Passion vélocipédique précoce et premières courses sur la Rabine (1865-1893)
La ville de Vannes a très tôt été atteinte par la passion vélocipédique. Comme le précise le journaliste Théo dans L'Avenir du Morbihan du vendredi 13 juillet 1894, « c'est vers 1865 que l'on commença à fabriquer les premiers vélocipèdes ; on ne parlait pas encore de bicycles, ni de tricycles, encore moins de bicyclettes ». François Sorro, serrurier-forgeron installé rue des Halles, « ouvrier habile, s'était mis à en fabriquer et en louer. Un charron, lui livrait les roues dont les rais étaient en bois de frêne, aussi minces que possibles, elles étaient bandées de fer, comme les roues de brouettes ». Son fils, Ange Sorro, âgé de 16 ans, s'essayait au vélocipède. Debout sur la selle il dévalait la descente des Capucins en gouvernant son engin à l'aide de deux ficelles amarrées au guidon ; « s'il avait trouvé sur sa route un caillou gros comme le poing, la chute eût été inévitable et probablement mortelle ».
Il n'existait pas encore de vélodrome à cette époque, on s'exerçait dans les allées de la Garenne. Les novices débutaient sur la route de Kermain, auprès de l'ancien moulin d'Arcal. La pente légère permettait de se laisser entraîner et d'apprendre à gouverner avant de mettre les pieds sur les pédales.
En mai 1869, une première course vélocipédique fut organisée sur la promenade de la Rabine. Il s'agissait d'une course avec obstacles à l'image des courses hippiques. Les concurrents devaient passer sur des bottes de paille, monter et descendre des plans inclinés. Compte tenu du succès, l'opération fut renouvelée en septembre avec le soutien de la municipalité. En plus des courses de vitesse pour bicycles et tricycles, une course de lenteur sur 100 m avec arrêt complet interdit figurait au programme. Dès l'année suivante, les amateurs de vélocipédie se rassemblèrent pour fonder le Véloce-club de Vannes. Les statuts de la société vélocipédique sont déposés le 10 mars 1870 et Jean-Baptiste Pavot en est le premier président. Une nouvelle compétition cycliste est organisée le dimanche 29 mai 1870. L'hebdomadaire Journal de Vannes du 4 juin nous rapporte les événements : « Favorisées par un temps magnifique, ces courses ont admirablement réussi. Dès midi une foule compacte se presse aux abords de la Rabine. Les tribunes se garnissent rapidement de spectateurs. Les organisateurs, éclairés par une première expérience, ont pris toutes les mesures nécessaires pour assurer l'ordre et la circulation. Chacun choisit la place à sa convenance. Vers midi et demie, arrivée des vélocemen en troupe. Cette arrivée s'effectue avec beaucoup d'ordre et produit
un excellent effet. Les casaques bariolées, les écharpes de toutes nuances, jettent une animation pleine d'attraits. Bientôt les coureurs s'éparpillent dans l'allée principale de la promenade qui forme une piste splendide. Essayée dans la matinée par un grand nombre de vélocemen, inscrits et autres, nous les avons entendus déclarer que cette piste était la meilleure qu'ils aient jamais vue ». Ce jour-là, le clou du spectacle tient dans la présence du cycliste parisien Morel dont on sait la réputation. « Plusieurs des concurrents inscrits renoncent à la lutte en apprenant qu'il doit y prendre part ».
La guerre franco-allemande de 1870 marque un coup d'arrêt pour l'essor du cyclisme partout en France. La fondation du Véloce vannetais le 5 mai 1892 donne un nouveau souffle à la vélocipédie vannetaise. Les courses organisées le dimanche 3 juillet 1892 sur la belle promenade de la Rabine remportent un franc succès. Pour garantir la tenue de deux concours annuels – un sur route au printemps et un sur piste (La Rabine) au début de l'été – le président du Véloce vannetais Charles Estienne effectue une demande de subvention au Conseil général du Morbihan le 14 juillet
suivant. « Permettez-nous d’ajouter, Monsieur le Préfet, qu’en subventionnant la société vélocipédique établie au chef-lieu du département, ce ne sont pas seulement des fêtes populaires forts prisées du public que le Conseil général encouragera, mais un genre de sport dont l’utilité n’est plus à démontrer et que le Véloce-vannetais a pour but de développer dans notre région où il importe de préparer, comme ailleurs, des recrues pour la vélocipède militaire définitivement organisée par Monsieur le Ministre de la Guerre, en même temps qu’une génération assouplie
et fortifiée par le plus salutaire des exercices corporels ».
La Haie : premier vélodrome à Vannes (1894)
La création du vélodrome de la Haie est une véritable réussite pour le Véloce vannetais. Le club cycliste double ses effectifs dès la première année d'exploitation, passant de 60 à 125 membres. Situé le long de la route nationale n° 165 reliant Vannes à Auray (actuelle avenue de la Marne), le vélodrome est construit sur les terres de Flavie Délivré, épouse du général Augustin-Louis Frélaut, dont la propriété familiale est établie au lieu-dit La Haie. De son inauguration en juillet 1894 à novembre 1895, la piste de la Haie voit se dérouler pas moins de cinquante matchs records. Les plaques de verre du fonds Jean Frélaut, peintre-graveur, conservées aux Archives municipales de Vannes, nous offre, grâce leur netteté, un formidable témoignage de ces courses vélocipédiques de la fin du XIXe siècle. Empruntes de patriotisme – de multiples drapeaux tricolores flottent au vent – ces réunions sportives attirent un public nombreux et enthousiaste qui encourage des cyclistes endimanchés.
Le vélodrome de la Haie a aujourd'hui disparu. Un temps laissé à l'abandon, le terrain fait désormais partie de la zone commerciale de Kerlann. La piste a été remplacée par un concessionnaire automobile et un parking. La forme ovale de la parcelle témoigne de son passé cycliste.