Contexte de l'opération d'inventaire
L'enquête d'inventaire du patrimoine de la commune de Coatréven a été menée entre mai et décembre 2018. Cette opération s'inscrit dans le cadre d'une étude plus large menée depuis 2009 sur le territoire du Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) du Trégor.
Cet inventaire a été conduit de manière exhaustive à l'échelle communale, aussi bien dans le bourg que dans les lieux-dits. Il couvre l'ensemble du patrimoine bâti de la commune, à savoir l'architecture domestique, agricole, religieuse, commerciale, civile, etc., publique et privée, antérieures aux années 1980.
Au travers de la connaissance produite, il s'agit de garder trace de ces formes d'architecture et modes d'habiter tout en faisant émerger de nouvelles formes de patrimoine. La diffusion de cette connaissance participant ainsi à l'appropriation et à la valorisation de ce dernier.
Au total, 192 éléments bâtis ont été recensés sur le territoire communal, dont 82 fermes (destination première), 56 maisons, 28 puits, 5 croix, etc.
A l'issue de ce recensement sur le terrain, la phase d'étude a donné lieu à la rédaction de 15 dossiers (accessibles sur ce site) portant sur des éléments représentatifs et/ou remarquables du patrimoine coatrévenais.
Protection du patrimoine
L'église paroissiale Saint-Pierre est inscrite au titre des Monuments Historiques par arrêté du 20 janvier 1926 (extension de la protection en 2016), ainsi que 13 éléments mobilier répartis entre cette dernière et la chapelle Notre-Dame de Lochrist.
Un pré-inventaire à la fin des années 1970
Cette opération d'Inventaire fait suite à une première enquête menée en 1977 par Geneviève Le Louarn et Denise Dufief. A cette occasion, une quarantaine d'éléments bâtis avaient été repérés et 224 photographies réalisées, dont près de 60 portent sur des éléments de paysage. Ces photographies sont systématiquement intégrées aux dossiers d'Inventaire et leur mise en perspective avec les photographies réalisées en 2018 permet de rendre compte des éventuelles évolutions survenues au cours des 4 dernières décennies. L'ensemble de ces prises de vue est également visible sur : http://phototheque-patrimoine.bretagne.bzh
Informations administratives
La commune de Coatréven est située au nord-ouest du département des Côtes-d'Armor. Elle appartient à l'arrondissement de Lannion et au canton de Tréguier et fait partie de Lannion-Trégor Communauté (60 communes en 2018). Son bourg se situe à 11km de Lannion, Tréguier et Perros-Guirec.
Situation géographique, géologique et paysagère
Située dans le Trégor costarmoricain, Coatréven a pour communes limitrophes : Camlez au nord, Minihy-Tréguier à l'est, Langoat au sud, Lanmérin et Trézény au sud-ouest et Kermaria-Sulard au nord-ouest. D'une superficie de 913 hectares (soit 9,13 km²), la commune est délimitée par des frontières naturelles entre le ruisseau du Roudour au nord et la rivière du Guindy au sud. Le bourg se situe à 100 m d'altitude, pour une altitude moyenne de la commune à 59 m (altitude minimum : 17 m et altitude maximum : 101 m).
Pour Joachim GAULTIER DU MOTTAY (1862), "Territoire uni et assez plat, à l'exception de la partie sud, qui avoisine le Guindy. Terres de bonne qualité et biens cultivées ; près et pâturages très productifs".
Pour Jean-Marie RIGAUD (1890), "Le territoire de cette commune qui s'étend au nord du Guindy et sur la rive gauche de cette rivière, est uni et plat, sauf au sud. Les terres à base granitique dans le nord et schisteuse au sud, sont bonnes et biens cultivées. Les prairies, bien aménagées, sont très productives".
Territoire à dominante rurale, 589 hectares sont des terres labourables selon le recensement agricole de 2010, contre 729 au milieu du 19e siècle (source : JOLLIVET Benjamin, 1856).
Représentatif des paysages ruraux du Trégor, le territoire communal était largement marqué Jusqu'à la fin des années 1970 par son paysage de bocage, comme nous pouvons le voir sur les photographies de 1977. Suite au remembrement de 1981, certains talus-murs et chemins creux ont disparus pour laisser place à des parcelles plus grandes et de moins en moins encloses. Les espaces boisés que l'on retrouve le long des cours d'eau, à Kermerrot et au Manoir sont quant à eux peu nombreux et très peu étendus.
Étymologie
Coatréven (Koatreven en breton) est un toponyme dont l'origine peut s'expliquer de deux manières.
La première signifie littéralement "Bois de Reven" selon Benjamin JOLLIVET (Les Côtes-du-Nord, histoire et géographie des toutes les villes et communes, 1856). "Saint Raven, Reven ou Revent naquit dans l'Armorique, au commencement du quatrième siècle. Il vécut longtemps en solitaire, guérissant les maladies de l'âme par sa parole et celles du corps à l'aide des connaissances qu'il avait acquises en médecine. Mais le zèle que ce serviteur de dieu déployait chaque jour pour asseoir et consolider le signe de la rédemption sur les ruines du paganisme lui attira bientôt des persécuteurs. Il fut déféré aux tribunaux avec son frère Rasiphe, et tous les deux subirent les plus affreuses tortures. Reven mourut le 23 juillet 363 ; son frère ne lui survécut que d'un jour. L'église les a placés l'un et l'autre au nombre des martyrs et leurs fêtes se célèbrent les 23 et 24 juillet". Reven et Rasiphe, martyrs hypothétiques, sont vénérés en Normandie (Dictionnaire iconographique des Saints, 1999).
Bernard TANGUY (Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses des Côtes-d'Armor, 1992) explique quant à lui que Coatréven serait formé avec le breton koat "bois" et pourrait avoir comme second élément un dérivé en -an du vieux-breton treb "village".
Coatréven apparaît pour la première fois en 1182 sous la forme Coatrevar, dans une charte énumérant les biens des Templiers en Bretagne. Selon Bernard Tanguy (Dictionnaire des noms de communes, trèves et paroisses des Côtes-d'Armor, 1992), les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem possédaient des rentes et héritages au lieu-dit de Prat-Lédan, où l'on retrouve la parcelle nommée Lannec-an-Hospital. L'existence du village de Lochrist et de sa chapelle serait, toujours selon l'auteur, une dénomination généralement liée à la présence de ces ordres militaires sur un site.
En 1248, Coetrevan est citée comme siège d'une seigneurie et comme paroisse en 1330, lors du procès de canonisation de Saint Yves, sous les formes Coytrevan, Coytrevant et Quoytrevan. En 1381, un certain Guillaume de Coetrevan ratifie le second Traité de Guérande.
Nous retrouvons Henri de Coetrevan, chevalier, capitaine d'hommes d'armes en 1415 (Histoire de Bretagne, 1707), Jehan de Chefdubois, sieur de Coatrevan en 1481 (Montres de l’évêché de Tréguier).
Après de nombreuses variantes graphiques, Coatreven semble se fixer sous cette forme dès le 16e siècle.
Le village de Coatréven est cité à des nombreuses reprises au cours des siècles :
- Coatrevar en 1182
- Coetrevan en 1248
- Coytrevan, Coytrevant, Quoytrevan en 1330
- Guillaume de Coetrevan en 1381
- Henri de Coetrevan en 1415
- Coetrevan en 1427, 1437 et 1543
- Coatrevan en 1481
- Coatreven en 1516 et 1592
Origine paroisse de la paroisse
Mentionnée comme paroisse dès le 14e siècle, cette dernière dépendait de l'évêché de Tréguier (diocèse de Saint-Brieuc et de Tréguier depuis 1802), de la subdélégation et du ressort de Lannion. Sa cure était à l'alternative, c'est-à-dire que le curé de la paroisse était présenté alternativement par l'évêque et par le titulaire du droit de présentation de la paroisse (seigneur, abbé...). Coatréven dépendait également du fief épiscopal du Régaire de Tréguier.
Selon Bernard Tanguy (1992), Coatréven était rattachée à la paroisse primitive de Plougrescant. Une partie de son territoire, le Minihy de Coatréven, formait une trève distincte mais sans être une paroisse succursale.
La paroisse, y compris sa trève, élit sa première municipalité en 1790.
La noblesse de Coatréven
Lors de la Réformation de fouages (impôt extraordinaire perçu pour chaque feu ou foyer) du Duché de Bretagne en 1426, trois nobles sont cités à Quoitrevan (Coatréven) : Ollivier Le Moel, Thomas Gaultier Rochumelen et Marguerite, veuve du feu Hervé de Kerlevysic. Est signalé également le manoir Coetrevan, au sieur de Coetrevan.
Le Nobiliaire et armorial de Bretagne de Pol Potier de Courcy mentionne les familles nobles suivantes :
- BOISEON, sieur de Coëtréven, paroisse de ce nom.
- CAMPION, sieur de Pontlosquet, paroisse de Coatréven et du Minihy. Réformations et Montres de 1427 à 1543.
- COATTAREL, sieur de Kervérault, paroisse de Coëtrevan. Réformations et Montres de 1427 à 1543.
- COËTREVEN, sieur dudit lieu, paroisse de Coëtréven.
- DANIEL, sieur de la Villeneuve.
- FOUCAULT, sieur de Coëtreven, paroisse de ce nom. Réformations et Montres de 1427 à 1543.
- LE MOAL, sieur de la Villeneuve, paroisse de Coëtréven. Réformations et Montres de 1427 à 1543.
- TROGOFF, sieur de la Villeneuve, paroisse de Coatréven.
- TROMELIN, sieur de Kerbiriou, paroisse de Coatréven.
La paroisse abritait la seigneurie éponyme Coetrevan, appartenant à Guillaume de Coetrevan en 1381 et à Henri de Coetrevan en 1426, et portait pour armes "écartelé d’or et d’azur à trois croissants de gueules sur le tout". La résidence de cette seigneurie, aujourd'hui éteinte, était autrefois située à proximité de du lieu-dit Le Manoir. Au nord de l'actuelle propriété, la présence d'une double motte castrale située sur la parcelle "Coat-Bihan-ar-Mouden" ("le petit bois de la motte", parcelle 537, cadastre de 1834) témoigne aujourd'hui encore de cette occupation ancienne du lieu.
Deux anciennes résidences seigneuriales subsistent à Coatréven. Il s'agit du manoir de Kermerrot (alias Kerveret) appartenant en 1655 à René Raison, sieur de la Garde et celui de la Villeneuve, en 1460 à Alain Daniel, sieur de Kermoisan.
La terre noble de Pont-Losquet, au Minihy de Coatréven, appartenait aux 15e et 16e siècles à la famille Campion, portant "De sable au léopard d’or, au chef d’argent". Celle de Kerbiriou à Jean Tuomelin (ou Tromelin) au 17e siècle (Nobiliaire et armorial de Bretagne).
Sur le territoire, la noblesse locale est symbolisée également par la présence de convenants (fermes). Le domaine congéable, très répandu en Basse-Bretagne et dont la toponymie est propre au Trégor, est un système d'exploitation des terres agricoles où le propriétaire foncier (généralement un seigneur) concède ses terres à un exploitant (appelé convenancier ou domanier), contre des rentes ou des corvées. A Coatréven, dix-sept lieux-dit témoignaient de ce système en 1834, contre huit aujourd'hui : Convenant an Ilis, Convenant Hery Bian, Convenant Luron, Convenant Meudec, Convenant Milin Gaz, Convenant Person, Convenant Runion et Convenant Sant.
Un chevelu hydrographique dense à l'origine d'un habitat dispersé
En 1834, une dizaine de constructions seulement est visible à proximité de l'église. Depuis cette date, le bourg de Coatréven a quelque peu évolué. Agrandi par le nord avec la construction du lotissement de Kerilis dans les années 1980, ce dernier connait un développement récent avec la construction d'une zone pavillonnaire à l'est, longeant la rue de la Poste.
En plus du bourg, la commune compte 66 lieux-dits sur son territoire. Seul le hameau de Lochrist, établi le long de l'axe reliant Tréguier à Lannion, est aussi important que le bourg en termes de constructions, suivi de peu par le lieu-dit de Prat Lédan. Ces derniers connaissent depuis quelques années le développement de zones pavillonnaires, implantées au cœur d'un noyau plus ancien.
Le reste du territoire communal se caractérise par un habitat dispersé, constitué dans une très grande majorité d'une à trois unités de vie et/ou d'exploitation (logis + dépendances). Cet habitat dispersé peut s'expliquer d'une part, par la présence d'un réseau hydrographique dense ponctué de nombreux points d'eau (puits, fontaines), la présence de nombreuses terres arables ainsi qu'un réseau ancien de routes et de chemins.
Dans son Dictionnaire historique et géographique de Bretagne (1843), Jean-Baptiste Ogée note que sur les 913 hectares que compte la commune, 729 hectares sont des terres labourables, 59 hectares de prés et pâturages, 18 hectares de bois, 9 hectares de vergers et jardins, 47 hectares de landes et incultes, ainsi que 225 constructions, 2 moulins et 26 routoirs.
Données démographiques
Par la qualité de ses terre et ses conditions de vie favorables, la commune a connu un fort développement au cours du 19e siècle.
En effet, depuis la fin du 18e siècle, la population de la commune de Coatréven qui compte à cette époque plus de 800 habitants, ne cesse d'augmenter pour atteindre son maximum au milieu du 19e siècle avec 1244 habitants. Depuis 1866, la population diminue de manière constante pour atteindre le nombre de 364 habitants en 1982, puis remonte progressivement avec 488 habitants recensés en 2015 (INSEE), répartis entre le bourg et les nombreux lieux-dits que compte la commune.
1793 : 836 habitants
1806 : 881 habitants
1836 : 960 habitants
1866 : 1244 habitants
1886 : 860 habitants
1906 : 732 habitants
1926 : 648 habitants
1946 : 556 habitants
1968 : 458 habitants
1982 : 364 habitants
1999 : 382 habitants
2015 : 488 habitants (dernier recensement)
Densité de population :
1866 : 136 habitants au km² (maximum)
1982 : 40 habitants au km² (minimum)
2015 : 53 habitants au km²
Le territoire communal est traversé au sud par la route départementale D786 reliant les villes de Lannion et de Tréguier et traversé au nord par la route départementale D6 menant à Perros-Guirec. Coatréven profite ainsi de cette proximité et voit depuis quelques années s'installer de plus en plus de perrosiens sur la commune.
Anaïs Tissier a réalisé le recensement du bâti et l'étude du patrimoine de la commune de Coatréven (22) dans le cadre de son stage de Master 2 restauration et réhabilitation du patrimoine bâti à l'Université Rennes 2 en 2018 (6 mois).