Cette hélice provient du sous-marin français Agosta (S620), démantelé à Brest en 2021 par la société Navaleo, filiale des Recycleurs Bretons. Elle a été cédée à la Région Bretagne par la Marine nationale.

Pesant près de 2 tonnes, l’hélice est coulée puis usinée par la Nantaise de Fonderies en 1975. Pour assurer la propulsion du sous-marin, elle était reliée par un arbre à un moteur électrique de 3 500 kW alimenté par deux moteurs électrogènes diesel de la Société d'Études des Machines Thermiques - SEMT Pielstik via des batteries. Si son alliage en cupro-aluminium - le Nantial - rendait l’hélice plus résistante à la corrosion et à l’usure, ses cinq pales hydrodynamiques longtemps classée "secret défense" alliaient technicité, puissance et discrétion acoustique. Aujourd’hui, au lieu d’être coulées puis usinées, les hélices sont imprimées en trois dimensions à partir d’un modèle numérique.

Mis sur cale en 1972 à l’arsenal de Cherbourg, l’Agosta entre en service en 1977 après une période d’essai de trois ans. C’est le prototype d’une série - la classe Agosta - composée de quatre sous-marins d’attaque à propulsion diesel-électrique. Il doit son nom à la bataille navale victorieuse d’Agosta en Sicile menée par Duquesne (1676), grand officier de la marine de guerre française.

Long de plus de 67 m et large de 6,8 m pour un poids de 1 200 t, l’Agosta peut se déplacer en surface à 12 nœuds (22 km/h) et en plongée à la vitesse de 20 nœuds (37 km/h). Son équipage théorique, composé de 54 hommes organisés par tiers, passe jusqu’à 45 jours en mer. Le schnorchel ("tube d’air" en allemand) permettait de faire fonctionner les moteurs diesel en immersion périscopique.

Conservé au service historique de la défense de Lorient, son livre d’or permet de retracer son armement et sa carrière. L’Agosta est armé pour essai le 9 novembre 1974 sous le commandement du capitaine de corvette Jacques Bullier.

Sa première escale a lieu à la base de sous-marins de Lorient l’année suivante :

"Un ciel (presque) bleu de France, un bagad plutôt Breton, des Bretons… d’outre Rhin, la première escale de l’Agosta est déjà tout un dépaysement. […] La relève sera bien assurée, plus tard dans les grands territoires de chasse des Loups noirs de Keroman. […] PS : le chef d’escadrille, pour sa part, éprouve une joie profonde à voir transformé en bâtiment de combat tant de feuilles de papier (et tant d’heures de rond de cuir)." (Capitaine de frégate Merveilleux du Vignaux, commandant l’Escadrille des Sous-Marins de l'Atlantique - ESMAT).

Le 19 mars 1976, le sous-marin plonge pour la première fois à 300 mètres, la profondeur maximum de qualification.

"Personne dans l’équipage d’armement n’oubliera la longue gestation de l’Agosta, l’attente et les déceptions, l’énervement qui précède le départ à la mer, et l’inquiétude provoquée par les inévitables défauts de jeunesse d’un prototype. […] Je souhaite de prestigieuses croisières et longue vie à l’Agosta dont les qualités certaines apparaîtront mieux encore lorsqu’il aura pris un peu de maturité" (27 août 1976, capitaine de corvette Jacques Bullier).

L’Agosta est successivement basé à Toulon (Escadrille des Sous-Marins de la Méditerranée), à Lorient (Escadrille des Sous-Marins de l'Atlantique), puis à Brest (Groupe des sous-marins de l'atlantique) jusqu’à son désarmement en octobre 1997. Dans un contexte de guerre froide, l’Agosta a participé à des exercices et missions notamment en Atlantique. Pour cela, le sous-marin pouvait embarquer des forces spéciales ou des « passagers ». Ses escales à l’étranger sont aussi l’occasion de renforcer les liens diplomatiques. 

Une fois désarmé, l’Agosta devenu la coque Q739, est transféré à Toulon pour servir à des tests de choc afin de valider des modèles numériques de résistance de coque des futurs sous-marins. Le 5 août 2021, c’est sur le pont du Jumbo Kinetic, cargo de transport de charge lourde qu’arrive l’Agosta au port de Brest.

Soutenue par la Région Bretagne, la filière de déconstruction navale et industrielle est née après l’échouage du TK-Bremen à Erdeven en 2011. Au port de Brest, la déconstruction des trois derniers sous-marins à moteur diesel de la Marine Nationale - Bévéziers, La Praya et Agosta - entre 2020-2021 a nécessité l’intervention d’équipes hautement qualifiées pour dégazer, dépolluer et désamianter les coques. Ce chantier complexe représentant plus de 36 000 heures de travail a permis de trier, recycler et valoriser plus de 3 000 t d’acier et de matériaux.

Le Ouessant, dernier sous-marin de la classe Agosta est visible au Musée Maritime de Klebang dans l’état de Malacca en Malaisie après avoir servi à la formation des sous-mariniers malaisiens.

L’hélice de l’Agosta illustre le lien indéfectible entre la Bretagne et la Marine nationale dont la moitié des effectifs est basée en Bretagne. Elle symbolise également l’engagement de la collectivité en faveur de la filière navale de construction, de réparation et de déconstruction. Cette tradition maritime bretonne s’écrit aussi par le parrainage de la Frégate Multi-Missions (FREMM) Bretagne avec le Conseil régional de Bretagne.