Situation :
Maison construite en retrait d'alignement de la rue Brizeux, entre mitoyens, sur une longue parcelle étroite qui est occupée, à l'arrière par un jardin.
Description :
Composition générale et distribution :
La maison est isolée de la rue par un mur de clôture, autrefois continu, et un portail métallique surmonté d'ornements en fer forgé, qui permet l'accès à un passage situé en avant d'une dépendance placée en retrait par rapport à la façade principale. Remaniée, cette clôture est aujourd'hui ouverte sur un escalier latéral menant au perron et sur une entrée de garage en sous-sol. L'édifice, établi sur un plan massé, présente en façade un avant corps sur la gauche correspondant aux pièces d'habitation principales (salon sur la rue et salle à manger à l'arrière) ; cette légère saillie se retrouve sur le jardin où elle était augmentée par un bow-window en rez-de-chaussée, lequel a été agrandi à l'époque contemporaine. Au-delà du vestibule d'entrée et de ses quelques marches, un accès sur la droite ouvre sur la cage d'escalier desservant les étages et sur un passage vers le jardin. A l'arrière, une pièce communiquant avec la salle à manger était autrefois un bureau. Les étages (un étage carré, un étage mansardé et un grenier), comportent chacun 3 pièces distribuées à partir d'un dégagement central ; de petites pièces (cabinets, garde-robe) sont ménagées dans la partie située au-dessus de l'entrée et dans la fausse travée de droite. Cet élément, construit au-delà du mur de soutènement, n'est en fait qu'un lien vers le mur mitoyen. De l'autre côté, un petit corps de bâtiment construit en annexe abritait, communiquant avec la salle à manger, une cuisine située au-dessus de deux petites pièces. Il est actuellement difficile de savoir si cette disposition est d'origine.
Élévation :
La façade principale, caractérisée par une polychromie éclatante, est construite en brique rouge, avec pour le corps en saillie, une alternance des assises avec un moyen appareil de schiste violet. L'ensemble est rehaussé d'éléments de calcaire en pierre de taille (appuis, linteau, corniche) essentiellement concentrés sur les parties hautes, comme autant d'accroches d'un foisonnant décor sculpté.
Jobbé-Duval inaugure ici un système de composition qui caractérisera par la suite nombre de ses oeuvres, système arrivé à maturité consistant en l'articulation de trois volumes distincts exprimant clairement en façade les distributions intérieures (entrée encadrée d'une cage d'escalier en tourelle et d'une pièce d'habitation située dans un avant corps latéral). Ce parti permet à l'architecte d'offrir une façade animée par l'équilibre asymétrique de volumes placés à différents niveaux (horizontalement et verticalement). Au corps saillant gauche surmonté d'une riche lucarne ouverte dans le brisis du toit, répond la tourelle en encorbellement et couverte en poivrière occupant la travée opposée. Au centre, l'attention est retenue au niveau inférieur sur l'entrée du bâtiment.
La préciosité de l'élévation est encore renforcée par la richesse du décor porté : frises de tuffeau sculptées, incrustées de losanges d'ardoise ou ornées de cabochons de grès flammé, consoles et entablement sculptés sous la corniche, multiplication de petits frontons cintrés, pots à feu, l'ensemble de l'ornementation inspirée par la Renaissance ligérienne livre sa complexité et son raffinement tout en témoignant des influences savantes de son auteur. Un avant-projet pour la façade présente l'avant corps saillant couronné d'un large pignon chantourné, encadré de volutes à la manière des édifices flamands ; ce parti, plus lourd, ne sera finalement pas retenu.
Sur le jardin, la façade présente une plus grande simplicité : encadrements de baies et chaînage d'angle en briques, remplissage en moellons de schiste violet, et, autrefois, bow-window polygonal à petits carreaux. Au-dessus d'une corniche de pierre de taille, l'accent est porté sur deux lucarnes, ouvertes dans le toit à la Marsart, qui avec leurs piédroits ornés, présentent l'une, un fronton triangulaire, l'autre un fronton cintré.
Intérieur :
L'intérieur de la maison conserve en partie ses distributions d'origine. Le vestibule d'entrée était pavé de mosaïque, tandis que son mur droit, percé d'une arcature cintrée ouvrait visuellement sur le départ de l'escalier. Les parois sont recouvertes de lambris tantôt placés à hauteur d'appui, tantôt couvrant la surface jusque sous le niveau du plafond ménageant une bande nue dans la partie supérieure du mur. Cette disposition est particulièrement lisible dans la salle à manger, laquelle conserve un décor d'exception : les lambris de chêne clair, disposés en panneaux géométriques, sont surmontés d'un entablement rythmé de consoles galbées et de tables, l'ensemble étant sculpté de motifs de volute et de feuilles d'acanthe. Les parties centrales sont, à mi-hauteur, percée par un large cadre rectangulaire renfermant une toile peinte à l'huile représentant des natures mortes. Au-dessus de la cheminée garnie de carreaux de grès vert et d'une console, un tableau de fleurs, de fruits et de sucrerie peint dans des tons clairs fait pendant à celui, plus sourd, représentant du gibier. L'ensemble de ce décor est complété par un plafond à caissons géométriques orné d'une garniture centrale à motif végétal en plâtre.
Conclusion :
Construite quelques années après la "nouvelle maison de la coquille" (1880), la maison du 21 rue de Brizeux également conçue par l'architecte pour lui-même, présente un parti tout à fait différent. La façade n'est plus considérée comme un écran mais révèle avec clarté les dispositions intérieures ; ce principe sera repris dans des constructions postérieures, l'hôtel de la Villeaucomte par exemple. En revanche, l'inspiration stylistique, encore marquée par la Renaissance, se mêle à des références diverses pour créer un ensemble qui pourrait être qualifié de "pittoresque savant", parfaitement original, et caractéristique d'un habitat périurbain où la tentation exotique de l'architecture de villégiature serait comme contenue par la proximité de la ville classique.