L’inventaire après décès de Guillaume François Glais témoigne de l’usage des différents espaces de la maison, des dépendances et du statut social du marchand. Dans plusieurs chambres, qui se trouvent au premier étage du logis, sont recensés des livres : « six volumes des œuvres de Molière, un livre intitulé La vie du Saint, un livre intitulé La vie rustique ». La salle principale, qui se situe au rez-de-chaussée de la maison, conserve des lambris de hauteur, aménagements rarement conservés à Saint-Thélo. La pièce est décorée de « trois portraits de famille à grand cadre doré avec leurs rideaux, et une grande glace avec son cadre en glace et boissure dorée ». L’Abbaye produit également du cidre : « dans le pressoir à cidre, un pressoir à cidre avec ses ustensiles, un moulin à pomme et six cuves ». En face, la pilerie contient « une armoire à deux ouvertures, une couchette, une couette de balles », ce qui démontre la présence d’un domestique pour surveiller la précieuse marchandise. Différents objets liés à l’apprêt des toiles sont inventoriés : « deux tables pour carrier, un mauvais pressoir à toile, un autre pressoir à toile, des calles, des pilloirs à carré, des mâts de buis ». « La chambre des toiles », probablement située à l’étage de la maison, semble être une pièce de stockage puisqu’on y trouve « huit balles de toile Bretagne petite laize blanche non accommodées, chaque balle composée de cinq cent aulnes estimés 46 sols l’aulne à 9 275 livres ».

L’Abbaye sert de cadre à Châteaupauvre, roman de Paul Féval publié en 1876, dont l’action se déroule à l’automne 1849. L’auteur met en scène des paysans avec leurs valeurs, leurs croyances et leur parler gallo, et offre un précieux témoignage sur la période qui suit le déclin de la production et du commerce des toiles de lin. A la recherche de pittoresque, il y décrit la maison en prenant quelques libertés avec la réalité, notamment pour la façade : « un vieil écusson frustre, dont il m’était impossible de distinguer les pièces ni les émaux - et puis une lucarne de grenier, toute chargée de sculptures, qui jurait avec ce qui l’entourait - et puis un crucifix de toute beauté, sculpté en plein granit au-dessus d’une vilaine petite porte, odieusement surbaissée. » L’auteur poursuit sa description et évoque une façade enduite à la chaux : « Et je me repris à regarder la maison toute quadrillée de blanc sur noir ». Puis il pénètre dans la maison et rencontre la domestique, Mêto, qui file le lin sur un rouet au coin de la cheminée. La cuisine est décrite avec « une dalle ou pierre d’évier […] aurait pu servir de piscine, tant elle était large et profonde. L’ameublement était complété par un fût à cidre couché sur son échafaud et un métier de tisserand avec sa haute escabelle ». La grande pierre d’évier est toujours en place sous une des fenêtres. La présence d’un rouet, d’un métier à tisser et d’une barrique met en lumière l’histoire toilière du lieu et sa production de cidre, déjà attestées dans l’inventaire après décès de 1788.

Une borne de corvées (ou borne royale) a été retrouvée dans la cour arrière de l’Abbaye, sur laquelle on peut y lire « TACHE DE LA PAR DE MERLEAC 2080 TOISES ». Au 18e siècle, la corvée royale imposait essentiellement aux paysans de travailler plusieurs semaines gratuitement à l’entretien ou à la construction de route. Dans le cas présent, les habitants de Merléac, commune voisine de Saint-Thélo, ont mesuré en toises la distance de route qu’ils ont construite ou entretenue.