p. 42-51 ; Id., La maison urbaine en Trégor aux 15e et 16e siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1996, 226 p., ici p. 56-58.3Chouteau, Nicole. "La maison du Duc Jean V de Tréguier vue à travers les archives de l’Evêché", Trégor mémoire vivante, n° 7, 1994 (article aimablement communiqué par Patrick Toularastel, actuel propriétaire de la "maison dite du Duc Jean V").4Cette demeure pourrait être avoir été confondue avec le manoir urbain situé au numéro 10 rue Colvestre. En effet, un blason de la famille de Kergnec'h figure sur un linteau de fenêtre.

Cette maison noble associant pierre de taille et un étage supérieur en pan de bois est vraisemblablement datable du début du 15e siècle. Elle jouissait à la fois d’un panorama sur la ville, sur le porche ouest de la cathédrale et sur l’embouchure de la rivière de Tréguier. Le pan de bois du deuxième étage pourrait avoir été détruit lors d'un épisode des guerres de la Ligue en Bretagne (1588-1598) et remplacé dès la fin du 16e siècle ou au début du 17e siècle par l'appareillage en moellon percé de deux fenêtres rectangulaires encore visible aujourd'hui.

Mentionnée en 1612 dans un aveu rendu par Henry de Kergrec’h (alias Kerguerc’h, seigneur du Verger à Trédarzec et de Kericuff sur le territoire de Pommerit-Jaudy), membre de la noblesse la plus influente de la ville, elle est décrite comme "maison noble appelée la grande maison noble de Kericuf, tenue à ferme par Jullien Robin […] Ladite maison avec cours, jardins, écuries et autres logis en dépendant, joignant d’un endroit à la rue Colvestre, d’autre à la rue de Plouguiel". Henry de Kergrec’h est cité comme "prévôt" de Tréguier en 1593.

Selon Nicole Chouteau, plusieurs peintres ou artistes portant le nom de "Robin" sont mentionnés dans les registres du conseil de Fabrique de l’église-cathédrale de Tréguier aux 17e et 18e siècles. L’organisation de cette maison aurait pu en effet se prêter assez bien à l’atelier d’un orfèvre ou d'un bijoutier dont la boutique se devait d'être visible de tous mais en restant toujours sous la protection d’un garde pour des raisons de sécurité (surveillance assurée via le juda situé en surplomb du rez-de-chaussée).

Lors de la succession de Henry de Kergnec'h en 1651, la demeure est décrite ainsi : "consiste en une maison, cour close, porte cochère en icelle, jardin, chambres hautes et basses, écuries et une petite chapelle [située effectivement au deuxième étage], volière, fuie et retraite à pigeons, étant sur le vis et degré de pierre de taille pour servir les chambres et greniers, autre petite maison et cellier de jouxte".

Au 18e siècle (1769), la maison appartient à François Garjan demeurant à Lamballe qui la tenait de son père Isaac Toussaint Garjan. Qualifié de chevalier, François Garjan est seigneur de Kerverzault (alias Kerversault), de Bazere, de la Villeneuve. La petite maison de jouxte citée en 1651 pourrait être identifiée à l’actuel maison située au numéro 20 rue Colvestre.

Pour Nicole Chouteau, l’appellation de "maison du duc Jean V" est vraisemblablement postérieure à l'Ancien régime. Selon les états de section du cadastre, la demeure et son jardin (parcelle n° 250 et 251) appartiennent en 1835 à Firmin Cadiau demeurant à Tréguier (s’agit-il de Louis Ange Firmin Cadiau ?). Émile Le Taillandier (avocat, juge suppléant puis maire de Lannion de 1876 à 1888) est propriétaire de la maison en 1877 ainsi que de la maison voisine à pan de bois située au numéro 20.

En raison de son intérêt patrimonial, cette demeure - véritable hôtel urbain - a été inscrite au titre des Monuments historiques le 17 décembre 1926.

  • Période(s)
    • Principale : 1er quart 15e siècle , daté par travaux historiques
    • Secondaire : 4e quart 16e siècle, 17e siècle, 4e quart 2e siècle

Côté rue, cette demeure se distingue par son appareillage en pierre de taille de granite gris et ses ouvertures gothiques finement moulurées (au rez-de-chaussée : arcades ou baies à mouchettes flamboyantes ; au premier étage : deux fenêtres à meneaux et traverses dont il subsiste encore des traces). Les arcades en arc brisé ne pouvaient être fermées que par des volets intérieurs. Au-dessus de la porte en arc brisé se trouve une niche destinée à recevoir les armoiries.

A l’origine, cette maison disposait, côté rue, au deuxième étage, d’un niveau en pan de bois faisant galerie en encorbellement sur la rue dont les aisseliers reposaient sur les douze culots qui rythment la corniche en granite. Une reconstitution du bâtiment avec ses dispositions originelles en a été proposée par Daniel Leloup. Ce niveau en pan de bois a ensuite été remplacé par une maçonnerie de moellon : ce changement de parti a également entrainé une modification du plan de la couverture.

La maison se distingue par un plan tripartite : au rez-de-chaussée, sur la rue, une pièce de service (?), côté cour et jardin, l’office et la cuisine, au centre, la cage d’escalier donnant accès sur le cellier et via un couloir à la cour. L’escalier en vis (principalement en granite mais quelques marches sont en bois) – d’un diamètre de 3,15 mètres – dessert les deux étages de l’habitation. L’espace central comporte cinq niveaux dont deux en entresol : cellier, salle de garde (?), roberie, rangement (?) et chapelle.

Au premier étage, dans la pièce côté jardin subsiste une cheminée intégrée dans le mur et un potager aménagé face à la fenêtre ouest.

Le deuxième étage abrite l’élément le plus remarquable de cette demeure : une chapelle privée dotée d’une niche-crédence (pour les burettes et autres objets nécessaires au culte) et deux hagioscopes donnant l’un, côté rue, dans une salle haute sous charpente autrefois dotée d’une galerie en encorbellement, l’autre, dans une chambre - située côté jardin, disposition unique en Bretagne dans une maison urbaine. De part et d’autre de la baie à vitrail (malheureusement disparu) se trouve une console sculptée pour une statue. Du grec "saint" et "voir", littéralement "voir le saint", l’hagioscope permettait de suivre la célébration avec une vue directe sur l’autel. Les chapelles les plus connues sont celles des châteaux de La Roche-Jagu, Tonquédec et Suscinio. Par souci de confort et d’intimité, il se peut que les espaces aient été divisés à l’origine par des cloisons. On imagine très bien dans cet espace un banc avec accoudoir...

La tour d’escalier était primitivement surmontée d’une pièce haute (et d’un pigeonnier selon les archives) accessible par une tourelle d’escalier secondaire dont subsistent quelques traces ténues. L’étage actuel de comble conserve les vestiges d’une charpente armoricaine avec une ferme en place ayant conservée son hourdi (remplissage) de terre. A l’origine, cette charpente lambrissée délimitait un seul et même grand volume avec la grande pièce du deuxième étage située côté rue.

  • Murs
    • granite pierre de taille
    • granite moellon
    • bois pan de bois
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    2 étages carrés, étage de comble
  • Couvertures
    • toit à longs pans croupe
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier en vis en maçonnerie
  • État de conservation
    bon état
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée
  • Protections
    inscrit MH, 1926/12/17
  • Référence MH

Bibliographie

  • LELOUP, Daniel. La maison urbaine en Trégor aux 15e et 16e siècles. Rennes, Presses universitaires de Rennes, collection "Art et Société", 1996, 226 p.

Périodiques

  • LELOUP, Daniel. "La maison de Jean V : l’énigme d’un hôtel de Tréguier". Ar Men, février 1994, n° 57, p. 42-51.

  • CHOUTEAU, Nicole. "La maison du Duc Jean V de Tréguier vue à travers les archives de l’Évêché". Trégor mémoire vivante, n° 7, 1994 (version dactylographiée aimablement communiqué par Patrick Toularastel).

Annexes

  • La maison du Duc Jean V à Tréguier vue à travers les archives de l'évêché (Nicole Chouteau, 6 novembre 1994)
Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2019
(c) Région Bretagne
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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