Séance du 16 avril 1861.
Belle-Ile
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Construire une batterie avec réduit à la pointe de Ramonet.
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D'après le travail de la Commission de défense de 1859, ce réduit doit être un corps-de-garde n° 2. Néanmoins, dans les projets ordinaires pour 1860-1861, le chef du Génie, ayant égard à la facilité que la proximité de la place de Palais et ses vues sur le terreplein de la batterie donneraient pour l'approvisionnement et la défense de cet ouvrage, se bornait à proposer un simple bâtiment d'habitation défilé des vues de la mer et un petit magasin à poudre isolé. Le Comité, allant plus loin dans cette voie, admettait même, conformément à ses avis antérieurs, que les anciens bâtiments encore existants pouvaient suffire, pour le moment du moins, au service de cette batterie, et que l'on devait, par économie, ajourner la construction d'un corps-de-garde neuf.
Mais l'Inspecteur général en 1860 a constaté, par l'examen des lieux, que les bâtiments existants sont hors de service et ne remplissent aucune des conditions nécessaires pour un réduit défensif. Ce réduit lui a, du reste, paru indispensable, bien que la batterie ne soit qu'à 500 m environ de la place, parce qu'elle en est séparée par un ravin profond qui rend la communication difficile. Cet officier général a, en conséquence, autorisé à présenter, pour 1861, le projet d'un réduit. Le chef du Génie fait connaître qu'il s'est particulièrement attaché, dans l'étude de ce projet, à placer le réduit, qui serait un corps-de-garde n° 3, de manière à ne pas masquer les vues de la place sur le terreplein de la batterie, attendu que l'occupation par l'ennemi de la pointe de Ramonet serait très préjudiciable à la défense de l'enceinte et de la citadelle de Palais. Voulant, en outre, profiter de quelques excavations déjà faites, il a été conduit à mettre ce bâtiment sur la partie la plus saillante du terrain en arrière de la batterie, et à l'encastrer, pour ainsi dire, dans ce terrain. Il en résulte que si l'on voulait, comme pour les réduits ordinaires, tenir le sommet du bâtiment à 0.50 m environ au-dessus de la crête de l'épaulement, on aurait un corps-de-garde établi dans de mauvaises conditions sous le rapport de la salubrité et on augmenterait l'importance des couverts contre les feux de la place, à moins de faire des déblais considérables.
Dans ces circonstances, le chef du Génie propose de fixer la hauteur du sol du rez-de-chaussée à la cote 27.00, qui est à peu près le niveau moyen du terreplein bas de la batterie. Mais, comme le sommet des murs parapets de la terrasse dépasserait alors de 3.70 m la hauteur de l'épaulement, et que d'un autre côté, il serait fort difficile de défiler cette terrasse des vues du terrain au Sud-Ouest, cet officier propose de la supprimer. Dans ce système, le couronnement du bâtiment ne dépasserait plus l'épaulement que de 1.70 m et l'on pourvoirait au flanquement par le moyen de guérites en saillie sur les 4 faces du corps-de-garde. Une traverse construite à la suite de la partie droite de la batterie couvrirait de ce côté le réduit, mais, sur la gauche, il ne serait pas établi de masse couvrante, afin que l'intérieur de la batterie ne fût pas dérobé aux vues du corps-de-place. Le chef du Génie fait, d'ailleurs, remarquer que, pour battre le réduit de ce dernier côté les navires ennemis devraient se placer sous le feu des batteries de la place et de la citadelle et s'exposer à celui de la batterie de Taillefer, ce qui rend cette attaque peu probable.
Le Directeur admet la nécessité d'un réduit, mais il croit que l'on pourrait se borner à faire un simple bâtiment d'habitation crénelé, sauf à en couvrir la porte par un tambour.
Le Comité, ayant égard à la difficulté de communication, entre la place et la batterie, signalée par l'Inspecteur général en 1860, et à la vétusté ainsi qu'à l'insuffisance des bâtiments existants, revient sur ses avis antérieurs et adopte la proposition de construire un bâtiment neuf comprenant le logement des canonniers et les magasins nécessaires au service de la batterie. Il vaut mieux, d'ailleurs, dans cet état de choses, faire un réduit défensif, qui inspire toute sécurité aux canonniers, qu'un bâtiment d'habitation qui coûterait presqu'autant qu'un réduit et serait loin d'avoir les mêmes avantages.
Dans cet ordre d'idées, le projet présenté par le chef du Génie est à approuver, mais sous la réserve des diverses modifications indiquées ci-après et reproduites sur le croquis n° 1 du Comité.
1°. On ne fera pas de guérites flanquantes, attendu que le réduit dont il s'agit n'est pas dans les conditions d'isolement ordinaires ;
2°. Afin de pouvoir loger 25 canonniers, on portera la largeur des deux travées principales à 3.50 m, et on disposera les hamacs comme il est figuré au croquis, disposition qui a, du reste, déjà été adoptée dans divers réduits de Belle-Île ;
3°. Pour augmenter le nombre des créneaux de la face qui regarde la batterie, on substituera aux trois petits berceaux formant culée du pignon Nord-Ouest, une grande voûté semblable à celles des chambres des canonniers, et la culée sera formée par le piédroit extérieur de cette voûte porté à 1.50 m d'épaisseur. On divisera cette travée en 3 parties par des murs de refend, comme au dessin type de 1846 ; seulement le magasin à poudre, au lieu d'être au centre, occupera le compartiment le plus éloigné de l'épaulement pour être mieux garanti des coups des vaisseaux ;
4°. On tiendra le couronnement du réduit à 0.80 m seulement au-dessus de la crête de la batterie, et afin de ne pas trop enterrer le bâtiment, on réduira la hauteur intérieure sous clé de 3.60 m à 3.20 m. Les voûtes seront surbaissées et leur naissance sera à 2.00 m au-dessus du sol intérieur. Ce sol sera lui-même fixé à 0.50 m environ au-dessous du terreplein de la batterie, soit à la cote 26.50 m et le fossé au-dessous du pont-levis sera à 24.50 m. La genouillère des créneaux sera à 1.20 m au-dessus du rez-de-chaussée et leur linteau à 1.70 m, afin que le tir soit assez élevé pour bien défendre les pièces de la batterie.
(Service historique de la Défense, département Armée de Terre, Vincennes. Archives du Génie ; Article 12, Avis du Comité : 1 VK 584, Registre des avis du Comité des fortifications sur le crédit général pour la défense des côtes, 1858-1867. Séance du 16 avril 1861, Place de Belle-Île)
Historien, président de l'Association "1846, La fortification du 19e siècle : connaître et partager".