Peu après le développement d'un quartier résidentiel proche du Thabor (faubourg de Paris), le quartier de la Californie constitue un accroissement d'une autre nature, attestant du développement de l'activité industrielle dans la ville avec l'arrivée de la voie ferrée. Prolongé par un lotissement ouvrier, vers 1890, il s'étendra progressivement sur les différents îlots formés par les bras de la Vilaine, jusqu'au niveau de l'ancienne école de Médecine (actuelle Direction de l'Architecture, du Foncier et de l'Urbanisme) pour s'achever en 1908 avec la construction du pont assurant la jonction avec le boulevard Laënnec. A cette date, l'ensemble du réseau est classé dans la voirie urbaine, témoignant ainsi de l'intégration du quartier dans l'espace de la ville.
Les incertitudes et les changements de cap qui marquent les étapes d'extension du quartier sont liés aux différents projets d'occupation de l'espace. Pensé tout d'abord comme un site à vocation industrielle, le développement urbain orientera finalement la spéculation vers le lotissement résidentiel des terrains malgré plusieurs projets ambitieux, en particulier ceux de M. Ferron et de M. Hergault-Losinière. M. Ferron projette, en effet, d'implanter sur son terrain la halle aux poissons qui doit remplacer celle du Pré-Botté ; elle aurait assuré l'essor de la construction des terrains, encore à l'état de terrain vague qui ne sont alors couverts "que de quelques baraques".
M. Hergault-Losinière fait le rêve ambitieux de créer "une grande industrie pour la construction des wagons, pour la vente et le louage aux compagnies de chemins de fer", accompagnée de logements ouvriers, d'un lavoir et d'un établissement de bain (cf. annexe).
Ce quartier, qui a su garder l'ambiance singulière liée à ses origines artisanales et industrielles, est exemplaire du mode d'extension du tissu urbain dans la deuxième moitié du 19e siècle, dont les phases successives sont liées au développement initial de l'industrie dans la ville. L'opposition au développement durable d'un site industriel si proche de la ville est à mettre en relation avec l'échec du projet urbain du maire Ange de Léon dans les années 1850. L'abandon de la voie joignant la gare au faubourg de Paris aura eu pour conséquence la formation d'un espace fermé sur lui-même. L'architecture elle-même contribue à accentuer la dimension centripète de l'espace, qu'il s'agisse des nombreuses maisons d'entrepreneurs et d'artisans construites par l'ingénieur Guidet à l'ouest de la Vilaine, ou des petits immeubles mitoyens de la rue Hypolite-Lucas et de la rue Dupont-des-Loges. On peut ainsi regretter la disparition de l'entreprise Odorico, qui au-delà de l'histoire du quartier, était tout un symbole pour l'histoire de la ville.