Les 10 verrières des bas-côtés, consacrées aux grands pèlerinages bretons, s'inscrivent dans l'ensemble plus vaste des 33 vitraux de l'église, qui représentent aussi les saints bretons (nef, fenêtres hautes) ainsi que des thèmes plus classiques issus de la Bible ou des récits apocryphes (transept et chœur).
Commandés au moment de l'achèvement des travaux de l'édifice et exécutés entre 1855 et 1862, dans l'atelier du Carmel du Mans, par les peintres-verriers allemands Carl et Frédéric Küchelbecker, ces 33 verrières sont considérées comme "le point de départ de la renaissance de l'art du vitrail dans le département des Côtes-du-Nord" (C. Douard, 1982). Ce sont en effet les plus anciens vitraux historiés repérés pour le 19e siècle.
90 cartons et dessins, dont certains portent la date de 1856 et le monogramme de Carl Küchelbecker, sont conservés aux archives diocésaines de Saint-Brieuc.
Les échanges de courrier entre le chanoine Prud'homme et les carmélites montrent que l'ensemble de la commande est réalisé sous la supervision d'un autre peintre allemand, né à Rome, Franz von Rohden (1817-1903) qui collabore aux programmes artistiques du Carmel du Mans.
Ces trois artistes appartiennent au mouvement nazaréen, courant esthétique né en Allemagne, qui entend revitaliser l'art chrétien à travers l'étude des maîtres anciens et dont les thèses connaissent un certain succès dans l'Europe catholique.
Cette sensibilité concorde avec l'intérêt accru pour le Moyen Âge et la conservation des édifices médiévaux, qui se fait jour en France depuis la Restauration, sous l'influence de Charles de Montalembert, Prosper Mérimée, Eugène Viollet-le-Duc et d'autres encore. C'est ce contexte et cette sensibilité qui favorisent la redécouverte des techniques et du savoir-faire du vitrail ancien, dans l'atelier du Mans comme à la manufacture de Sèvres.
Les carmélites, qui ont fondé leur atelier de peinture sur verre en 1853 au Mans, font donc appel à des artistes à la pointe de la modernité en matière de création artistique religieuse.
Enfin, il faut ajouter que le chanoine Prud'homme, maître d'ouvrage de Notre-Dame-d'Espérance, doit également être complètement acquis au renouveau de la peinture sur verre, qui lui permet de déployer un programme iconographique complet, au service de l'archiconfrérie pour le Salut de la France, fondée en 1848, dans un esprit anti-républicain et légitimiste.
Chargée d'études à l'Inventaire