Les huit métiers du « Poilu » :

Le "Poilu" a été construit dans un chantier naval de Locquémeau en 1920 (chantier Collet ou Levier ?), pour le compte de Le Hénaff. Il fut armé au pilotage en rivière de Lannion, peint en noir et blanc comme il sied à un pilote.

Cependant, il aurait aussi fait la pêche à la sardine pour un pêcheur de Lannion, Job Kervarec, à la même époque entre 1920 et 1943, date de sa vente et de son changement de quartier, pour Pleubian, dépendant du quartier de Paimpol.

Dans un premier temps, le « Poilu » a pratiqué la pêche à la sardine pendant la belle saison avec son gréement de lougre flambart ; l´hiver, il faisait le maërl et le sable (drague à poche). Son volume de cale sous les planchers mobiles, particulièrement généreux, et sa largeur lui étaient utiles, mais son fort tirant d´eau et sa « coupe », son plan de formes plus fin que les sardiniers ne lui facilitaient pas l´échouage.

Raide à la toile, grâce à la stabilité de ses formes et à son tirant d´eau profond, il devait faire merveille au pilotage avec un plan de voilure allongé, très souple d´utilisation.

En 1943, il est vendu à François Croajou, ancien cheminot et petit armateur, le frère de Yves-Marie Croajou, ancien premier maître au cabotage sur « l´Océanide », goélette de l´armateur et capitaine Joseph Nicolas de Tréguier, qui fréquentait régulièrement le port de Lannion.

François Croajou habitait L´Armor-Pleubian, le pays des goémoniers. Il fit donc diminuer la quille de son nouveau bateau, pratique fréquente auprès des « Armoricains », qui adaptaient ainsi leur « outil de travail » aux contraintes de la pêche et de l´environnement dans les hauts fonds. La technique de pêche pour extraire les algues de fond (laminaires) utilisait un « scoubidou » manuel (faucille au bout d´un long manche), manoeuvré depuis le pont du bateau.

Pour pratiquer cette pêche spécifique, le canot creux allait subir ses premières transformations :

Après la quille, le gréement fut modifié pour un équipage réduit et monté en voilure aurique avec un seul mât, plus facile de manoeuvre avec des tours de rouleau, pour réduire si besoin la toile. Le bateau mieux défendu par de nouveaux passavants, rehaussé, pouvait plus aisément naviguer dans le dur clapot de la Manche, autour du plateau rocheux des Héaux de Bréhat.

Le moteur marinisé de 4 chevaux permettait d´appuyer la voile et de défier les courants.

Deux ans plus tard, le « Poilu » fut racheté par Charles Bideau, marin-pêcheur originaire de l´Armor-Pleubian mais bréhatin depuis cinq ans. Ce fin marin-pêcheur renforça la mâture, utilisée comme mât de charge, pour draguer à la voile et au moteur les praires puis les coquilles Saint-Jacques dans le Ferlass, entre Bréhat et l´Arcouest, été comme hiver, près des côtes. Il fut ainsi le premier à pratiquer cette pêche à la drague dans le Ferlass, rejoint plus tard par de nombreux marins de Loguivy-de-la-mer.

Année 1954 : On montait le courant puis on pêchait en travers. Il était tellement calant d´eau, on avait un chien derrière avec une poulie de rappel, un bras devant capelé sur la bitte avec un croc et on réglait avec le chien, plutôt qu´avec le gouvernail. Témoignage de Charles Le Bideau, 1993.

Jusqu´en 1959, le « Poilu » pêchait à la voile, posait des filets à araignées et faisait le maquereau de ligne et le lieu entre mai et juillet. A Pâques et le Vendredi Saint, aux Roches-Douvres et fallait du poisson ! Le lieu jaune surtout, selon Charles Le Bideau.

En 1960, le « Poilu » est vendu une nouvelle fois, à Jean-Pierre Prigent, un autre marin de Bréhat, pendant que Charles Le Bideau achetait une gabarre « La Fleur d´ajonc » pour faire le goémon et le sable pour l´usine CECA de Pen Lan, en l´Armor-Pleubian (usine d´algues).

Jean-Pierre Prigent changea ensuite le moteur et avec le nouveau mât de charge du « Poilu », fit le sable pour la construction à Bréhat, des maisons et des ouvrages portuaires, comme la cale du Port-Clos. Il pêchait aussi l´oursin dans le ras de Bréhat, avec de vieux filets lestés de chaînes et traînés au fond (la « radasse »), pratiquait les lignes, filets et casiers.

La voile au travail aidait toujours le propriétaire et patron du « Poilu » en 1976, lorsque celui-ci décidait de vendre le bateau à son dernier propriétaire Yann Laurent. Mais la coque très fatiguée par ces huit différents métiers ne pouvait être restaurée qu´au moyen d´une refonte complète ; ce que le nouveau propriétaire ne se risqua pas d´entreprendre, soignant la coque au sec, dans son ultime lieu d´échouage, dans une crique, au sud de l´île de Bréhat, où elle repose aujourd´hui en paix.

"Le Poilu", bateau de pêche polyvalent :

Le "Poilu" est le bateau côtier polyvalent caractéristique de la Bretagne Nord, conçu au début du 20ème siècle, pour pratiquer différents métiers de la pêche côtière, en alternance saisonnière, dans un environnement difficile : larges estrans rocheux découvrants, courants fréquents en Manche, estuaires étroits pour manoeuvrer, nombreux îlots et écueils.

Cependant, son cahier des charges lui permet de naviguer dans n'importe quelles conditions, pour des métiers durs comme la drague ou le chalut à perche et des métiers plus faciles comme le casier, les lignes ou les filets, en utilisant la voile comme seul moyen de propulsion.

Il représente la construction bien échantillonnée des bateaux de charge, pouvant supporter de bonnes charges en fret sur des fonds plats, lestés de galets : sable, goémon et même blocs de rochers taillés, en référence à la construction paimpolaise des canots de Loguivy-de-la- mer. Mais il est aussi raide à la toile et ardent au vent, grâce à son gréement d'origine de flambart (à faire pâlir les homardiers de Loguivy) et à sa quille lestée d'origine. Son fort tirant d'eau, ses flancs muraillés, son brion profond et son arrière bien dégagé lui confèrent une tenue en mer remarquable, dans le clapot serré de la Manche.

L´origine précise de son chantier de construction à Locquémeau nous est inconnue, Collet, Levier ou Kergariou ? Ses formes très inspirées des chantiers de Carantec forcent le compromis avec la construction paimpolaise des années 1920-1930 de Kerbiguet. L´étude reste à faire.

Le choix de gréement aurique dans sa seconde carrière s'était avéré plus aisé pour une pluri-activité des pêches côtières, utilisé comme mât de charge, ou pour draguer à la voile, vent de travers, avec un homme seul et un mousse.

Le "Poilu" représente le bateau typique de la côte Nord, évolutif, avec de remarquables qualités nautiques et des fonds porteurs pour les allures charretières, à draguer dans les courants.

20032206081NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 4 num 1/29, Numplan 1.

20032206082NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 4 num 1/18, Numplan 1.

20032206083NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 4 num 1/48, Numplan 1.

20032206397NUCB : Archives départementales des Côtes-d'Armor, 4 num 1/18, Numplan 7.

20032206507NUCB : Collection particulière

20032206508NUCB : Collection particulière

20042204630NUCB : Collection particulière

20042204810NUCB : Collection particulière

20042204629NUCB : Collection particulière

20042204761NUCB : Collection particulière

20042204760NUCB : Collection particulière

20042204765NUCB : Collection particulière

20042204764NUCB : Collection particulière

20042204762NUCB : Collection particulière

20042204777NUCB : Collection particulière

20042204687NUCB : Collection particulière

20042204688NUCB : Collection particulière

20042204661NUCB : Collection particulière.

20042204660NUCB : Collection particulière.

20042204742NUCB : Collection particulière.

20042204659NUCB : Collection particulière.

20042204658NUCB : Collection particulière.