Le moulin de Guern ar C'Hoadic borde la Mignonne. Il est situé dans la trève de Trévarn (actuellement en Saint-Urbain) et comporte trois moulins à eau : un moulin à foulon et deux moulins à farine, la première activité étant la plus importante.

Activités du moulin à foulon

L'un de ses moulins est utilisé pour travailler la "berlinge", étoffe faite de lin et de laine produite dans les paroisses de Irvillac et Plougastel-Daoulas. Les communautés religieuses d'un large territoire (nord Finistère) constituent sa principale clientèle.

Ainsi, en 1796, François Jan locataire du moulin de Guern ar C'Hoadic, suite à la suppression de la banalité de moulin en 1790, demande à ce que son loyer soit réduit. Dans un acte du 7 pluviôse an IV1 (27 janvier 1796), les experts nommés pour donner un avis font les remarques suivantes : « …nous susdits experts délibérant sur l’estimation des usines considérées comme manufactures libres et dégagées de toute contrainte ou servitude (…) Considérant que par rapport à sa machine à fouler, il pouvait contraindre tous les vassaux du cy-devant Laval Montmorency, lesquels vassaux se partagent aujourd’hui entre les fouleries du Bois du Gars et d’Irvillac ; Considérant que la suppression des maisons religieuses lui a causé un préjudice notoire puisque la plupart des communautés de filles du pays même celles de S(ain)t Pol de Léon venaient à Guern a hoedic faire fouler leurs habillemens, branche la plus importante de son industrie (…) Sommes d’avis que la faculté de moudre, la quantité des eaux et le fond sous les chaussées indépendamment des machines et superfices qui appartiennent au domanier soient estimés par rapport à la foulerie une somme annuelle de trente livres. Et par rapport aux trois tournans à bled parmi lesquelles l’un d’entre eux, celui du petit moulin est devenu pour ainsi dire inutile, une somme de soixante-dix livres. »

Le moulin à foulon de Guern ar C'Hoadic détenait le également le marché de Plougastel. Dans un acte de 17722, il est fait état de cette situation. François Prigent meunier des moulins à bled et à fouler drap de Guernanhoadic établit une transaction avec Jean Vigouroux ménager demeurant au lieu de Kervenal en Plougastel suite aux événements suivants : « ...François Prigent auroit le jour d’hier douze du présent mois (novembre 1772) saisy devant thémoins deux chevaux apartenants au dit Jean Vigouroux sur lesquels il y avoit soixente aulnes de berlinge partie blanc et partie noir qu’il avoit frauduleusement fait fouler au moulin à fouler drap de Tronveoc10 en la parroisse d’Hanvec puisque les habitans de la parroisse de Plougastel sans exception sont sujets et obligés de faire fouler le berlinge ou drap qu’ils fabriqueront dans le moulin du dit François Prigent fermier du dit moulin du Plessix et auroit mis en dépôt chez René Grall hôte débitant vin au bourg parroissial d’Yrvillac les dits chevaux et les dits soixente aulnes de berlinge… » Jean Vigouroux reconnaît les faits et moyennant 90 livres, il peut récupérer ses chevaux et leur marchandise.

Origine, description et histoire du moulin

Le 28 juin 1779, Alain Goulard résidant à Hanvec fait réaliser l’état du moulin3, suite au bail qu’il a obtenu du propriétaire l’année précédente. La description des « moulins de Guernarhoadic tant à grains qu’à fouler des étoffes, avec les maisons, logemens et terres qui en dépendent, le tout situé en la trève de Trévarn parroisse de Dirinon » est la suivante : « Au dit terroir de Guernahoadic, trève de Trevarn, parroisse de Dirinon, deux maisons couvertes d’ardoises séparées par un pignon dans lequel il y a une cheminée servant à la maison du levant appellée la maison du moulin, ayant les dites maisons chacune une porte au midi, celle du levant ayant aussi deux fenestres au midi et celle du couchant une fenêtre au même côté, contenant ensemble quarante quatre pieds de long ou de face sur dix-huit pieds de large et donnant au midi sur l’issue, au couchant sur le chemin, au nort sur un vaux ou issue qui les sépare de la crèche ci-après et au levant sur le moulin à foulon dont il sera parlé aussi ci-après ; dans l’une desquelles maisons à savoir celle du levant est le moulin à bled avec ses tournants, moulants, roues et ustenciles. Un moulin à fouler des draps placé au coin du nort du pignon oriental de la maison du moulin à bled, lequel moulin à fouler est couvert d’un apenty sur pilliers en gleds et genêts. L’étang et byais en l’endroit des dits moulins à bled et à fouler. » Ce moulin est environné d’une crèche couverte de gleds au nord des deux maisons, d’une soue à cochon près de cette crèche, d’une maison couverte d’ardoises avec grenier au sud des deux premières, d’une grange couverte de gleds face à la maison du moulin. Dépendent du moulin un pré nommé Foennec ar Milin de 80 cordes, un petit courtil nommé Ar Verger où se trouve un four à pain et mesurant 30 cordes, un jardin de 4 cordes, deux garennes nommées Goarem ar Poul et Goarem ar Hoat de 200 cordes et de 6 journaux. Un peu à l’écart se trouve « …une maison à moulin au dit terroir de Guernahoadic, couverte d’ardoises avec un moulin à bled en icelle, tournants, moulants, biays, étang, issues et franchises, ayant la dite maison vingt-cinq pieds de long sur seize de large, un jardin et un terrain marécageux en partie sous bois taillis, au nord du moulin, le tout cerné de toutes des terres dépendantes de la ferme de Pierre Madec. »

Le moulin ainsi décrit est loué 260 L par an par contrat en 1731, 348 L en 1768 et en 1772 et 330 L en 1778.

Nous ignorons la date de la construction du moulin de Guern ar C'Hoadic et si dès l’origine le foulage des draps et la mouture des farines y sont pratiqués. Les registres de la trève de Trévarn nous en donnent la première mention. En 1671, y nait Nonne Gourves la fille de Olivier et Marie Sanquer. Ce couple occupe le moulin de façon certaine jusqu’en 1674 et peut-être plus tard. Leur succèdent Mathias Kermarec et Hélène Perres de 1682 à 1706.

Le 26 mai 1726, Nicolas Denniel épouse Anne Galeron veuve de Michel Callec qui réside au moulin de Guern ar C'Hoadic. Il y demeure jusqu’à sa mort en 1766. Outre ses activités de meunier farinier et foulonnier, il travaille sur l’exploitation agricole qui y est associée.

Son fils Jean lui succède brièvement. Dès 1772, le moulin est reloué à François Prigent et sa femme Marie Helias. Ils viennent du moulin à grain du Guern ou Launay à La Martyre. Ils ont obtenu un bail de 9 ans. Mais ils acceptent de manière amiable de quitter le moulin au bout de 7 ans au profit de Alain Goulard et sa femme Anne Cozou. Ces derniers ont conclu un nouveau bail avec le propriétaire en 1778. Ce dernier devait débuter en 1781. À la Saint Michel (29 septembre) 1779, ils s’installent à Guern ar C'Hoadic en provenance de Troéoc à Hanvec. Ils y exploitaient alors le moulin à foulon du Bas du Bois du Gars.

Alain Goulard décède en 1782. Anne Cozou poursuit l’exploitation du moulin de Guern ar C'Hoadic avec sa fille Françoise et son gendre François Jan issu d’une famille de meuniers. Le 6 floréal an VI (25 avril 1798), François Jan achète le moulin devenu bien national suite à l’émigration de son propriétaire monsieur de Laval Montmorency, pour 20 100 francs.

Texte de Didier Kerdoncuff extrait de "Moulins à foulon du Pays de Landerneau Daoulas", dans Les Cahiers de Dourdon n°6.