• inventaire topographique, Rennes
Maison d'architecte, dite Ty Nevez Croguen, dite aussi maison de la Coquille, 5 rue Général-Maurice-Guillaudot (Rennes)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Rennes ville - Rennes ville
  • Commune Rennes
  • Adresse 5 rue Général-Maurice-Guillaudot
  • Cadastre 1980 BE 330
  • Dénominations
    maison
  • Parties constituantes non étudiées
    jardin

Situation et composition générale :

Hôtel particulier construit entre mitoyens sur une modeste parcelle irrégulière de forme losangée alignée sur la rue du Général Maurice Guillaudot, autrefois rue de Fougères. La façade arrière ouvre sur un petit jardin du côté du conservatoire de musique ; il renferme un corps de bâtiment ancien et indépendant agrandi par l'architecte et relié au nouveau bâtiment au niveau du sous-sol

Distribution :

L'hôtel, composé d'un rez-de-chaussée surélevé sur caves, d'un étage carré, d'un étage mansardé et d'un grenier, suit le plan irrégulier de la parcelle. L'entrée de forme semi-circulaire, traitée à la manière d'un palier, permet l'accès au-delà de 5 marches au rez-de-chaussée, et en descendant une autre volée de marches, au sous-sol. Le niveau principal du bâtiment est distribué à partir de la cage d'escalier centrale et d'un petit dégagement ouvrant sur le salon côté rue, sur la salle-à-manger et la cuisine à l'arrière. Un sas, situé entre ces deux pièces donne sur un escalier permettant la descente vers le jardin ; il est placé dans l'angle arrondi d'une avancée de la façade du côté de la cuisine.

La distribution des étages, identique à chaque niveau, est assurée à partir du palier : du côté de la rue, une vaste pièce et un cabinet placé au-dessus de l'entrée, vers l'arrière, un modeste couloir ouvre de part et d'autre sur une chambre.

L'intelligence du plan réside notamment dans le rachat des angles aigus des pièces de droite par l'aménagement de placards ou de cabinets de toilette masqués derrière la régularité de pans coupés, le pan central étant occupé par une cheminée. Malgré sa complexité, perceptible en particulier dans les formes ovale ou ronde des cages d'escalier, ce plan offre une distribution claire dictée par le souci du confort et de l'intimité, loin de toute volonté ostentatoire.

Élévation :

Au-dessus de fondations en schiste de Pont-Réan, la façade principale, considérée comme étant "l'une des façades les plus travaillées de Rennes", est construite en pierre calcaire soigneusement appareillée. A une modénature raffinée où les niveaux sont marqués par des bandeaux horizontaux moulurés et la travée centrale par la superposition de pilastres ordonnancés jumelés, s'ajoute un décor architectural et sculpté tout inspiré de celui de la Renaissance ligérienne. Au-delà d'une apparente symétrie dictée par l'imposante travée médiane régulière, les travées latérales s'équilibrent : à gauche, l'entrée placée au niveau de la rue sous une arcature en plein cintre est surmontée de l'inscription bretonne "Ty nevez croguen" donnant son nom à l'édifice, d'une table supportant deux vases en demi-relief et encadrant une ouverture rectangulaire coiffée d'un fronton cintré. A droite, une baie rectangulaire placée au-dessus d'un soupirail est surmontée d'un fronton brisé. Cette disposition permet de racheter habillement, au niveau du soubassement, la forte pente de la rue, la symétrie des percements étant rétablie dans les parties hautes. De petites baies rectangulaires et lucarnes viennent encadrer la partie centrale de l'édifice sur laquelle le décor se concentre aux niveaux supérieurs : entre les pilastres jumelés du premier étage deux tablettes de marbre rouge semblent être retenues par les mains de deux personnages, un homme et une femme, dont les têtes sculptées surgissent de la frise de l'entablement tandis que la fenêtre centrale est surmontée d'une sorte de sarcophage à l'antique, motif que l'on retrouve sur les fenêtres latérales et dans le décor intérieur. Au-dessus de l'entablement et d'un attique interrompu par une balustrade, une lucarne monumentale fortement architecturée s'ouvre dans le comble presque vertical du toit. Une large baie en plein cintre encadrée de pilastres y est surmontée d'un fronton renfermant une coquille sculptée et la signature de l'architecte, l'ensemble étant couronné de pots à feu et d'un édicule percé d'une niche.

Cette façade, caractérisée par le raffinement de son dessin, témoigne de la culture architecturale mais aussi de l'enthousiasme d'un jeune architecte sortant de l'école des Beaux-Arts et cherchant à établir sa réputation. Jouant le rôle d'un écran, elle masque l'irrégularité du plan, les baies de la travée droite n'éclairent en fait que les petits placards et cabinets masqués aux angles des pièces. La lecture de l'avant-projet de façade où la travée principale, décalée sur la gauche et formant pignon, engendrait une composition tripartite ne laisse pas supposer des dispositions intérieures projetées mais établit un lien avec les oeuvres futures de l'architecte.

Sur le jardin, la façade est construite en moellons de Pont-Réan, les encadrements de baies, l'angle arrondi du corps en saillie, les allèges, sont appareillées en briques rouges tandis que les linteaux, consoles et larmiers sont en calcaire mouluré. Plus modeste et plus économique que la façade sur rue, celle-ci révèle cependant une ornementation recherchée basée sur la polychromie des matériaux (incrustation de pierre de taille losangée ou circulaire dans la brique) où la source d'inspiration reste la Renaissance des Pays de la Loire.

Intérieur :

L'intérieur de l'édifice, remarquablement conservé, offre une série d'éléments de grande qualité, témoignant avec franchise de la conception qu'avait Jobbé-Duval du décor intérieur. Le morceau de bravoure de l'architecte se situe sans aucun doute dans le vestibule d'entrée de la maison avec l'imbrication de deux cages d'escalier perpendiculaires, l'une semi-circulaire, l'autre ovale, à l'intersection desquelles il place un édicule de forme architecturé en chêne sculpté reposant sur un socle de granite gris. Son soubassement, orné de triglyphes et de godrons, supporte une base moulurée et une console galbée ornée de feuilles d'acanthe et d'un cartouche ; au-dessus, une niche encadrée de pilastres renferme une coquille sculptée, l'ensemble étant couronné par un petit fronton cintré. A gauche de cet élément, une cloison formée de panneaux de bois et ornée d'anneaux en trompe-l'oeil masque la montée de l'escalier principal au-dessus de la voûte en berceau couvrant l'entrée des caves, laquelle est encadrée de deux niches ouvertes en plein cintre dans les murs latéraux. Le départ du grand escalier tournant suspendu dont la cage monte de fond jusqu'au 2ème étage trouve son départ dans le dégagement du vestibule. Il est traité avec une grande simplicité : marches en chêne, main courante en noyer sur une rampe formée de torsade en fer forgé. Le décor du vestibule est complété par l'ensemble des portes de bois clair ornées de panneaux et de losanges sur pointe se dégageant d'un encadrement mouluré.

Les pièces de réception sont garnies d'une série de lambris d'appui ; dans la salle-à-manger, le mur du fond est occupé par une cheminée de pierre blanche sculptée dans le style de la Renaissance maniériste. Au-dessus de piédroits architecturés et d'un entablement, le centre du manteau est orné d'une lunette clavée semi-circulaire renfermant une peinture en camaïeu représentant un trophée d'armes ; sous le couronnement à modillons galbés, les angles sont sculptés de masques fantastiques s'apparentant à des poulpes. Face à cette cheminée, une peinture murale à l'huile due à Gaston Jobbé-Duval présente un magnifique paysage où les arbres, pris comme sujet principal, sont accompagnés d'une scène de genre bretonne se découpant sur un lointain maritime. A l'origine, cette pièce était, comme le rapporte la tradition orale, assortie d'un plafond à caissons tandis que les murs étaient peints d'un vert assez sourd. La décoration est complétée par un vitrail incolore à réseau géométrique au centre duquel se découpe un médaillon peint aux armes de la famille Jobbé-Duval.

Avec plus de simplicité, le salon ne reçoit d'une cheminée en marbre rose et un plafond à corniche avec rosace à motif végétal au centre. Aux étages supérieurs, se retrouve le souci du détail soigné : les cheminées, portes et encadrements sont conçues dans le même style qu'au rez-de-chaussée ; dans la pièce du grand comble, haute de quelques 3.70 mètres, de fausses fermes placées de part et d'autre de la porte-fenêtre décèlent de petites étagères.

Conclusion :

Comptant parmi les premières oeuvres de Frédéric Jobbé-Duval, la "maison neuve de la coquille" nous offre un témoignage fidèle de l'art de cet architecte. Les sources auxquelles il se réfère, l'art ligérien de la fin du 15e siècle et du 16e siècle, y sont clairement lisibles, mais l'artiste y affiche également des éléments biographiques : les inscriptions en breton se font l'écho de son idéal légitimiste, l'iconographie (trophée d'armes et armoiries) rappelle sa carrière militaire avortée tandis qu'il est possible de voir dans les têtes sculptées sur la façade une représentation de l'architecte et de son épouse. Pourtant, derrière son apparente sincérité, la façade de la maison ne laisse rien percevoir des dispositions intérieures et joue le rôle d'un écran, protection de l'intimité familiale ; ce parti, sans doute dicté par les contraintes de l'adaptation du plan à la forme difficile de la parcelle, est unique en regard des réalisations futures de l'architecte dont la parenté peut cependant être établie avec l'avant-projet pour cet édifice. La conservation quasi intégrale des dispositions intérieures permet plusieurs niveaux d'analyse : la distribution rejette tout signe d'apparat, le salon, lieu de réception, est naturellement tourné vers la rue, la salle-à-manger est en revanche, avec la cuisine, orientée sur le jardin, à l'abri des indiscrétions. La recherche de confort et d'intimité sont caractéristiques des nouvelles préoccupations de la bourgeoisie à la fin du 19e siècle. Le décor, d'un grand raffinement, s'appuie essentiellement sur la beauté des matériaux et de leur mise en oeuvre. A l'instar de ces contemporains européens, Jobbé-Duval conçoit son oeuvre comme un tout et établit une forte continuité de style entre l'intérieur et l'extérieur de la maison.

La "nouvelle maison de la coquille" fut construite par l'architecte Frédéric Jobbé-Duval pour lui-même entre 1879 et 1880 (Inscription : F. JOBBE DUVAL MAESTR AN EUFFR. ER BLOAZ 1880). Un avant-projet, datant vraisemblablement de 1878 est conservé tandis qu'une demande d'alignement fut déposée à la mairie de Rennes le 2 mars 1879. Il semble, d'après les actes notariés, que la maison fut rapidement revendue par son auteur. Légèrement endommagée pendant la guerre, elle a néanmoins conservé la plupart de ces dispositions et aménagements d'origine.

Hôtel particulier construit sur une parcelle étroite de forme losangée, élevé, au-dessus d'un rez-de-chaussée surélevé sur caves, de 2 étages et d'un grenier, les 2 niveaux supérieurs étant aménagés sous combles. Le plan, comprenant 3 pièces par niveau et distribuées à partir d'un escalier central, est caractérisé par le rachat des angles aigus du terrain grâce à l'aménagement de placards d'angle entraînant un décalage des pièces par rapport aux travées de la façade sur rue. Celle-ci, construite en tufeau, présente, en s'inspirant de l'architecture de la Renaissance ligérienne, un grand raffinement de son élévation (équilibre des masses, quadrillage des travées, décor sculpté). Sur le jardin, le jeu de matériaux polychromes (moellons de schiste, briques rouges, calcaire) remplace les références savantes ; un corps de bâtiment ancien, remanié, est placé perpendiculairement à l'édifice et devait abriter le logement des domestiques. A l'intérieur, le décor des cages d'escalier et de la salle à manger sont particulièrement bien conservés.

  • Murs
    • calcaire
    • schiste
    • brique
    • pierre de taille
    • moellon
  • Toits
    ardoise
  • Étages
    rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré, étage de comble

Données complémentaires architecture Rennes

  • DENO
  • HYPO maison d'architecte
  • PHYPO
  • NOTA niche à statue
  • SCLE1 1880
  • IMPA parcelle sur rue
  • CBATI mitoyen
  • IMBATI sur rue
  • PERP
  • PASSAGE Non
  • ESPAL absence
  • ESPAP jardin en fond de parcelle
  • TAPA
  • BOUTIQ
  • NACC
  • AUTO
  • ACC1
  • ACC2
  • ESCAFO
  • ESCAPO
  • RDC
  • ETAGE
  • ENTRESOL
  • COMBLE
  • ATTIQUE
  • TRAV1
  • TRAV2
  • TRAVANGLE
  • MUR
  • ANGLE
  • ORIEL
  • BALCON
  • IAUT unicum
  • ICHR typicum
  • IESP unicum aire d'étude
  • ICONTX structurant
  • ITOPO site de faubourg
  • PINTE Première oeuvre marquante de la carrière de Frédéric Jobbé-Duval, la nouvelle maison de la coquille peut être considérée comme l'une des réalisations majeures de l'architecture domestique rennaise de la fin du 19e siècle. Aux références savantes parfaitement maîtrisées, s'ajoute une conception artistique et très personnelle de l'architecte qui considère son oeuvre comme un tout ; l'intérêt du décor intérieur permet d'en témoigner.
  • POS 3
  • SEL sélection requise
  • PART
  • NATURE
  • RESEAU
  • MORPHO
  • IMPBA
  • SURF
  • LOTS
  • VOIES
  • PRESC
  • VEGETAL
  • OBS
  • Statut de la propriété
    propriété privée

Documents d'archives

  • A. C. Rennes. Série O ; 1 O 130. Voirie urbaine. Canton nord-est. Rue de Fougères (1837-1938) .

Bibliographie

  • LOYER, François, GUENE, Hélène. L'Eglise, l'Etat et les architectes, Rennes 1870-1940, éditions Norma, 1995.

    p. 161
  • LOYER, François (dir.). Rennes, embellir la ville. La mise en valeur d'un quartier résidentiel à la limite du centre ancien : Sévigné, étude réalisée avec le concours du ministère de la Culture et la Ville de Rennes. Paris : L'Art en province, 1987.

    p. 144
  • JEGARD, Laurence. Jobbé-Duval architecte (1846-1929) , Université de Rennes2 : mémoire d'Histoire de l'art, 1986.

    p. 37
  • VEILLARD, Jean-Yves. Rennes au 19e siècle, architectes, urbanisme et architecture. Rennes : éditions du Thabor, 1978.

    Archives municipales de Rennes : R2-132
    p. 466-467
Date(s) d'enquête : 1998; Date(s) de rédaction : 1998