Dossier d’œuvre architecture IA22133297 | Réalisé par
Lécuillier Guillaume (Contributeur)
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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  • inventaire topographique, Lannion-Trégor Communauté
Sacristie et "librairie" de la cathédrale Saint-Tugdual (Tréguier)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Schéma de cohérence territoriale du Trégor - Tréguier
  • Commune Tréguier
  • Adresse 1 boulevard Anatole le Braz
  • Dénominations
    sacristie, bibliothèque

Selon le catalogue de la bibliothèque de Tréguier daté de 1491 (Arthur de La Borderie, 1862), la bibliothèque du chapitre de Tréguier comptait 191 volumes dont plusieurs volumes imprimés. Laurent Le Maout, prêtre est nommé "gardien des livres […] existant dans la bibliothèque neuve". A ce titre et contre "distributions capitulaires", "il devra tenir ladite bibliothèque ouverte pendant la durée des divins offices qui seront célébrés en l'église cathédrale de Tréguier, mais non davantage, si ce n'est son plaisir". Il est précisé que la librairie neuve a accueilli les "chanoines tenant chapitre" ce qui permet de penser que cette pièce à usage de bibliothèque pouvait occasionnellement également servir de "salle du chapitre" ou "chambre capitulaire".

Entre 1491 et 1499, la bibliothèque du chapitre s’est vraisemblablement enrichie grâce à un don du chanoine Auffroy de Coëtqueveran. Cette donation comprenait notamment un exemplaire du Catholicon (du grec "universel"), livre rédigé par Jehan Lagadeuc en breton, français et latin, destiné à l’éducation des clercs et imprimé pour la première fois à Tréguier par Jehan Calvez le 5 novembre 1499. Rappelons, que l’imprimerie est arrivée en Bretagne vers 1480-1490 et que le chapitre de la cathédrale est certainement à l'origine de l'installation d'un atelier d'imprimerie à Tréguier dès 1485. Le premier incunable breton ayant été imprimé à Bréhant en décembre 1484.

Selon le "catalogue des évêques de Tréguier rédigé au 15e siècle", la cathédrale Saint-Tugdual est agrandie sous l’épiscopat de Jean de Ploeuc (c’est-à-dire entre 1442 et 1453) d’une sacristie ("revestiarum") et à l’étage d’une librairie ("librariam") pour le chapitre. Pour rappel, il est couramment admis que la construction du cloître a démarré vers 1450 et s’est achevé en 1470 (bénédiction le 25 septembre 1468).

Selon les archives des comptes de fabrique analysées par Michel Chauou, la construction de la librairie par Jean Le Jouhaff, maitre charpentier (qui s’occupe des échafaudages avec du bois provenant de Bégard) et des tailleurs de pierre est en réalité lancée en 1484 et s’achève en 1491 par des travaux de serrurerie. Plancher et lambris de la "nouvelle librairie" sont réalisés par Gérard Dru (menuiser et sculpteur) qui travaille également au mobilier : pupitres, bancs, escabeaux et tables (René Couffon, 1930 ; Michel Chauou, 1969). Du côté de la galerie du cloître au niveau des baies de la sacristie, et du côté ouest, la maçonnerie en pierre de taille de granite témoigne ainsi de deux campagnes de construction distinctes.

La bibliothèque du chapitre de Tréguier s’enrichissait grâce à des dons : d’après Arthur de La Borderie, c’est l’importante donation faite par Prigent Le Barbu, trésorier de la cathédrale (mort le 1er avril 1486) qui a favorisé la construction d'une nouvelle librairie. Ses armoiries sont d’ailleurs placées en 1487 dans la grande vitre de la librairie due à Albert de Horst (peintre et verrier originaire d’Allemagne).

Dans le mur est de la sacristie (située au rez-de-chaussée), le réseau en quadrilobe de la fenêtre principale en arc brisé a conservé en place le seul élément de vitrail ancien de la cathédrale gothique qui confirme parfaitement les sources archivistiques. Sous une mitre épiscopale et portée par deux anges, figurent les armoiries de l’évêque Jean de Ploeuc "chevronné d'hermines et de gueules de six pièces" qui a lancé les travaux du cloître. Sous la verrière éclairée en second jour par la grande lucarne ouverte dans le versant du toit du cloître, se dressait un autel dont la niche-crédence gothique en kersanton témoigne encore de la présence. Entre la tour Hasting (bras nord de la cathédrale) et la sacristie se trouvait, selon Jean-Jacques Rioult, un tambour de porte faisant sas (en colombage ou en menuiserie) conçu afin de sécuriser cet espace. Il était éclairé par une petite fenêtre basse. L'existence de ces dispositions (autel et sas) est confirmée par le procès-verbal du sénéchal de Lannion suite à l'incendie de 1632. Le bras reliquaire de saint Tugdual et le chef de Saint-Yves étaient conservés dans la sacristie avec le "trésor".

L’absence de porte distribuant l’étage de comble et l’analyse de la charpente de type armoricaine (le volume des combles était rabattu par un plafond en torchis) permettent d’affirmer la présence d’une salle haute sous charpente accessible depuis l’escalier en vis de la tour Hasting (donc depuis la cathédrale). L'évêque pouvait passer du manoir épiscopal à l'église cathédrale en traversant la pièce située au premier étage et en descendant par l'escalier en vis (modifié à la même époque).

En 1632, dans la nuit du 5 au 6 septembre, un incendie se déclare dans la sacristie : le feu s'étant maintenu au rez-de-chaussée, le premier étage et la charpente sont restés intactes. Cet épisode est connu par le "Procès-verbal de justice du trésor, titres et garants de l’église cathédrale de Tréguier" daté du 6 septembre et conservé aux Archives départementales des Côtes-d’Armor (2 G 457- f°1). Il nous apprend que "le feu avait pris dans la sacristie de ladite église, avait brûlé et consommés les trésors sacrés, les plus précieux ornements et les plus importants titres, lettres et garants dudit chapitre et de ladite église" (voir l'annexe intitulée "Incendie de la sacristie de la cathédrale de Tréguier, 6 septembre 1632 : extrait du procès-verbal du sénéchal de Lannion). Conservées dans une pièce du manoir épiscopal accolée à la sacristie, les archives de l’évêché n’ont pas été affectées par l’incendie de la sacristie : elles sont transférées au 19e siècle aux archives départementales des Côtes-d’Armor. Malgré un examen attentif, aucune trace d’incendie n’a pu être observée dans l’édifice.

La date de l’aménagement du comble n’est pas connue mais pourrait se rapprocher de celle de la création des trois lucarnes est, c’est-à-dire du 18e siècle ce qui correspond aux travaux d’embellissement du palais épiscopal.

La sacristie faisant partie de l’ensemble architectural formé par la cathédrale et le cloître, elle a été classée au titre des Monuments historiques par la liste de 1840.

En 1935, les deux lucarnes ouest de la sacristie, originellement en bois, ont été remplacées par des lucarnes à fronton curviligne en granite. Peu après, la couverture de la sacristie a été remplacée par des ardoises épaisses de Sizun tandis que la charpente est consolidée.

En 2002, le Ministère de la Culture et de la Communication (Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne) a fait réaliser par Marie-Suzanne de Ponthaud, architecte en chef des monuments historiques, une étude sur la mise en sécurité et la valorisation du trésor conservé dans la sacristie. Elle a permis de réaliser un relevé complet du bâtiment : plans, coupes et élévations.

D’importants travaux de couverture ont été réalisés sur l’édifice en 2014.

  • Période(s)
    • Principale : milieu 15e siècle, 4e quart 15e siècle , daté par source
    • Secondaire : 18e siècle, 2e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1484, daté par source
    • 1485, daté par source
    • 1491, daté par source

Édifice situé entre la tour Hasting (bras nord de la cathédrale) et le palais épiscopal constituant la limite ouest du cloître. Il fermait à l’est l’avant-cour du palais épiscopal (aujourd’hui place du Général Leclerc). Construction soignée en pierre de taille et en moellon de granite comprenant à l’origine un rez-de-chaussée à usage de sacristie-chapelle, un étage sous charpente à usage de bibliothèque. La pièce du rez-de-chaussée est éclairée à l’est, côté cloître, par trois baies (dont une grande baie à remplage gothique) ; à l’ouest, par deux hautes baies à linteau droit chanfreiné et par une fenêtre basse éclairant à l’origine un tambour de porte situé entre la Tour Hasting et la sacristie. Les vitraux en petit losange de couleur claire des baies du rez-de-chaussée ont été conservés. La salle haute est dotée de dix fenêtres (menuiseries à petits bois) : cinq vers l’est, cinq vers l’ouest comportant chacune un glacis à trois degrés. Cette salle surprend par la qualité de son éclairage naturel donnant un aspect solennel à cet espace. Le plancher est constitué de tomettes reposant sur de la terre. La vocation de "coffre-fort" de l’édifice est renforcée par la présence de grilles sur chacune des fenêtres du rez-de-chaussée et de l’étage à l’est et à l’ouest. Le parement intérieur des maçonneries de moellon, autrefois enduit, est malheureusement jointoyé au ciment.

La couverture actuelle en ardoises épaisses de Sizun est percée à l’est de trois lucarnes à linteau en arc segmentaire, à l’ouest de deux lucarnes à linteau droit et à fronton curviligne en pierre de taille de granite dans le style du palais épiscopal (lucarnes ouest créées au 20e siècle). Le bâtiment a conservé sa charpente ancienne en dépit de plusieurs campagnes de restauration (et de l’incendie de 1632). Le positionnement de la souche de cheminée située entre la sacristie-bibliothèque et le palais épiscopal laisse penser à la présence d’une cheminée dans la sacristie ou dans la salle haute (cheminée aujourd’hui disparue). Une corniche en granite souligne les murs gouttereaux. Le pignon nord, découvert, a conservé ses rampants et crossettes sculptées de têtes mi-humaines, mi-animales.

Contrairement à la façade ouest restaurée au 20e siècle (le linteau en granite de la petite baie ouest a été changé en raison de sa fracture), à l’est, côté cloître, l’état sanitaire des maçonneries en pierre de taille est peu satisfaisant notamment au niveau de l’étage. De nouvelles techniques permettent de restaurer les pierres de taille sans avoir à les remplacer : une solution pour conserver les pierres d’origine de l’édifice.

  • Murs
    • granite pierre de taille
    • moellon
  • Toits
    ardoise
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Étages
    1 étage carré, étage de comble
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée sans travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans pignon découvert
  • État de conservation
    état moyen
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Protections
    classé MH, 1840
  • Précisions sur la protection

    Cathédrale (ancienne) et cloître (cad. 1999 AC 26) : classement par liste de 1840.

  • Référence MH

Bibliographie

  • CHAUOU, Michel. "Une cité médiévale, Landreguer au 15e siècle". Mémoire de maîtrise. Novembre 1969, 200 p.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel)
  • DE PONTHAUD, Marie-Suzanne (architecte en chef des monuments historiques). Côtes-d'Armor, Tréguier, cathédrale Saint-Tugdual. Étude de mise en sécurité et de mise en valeur de la sacristie de Tréguier. Décembre 2002, 110 p.

    Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne - CID Documentation du Patrimoine
  • BATARD, Christophe (architecte en chef des monuments historiques). Étude préalable à la restauration générale de l'ancien évêché de Tréguier. Rapport de présentation. Juin 2010, 86 p. Étude historique et documentaire réalisée dans ce cadre par Gérard Danet, historien du patrimoine.

    Archives communales de Tréguier
  • BATARD, Christophe (architecte en chef des monuments historiques). Étude préalable à la restauration générale de l'ancien évêché de Tréguier. Annexes : recherche de polychromies par Joël Marie, restaurateur de peintures murales. 2008, 17 p. Étude historique et documentaire réalisée dans ce cadre par Gérard Danet, historien du patrimoine.

    Archives communales de Tréguier
  • BONNET, Philippe, RIOULT, Jean-Jacques. Bretagne gothique. Édition Picard. 2010.

  • GALLET, Yves. "Tréguier, cathédrale Saint-Tugdual" in Monuments des Côtes-d’Armor, Le "Beau Moyen Age", congrès archéologique de France n°173, 2017.

Périodiques

  • LEMOYNE DE LA BORDERIE, Arthur. "Notes sur les livres et les bibliothèques au Moyen Âge en Bretagne" in Bibliothèque de l'école des chartes. 1862, tome 23. p. 39-53.

  • TEMPIER, D. "Documents sur le tombeau, les reliques et le culte de saint Yves". Saint-Brieuc, Mémoires de la Société archéologique et historique des Côtes-du-Nord, 1885-1886.

    Bibliothèque nationale de France
  • LEMOYNE DE LA BORDERIE, Arthur. "La bibliothèque du chapitre de Tréguier au 15 siècle". Archives du bibliophile breton, tome 4, 1907, p. 33-40.

  • COUFFON, René. Un catalogue des évêques de Tréguier rédigé au 15e siècle. Extrait des Mémoires de la société d'émulation des Côtes-du-Nord. Saint-Brieuc, 1930, 119 p.

Documents figurés

Annexes

  • Extrait du "catalogue des évêques de Tréguier rédigé au 15e siècle" (transcrit en latin par René Couffon en 1929)
  • La bibliothèque du chapitre de Tréguier par Arthur Lemoyne de La Borderie (1862)
  • Incendie de la sacristie de la cathédrale de Tréguier, 6 septembre 1632 : extrait des registres du vénérable chapitre de l’église cathédrale de Tréguier d'après D. Tempier, Mémoires de la Société archéologique et historique des Côtes-du-Nord, 1885-1886
  • Incendie de la sacristie de la cathédrale de Tréguier, 6 septembre 1632 : requête du chapitre à monsieur le sénéchal de la cour royale de Tréguier d'après D. Tempier, Mémoires de la Société archéologique et historique des Côtes-du-Nord, 1885-1886
  • Incendie de la sacristie de la cathédrale de Tréguier, 6 septembre 1632 : extrait du procès-verbal du sénéchal de Lannion d'après D. Tempier, Mémoires de la Société archéologique et historique des Côtes-du-Nord, 1885-1886
Date(s) d'enquête : 2017; Date(s) de rédaction : 2017
(c) Région Bretagne
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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