Dossier d’œuvre architecture IA22132830 | Réalisé par ;
Dupont Flavie (Rédacteur)
Dupont Flavie

Etudiante à l'Université Rennes 2, master 2 Histoire, civilisations et patrimoine double parcours Histoire et Sciences-sociales et parcours Médiation du Patrimoine de l'Histoire et des Territoires.

Dans le cadre d'une étude sur les châteaux parlementaires costarmoricains pour la réalisation d'un mémoire de recherche historique sur les châteaux habités par des parlementaires bretons. En partenariat avec l'association VMF et la Région Bretagne.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
  • inventaire topographique, Dinan agglomération
  • enquête thématique régionale, Inventaire des demeures parlementaires en Bretagne
Château de la Garaye (Taden)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Parc naturel régional de la Vallée de la Rance - Côte d'Emeraude
  • Commune Taden
  • Lieu-dit Garaye (la)
  • Dénominations
    château
  • Parties constituantes non étudiées
    colombier, chapelle, communs, ferme

Le château de la Garaye édifié au 16e siècle en plusieurs campagnes est depuis fort longtemps à l'abandon. La tradition évoque un démantèlement progressif et de nombreux réemplois de décors et de belles pierres dans le bâti alentour. La tour d’escalier polygonale hors-œuvre avec son décor d’accolades, de gables et de feuilles retournées de style gothique flamboyant fait montre de l’ambition architecturale de ses premiers commanditaires qui n’ont pu terminer l’ouvrage aux alentours de 1530. Des travaux d’achèvement sont attestés en 1573, tel le portail dorique de la grande salle, qui a du être déplacé en raison du collage de maçonnerie occultant d’anciennes baies. L’environnement du château a été bouleversé, mais subsiste toujours le grand colombier circulaire, la métairie de la Garaye, les bâtiments réservés à l’hôpital des pauvres construits par les « époux charitables », Claude-Toussaint Marot de la Garaye (1675-1755) et son épouse Marguerite de La Motte Picquet (1681-1757).

(Inventaire topographique Dinan agglomération, Véronique Orain, 2017)

La Garaye, un château parlementaire ?

Le château de la Garaye, situé à Taden, fait partie des châteaux parlementaires, car il abrite sur trois générations des membres du Parlement de Bretagne (1623-1712). Cette institution, qui confère un prestige social considérable, permet à ses membres d'être une élite parmi les élites. Le château de la Garaye s’inscrit alors parmi les lieux de résidence de cette petite noblesse parlementaire, composée de 110 membres environ par sessions, sur les 20 000 nobles recensés au 18e siècle.

Ce château devient également le théâtre d’un tournant majeur pour l’un de ces parlementaires : Claude-Toussaint Marot. Conseiller originaire au Parlement de Bretagne pendant une dizaine d’années, de 1701 à 1712, il renonce à cette fonction prestigieuse et urbaine pour mener, avec son épouse, une vie de piété à la campagne, dans leur domaine de la Garaye à Taden. Ensemble, ils fondent l’hôpital de la Garaye, se consacrent aux soins des pauvres et à la pratique de la médecine, opérant ainsi une rupture radicale avec la tradition parlementaire familiale. En effet, cette lignée compte plusieurs parlementaires : Son père, Guillaume II Marot, exerce lui aussi la charge de conseiller originaire de 1673 à 1686, tandis que son grand-père, Guillaume Marot, occupe cette même fonction de 1623 à 1667. Lorsque Henri II institue le Parlement de Bretagne en 1553, il crée deux types de charges : les charges dites « originaires » et les charges « non-originaires ». Cette distinction repose sur l’origine géographique du magistrat — bretonne pour les premiers, française pour les seconds. Si cette différenciation est déterminante au 16e siècle, elle ne subsiste plus qu’à titre nominal au 18e siècle. Guillaume I Marot, fils de Raoul Marot, écuyer et seigneur de Taden, est celui qui acquiert la seigneurie de la Garaye en 1612 auprès de la famille Ferré. Il s’investit pleinement dans son développement, jusqu’à l’élever au rang de comté. Il est également le fondateur d’une dynastie parlementaire, marquant ainsi l’entrée durable de la famille Marot dans l’élite judiciaire bretonne.

Ainsi, le château de la Garaye fait partie des 21 châteaux parlementaires recensés dans le département des Côtes-d’Armor.

((Inventaire des demeures parlementaires en Bretagne, Flavie Dupont, 2025)

Un projet inachevé à la fin du Moyen-Age

Les ruines romantiques du château de la Garaye posent toujours question. L'écu mi-parti sculpté à l'intérieur sur la pointe de l'accolade de la porte d'accès à l'escalier correspond à des armes d'alliance entre les familles Marot et Ferré et se lit ainsi : à dextre (armes de l'époux) : « d’azur à la main dextre posée en pal, accompagnée d’une étoile d’or au canton dextre du chef, qui est Marot, et à senestre (armes de l'épouse) d’argent à la fasce d’azur accompagnée de 3 molettes de même (ou de gueules) : qui est Ferré ». Les récentes recherches généalogiques ne nous confirment toujours pas ce mariage. Depuis la réédition des Mémoires de Charles Gouyon de la Moussaye annotées en 1901, il est convenu d’attribuer à Macé Marot, sieur de la Meffrais à Saint-Samson, qui décède en 1550, et a son épouse une demoiselle Ferré le commencement des travaux.

Il est probable que le couple Marot-Ferré décède sans postérité avant l'achèvement du château et que la propriété revient aux Ferré comme l'atteste les deux écus aux armes des Ferré servant de consoles à une lucarne ruinée au sommet de la tour.

La tour d’escalier à pans coupés avec son décor flamboyant se situe dans les premières décennies du 16e siècle. Le décor des baies avec double accolades rappelle celui de la tour d'escalier du château de Nantes édifié à la fin du 15e siècle. Le manoir de Penmarc'h à Saint- Frégant (29) daté 1540 peut servir également de référence. S’y retrouvent le riche décor flamboyant, les doubles accolades gothiques en ornement mais aussi dans les encoignures de fines colonnes à chapiteaux. L’usage de la travée et la partition appuyée des différents niveaux par un quadrillage de moulures sont dans l’esprit du style Louis XII.

La reprise du chantier en 1573

Claude du Chastel reçoit la Garaye en 1573. Il est écrit dans les mémoires de son époux, Charles Gouyon, qu’elle fit promptement terminer le château dont la reconstruction avait été délaissée depuis nombre d’années. On lui doit une partie de l’agrandissement en moellons qui était à l’origine recouverte d’un enduit de chaux. Le portail d’entrée avec ses deux colonnes doriques qui soutiennent un entablement à triglyphes est résolument dans le goût de la seconde Renaissance. Pour s'harmoniser avec ce nouveau style, les lucarnes à gables gothiques sont transformées par des lucarnes à frontons courbes. L’une d’entre- elles, en place, témoigne toujours de cette habile métamorphose.

Claude-Toussaint Marot de la Garaye (1675-1755) et Marguerite de La Motte Picquet (1681-1757), les époux charitables

Le château de la Garaye est passé à la postérité, grâce au comte Claude-Toussaint Marot de la Garaye et son épouse Marguerite Picquet. Ce couple, que l’on nomme aussi « les époux charitables », crée en 1714 à la Garaye un hôpital pour soigner les pauvres. Ils pratiquaient toutes sortes d’opérations, lui est connu pour ses talents de chimiste, il invente une nouvelle méthode pour extraire les sels essentiels des minéraux et plantes médicinales. Marguerite, quant à elle pratiquait des opérations des yeux comme la cataracte. Leur vie au service des humbles a retenu l’attention du Pape Jean-Paul II qui les nomme, comme modèle de vie exemplaire, lors de sa visite à sainte Anne d’Auray le 20 septembre 1996.

Sur le côté ouest de l'ancienne avant cour, un grand bâtiment accolé au pavillon du début du 17e siècle fut peut-être construit au début du 18e siècle afin de servir d'hôpital. Si le bâtiment a été entièrement conservé, il n’a cependant pas pu être visité.

L’aménagement du château au début du 18e siècle

C’est le 7 février 1701 que Claude-Toussaint Marot de la Garaye épousa Marie-Marguerite de la Motte-Picquet. Leurs biographes s’accordent pour témoigner de leur changement radical de mode de vie. Au début de leur mariage, les époux mènent une vie fastueuse. Il est fort probable qu’ils réaménagent le château, tant pour ses extérieurs que pour ses intérieurs. Les grandes travées, de la partie ouest, marquées par des baies rectangulaires ainsi que le bandeau de séparation des niveaux sont dans l’esprit classique de cette période. La façade enduite avait au début du 18e siècle, une tout autre allure. Une description de Charles-Rolland Néel de la Vigne dans ses « Souvenirs » évoque à la fin du 18e siècle, un intérieur raffiné, le salon était orné de peintures et de dorures et le sol était marqueté, « un parquet formé de carreaux artistement ajustés ».

De l’abandon au classement en 1920

Charles-Rolland Néel de la Vigne déplore toutefois, dès la fin du 18e siècle, l’abandon du château et son manque d’entretien depuis le décès du comte et de la comtesse de La Garaye. Dans un rapport de perquisition effectuée le 24 juin 1791, il est décrit en ruine. Les brutalités révolutionnaires ont eu fin des décors portant des armoiries. La ferme toujours habitée lors du recensement de 1797 et 1798 compte plusieurs personnes au service de la famille Haye de Nétumières. Reconnu pour son intérêt architectural et historique, le château est classé au titre des Monuments Historiques en 1920 afin de stopper son démantèlement. Les travaux nécessaires de consolidation des ruines n’ont pas été menés. Un projet de mise en valeur dessiné par Arnaud de Saint-Jouan a permis un temps de rêver en faisant du site, un lieu de visites agencé de grands jardins à la française. Ce projet respectueux du site n’a pu être soutenu financièrement. La propriété a été divisée et des labours ont remplacé les grands jardins projetés. La chapelle en ruine est menacée de disparition.

(Inventaire topographique Dinan agglomération, Véronique Orain, 2017)

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 16e siècle, 3e quart 16e siècle
    • Secondaire : 1er quart 18e siècle
  • Dates
    • 1573, daté par source

L’environnement du château a été très modifié depuis le cadastre de 1844. La grande avenue n’existe plus comme les vastes jardins. Le départ de cette avenue subsiste toutefois au sud de la N 176 sur le territoire de Dinan. Une aile à l’ouest, derrière la ferme a été construite récemment et la chapelle, plus au sud, est condamnée à la disparition. Le projet d’Arnaud de Saint-Jouan pour une mise en valeur des lieux, réalisé il y une dizaine d’années se risque à proposer une élévation et des grands travaux d’aménagement de jardins à la française. Un relevé des murs du manoir encore existants permet de mieux comprendre les différentes pièces et leur modification au cours du temps.

Le plan

une grande salle, au centre, communiquant avec des chambres basses à l'est et à l'ouest et une aile arrière, abritant très probablement la cuisine.

L’escalier

On accède à l’escalier depuis la salle. La porte très ornée de style gothique flamboyant porte des armes d’alliance Marot et Ferré. L’escalier en vis en pierre de taille a presque totalement disparu, il ne subsiste que les premières marches. A chaque niveau des niches et des reposoirs pour les étages, garnis d’accolades simple ou double, indiquent la qualité de la mise en œuvre dans les détails. Le dernier niveau de la tour ne présente pas de parement intérieur en pierre de taille de granite.

Une petite vis relais en encorbellement permettait d’accéder à l'étage de comble et à une pièce haute, au sommet de la tour.

Le décor

La plus grande partie sauvegardée des décors, d’une grande qualité d’exécution, est concentrée dans la partie est du château avec la tour d’escalier. Quelques fragments de bas-reliefs sont encore visibles sur un pan de la tour et sur la façade principale. Ces derniers bûchés sont placés dans des niches à accolades, sur l’un d’entre eux se devinent deux personnages debout tenants des armoiries. Plus étonnants, sont sculptés deux Atlantes qui encadraient une porte. Leur mauvais état ne nous permet plus d’en rendre compte avec précision. Quelques cheminées, en partie démantelées, sont encore en place, comme celle de l’ancienne salle et de la chambre basse à l’est.

Armoiries

Sur le linteau de la porte de la tour d’escalier du château se voient les armes mi-parti d’azur à la main dextre posée en pal, accompagnée d’une étoile d’or au canton dextre du chef, qui est Marot et d’argent à la fasce d’azur accompagnée de 3 molettes de même : qui est Ferré .

Au sommet de la tour d'escalier, deux blasons d’argent à la fasce d’azur accompagnée de 3 molettes de même qui sont Ferré.

Sur un pan de la tour d'escalier dans une niche : deux lions en support tiennent un blason martelé.

En façade dans une niche : deux personnages tiennent un blason martelé.

(Inventaire topographique Dinan agglomération, Véronique Orain, 2017)

  • Murs
    • granite pierre de taille
    • granite moellon
  • Étages
    1 étage carré, étage de comble, sous-sol
  • Escaliers
    • escalier hors-oeuvre : escalier en vis en maçonnerie
  • État de conservation
    menacé
  • Techniques
    • sculpture
  • Représentations
    • ornement architectural
    • armoiries
    • atlante
    • personnages
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée
  • Protections
    classé MH, 1920/07/22
  • Référence MH

Documents d'archives

  • A.D. des Côtes d'Armor, cadastres anciens de 1809 et 1843, série 3 P 339.

    Archives départementales des Côtes-d'Armor : série 3 P 339.

Bibliographie

  • MONIER M.E. Châteaux, manoirs et paysages ou quinze promenades autour de Dinan. Mayenne : Joseph Floch, 1975 (nouvelle édition revue et augmentée). P450-456.

  • Mémoires de Charles Gouyon, baron de la Moussaye (1553-1587), publiés, d’après le manuscrit original par G. Vallée et P. Parfouru. Partis : ¨Perrin et Cie, libraires éditeurs, 1901

  • MONTECOT Charles. La Fontaine-des-Eaux minérales de Dinan. La féerie de l’Argentel. Lanvallay : Editions La Griffe du Temps, 2011

  • NEEL-DELAVIGNE Charles-Rolland. Souvenirs de Neel de La Vigne Charles-Rolland, ancien Sous-Préfet … (Ed.1850), réédition par Hachette Livre Bnf, 2012

  • SAINT-JOUAN, Arnaud. Le château de la Garaye en Taden (Côtes-du-Nord). Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1988, p.25-39

Annexes

  • Mémoires de Charles Goyon, concernant la Garaye
  • Les familles mentionnées à la Garaye
Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2017, 2025
(c) Région Bretagne
Dupont Flavie
Dupont Flavie

Etudiante à l'Université Rennes 2, master 2 Histoire, civilisations et patrimoine double parcours Histoire et Sciences-sociales et parcours Médiation du Patrimoine de l'Histoire et des Territoires.

Dans le cadre d'une étude sur les châteaux parlementaires costarmoricains pour la réalisation d'un mémoire de recherche historique sur les châteaux habités par des parlementaires bretons. En partenariat avec l'association VMF et la Région Bretagne.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.