Extrait d'une communication au Congrès archéologique du Morbihan, en 1986, par Denise Moirez-Dufief (p. 150).
Lorsque Pierre Hawke la dessine en 1855, [la verrière] est, selon Ropartz, « très mutilée » et à la veille d´être restaurée. Une nouvelle restauration récente (1959-1970) a été effectuée par l´atelier Bony après les dommages considérables causés par le bombardement de 1944. Au fourmillement des plombs de casse se devine l´obstination à sauver d´une perte irrémédiable la verrière chère entre toutes au cœur des Ploërmelais : c´est qu´en ses huit tableaux, elle résume la vie d´Armel, leur saint patron (1). C´est aussi que, pendant près de deux siècles, de l´aube du XVIIe siècle à celle de la Révolution, la mémoire collective s´est nourrie de sa contemplation pour prolonger, d´année en année, le souvenir du pardon du 16 août. Ce jour-là, en masse, les habitants participent ou assistent à la représentation de la « tragédie » de saint Armel, qu´un docte prêtre et maître d´école de la cité s´est ingénié, à la fin du XVIe siècle, à tourner en vers gallos. L´édition critique qu´en donne Sigismond Ropartz en 1855, s´accompagne de lithographies de Hawke (2) d´après les huit scènes du vitrail : occasion exceptionnelle, sinon unique dans la région, qui nous vaut - si l´on excepte les « estats de preeminence » de l´ancien Régime - la première représentation précise d´une verrière, panneau par panneau, avant l´apparition de la photographie. Car les gravures de Hawke sont d´une fidélité rigoureuse, dans le graphisme, l´expression et jusque dans le tracé des plombs. On regrette, alors, qu´il n´ait pas figuré le réseau, car son témoignage eût fourni un jalon pour déterminer quand cette partie de la verrière s´est trouvée augmentée d´un Isaïe et de textes provenant visiblement de l´Arbre de Jessé situé dans le collatéral sud (3).
La récente restauration a éliminé ces fragments déplacés ; on observe actuellement, en prééminence, les armes ducales (refaites) et les cordelières entrelacées, emblème favori des princes de la fin du XVe siècle, François II et sa fille, la duchesse Anne. Au-dessous, une Annonciation et des anges porteurs de phylactères, très morcelés. Quant aux huit scènes de la verrière, elles se lisent en partant du bas à droite et, au second registre, de gauche à droite. Elles s´accompagnent d´inscriptions en caractères gothiques portant la trace de restaurations répétées ; en voici le texte, dont nous comblons les lacunes d´après l´édition du poème de Baudeville par Ropartz : 1) « ct st armel prêt coje de ses [compagnons] ; 2) [comme le mes] sager du roy vint querir st armel e bretaigne ; 3) c. st armel [en la cour du roi] et [à] sa vueu g[ué] rit [un] pau[vre] ; 4) [comment saint armel prit congé du roy] ; 5) comment saint armel prit le guibvre et l´amena ; 6) co[mmen]t st a[rm]el jetta le guivre e[n] seiche (4) ; 7) c[omm]e[t] st armel preche et guerit u ladre ; 8) coet l´ege nocia a st armel la mort et coet il trespassa ».
(1) S. Ropartz, La légende de saint Armel, mise en vers français, sous forme de tragédie.., Saint-Brieuc, Prud´homme, 1855. In. fol., 134 p., lithogr. de P. Hawke.
(2) Pierre Hawke (1801-1887), d´origine anglaise, établi en France et connu surtout comme illustrateur : cf. D. Delouche, Peintres de la Bretagne. Publications de l´Université de Haute-Bretagne, n°7, Klincksieck, 1975, p. 326.
(3) Ropartz, en 1864, [Notice sur la ville de Ploërmel, Rennes, Catel, p. 150], et Bellevue en 1915 [Ploërmel, ville et sénéchaussée, Paris, H. Champion, 1915] mentionnent la présence du prophète Isaïe déroulant un phylactère où se lit « Ecce virgo concipiet et pariet » ainsi que ce passage du psaume de David (18-5) : « In omnem terram exivit sonus eorum ».
(4) La rivière Seiche, affluent de la Vilaine.
Photographe à l'Inventaire