Dossier d’œuvre architecture IA56132206 | Réalisé par ;
Viard Théo (Rédacteur)
Viard Théo

Chargé d'étude - recensement patrimonial maritime à Lorient Agglomération

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  • enquête thématique régionale, Lorient Agglomération inventaire des patrimoines maritimes
Rue du Bout du Monde (Lorient)
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Lorient Agglomération

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Lorient
  • Commune Lorient
  • Adresse Rue Bout du Monde
  • Dénominations
    rue

La rue du Bout du Monde se situe entre les quartiers de Kergroise et de Keroman, au sud de la ville de Lorient. Elle est construite dans le prolongement de l’avenue de la Perrière et permet de desservir le port de pêche et le port de commerce. Terminant sa course sur la rade, cette rue offre une projection sur l’eau singulière, matérialisée par l’esplanade du Bout du Monde et l’embarcadère du port de pêche.

Sa localisation et sa fonction de desserte des complexes portuaires, en font un espace d’interface entre la ville de Lorient et ses ports. La rue du Bout du Monde a par ailleurs joué un rôle témoin des mutations de l’espace de la pointe de la Perrière puis du site portuaire de Keroman. Elle est à la fois le témoin de la transformation d’un espace récréatif où la rade est perçue comme lieu de divertissement à un espace de travail fonctionnel.

La rue du Bout du Monde correspond par ailleurs depuis toujours à un lieu de passage, permettant de rejoindre l’embarcadère de la pointe de la Perrière, qui devient ensuite l’embarcadère du port de pêche. L’esplanade du Bout du Monde représente ainsi un point de projection pour le transport maritime, vers la rade et la rive gauche, mais aussi vers des lieux plus éloignés comme Groix ou Vannes, voire vers des horizons plus lointains, qui valent à cette rue le nom de rue du Bout du Monde.

La rue est aussi marquée depuis la construction du port de pêche, par les passages des véhicules de fret. Auparavant traversée par une voie ferrée, dont on retrouve encore aujourd’hui les traces, la rue du Bout du Monde correspond aujourd’hui à un lieu de passage pour les camions du port de pêche. Deux accès véhicules sont ouverts à certaines heures de la journée, en fonction des horaires de travail du port, permettant le transit des camions de la gare routière et des travailleurs du port. Les horaires de travail rythment ainsi dans un sens, la vie de la rue et du quartier de la Perrière. Ces passages peuvent également être empruntés à tout moment par les piétons et font de la rue du Bout du Monde un espace de jonction entre le quartier de la Perrière et le port de pêche. En ce sens, ce lieu aux multiples usages se présente comme une entrée depuis la rade sur la ville maritime de Lorient.

Enjeux :

Le port de pêche de Keroman marque une rupture avec l’espace urbain par les restrictions d’accès qu’il pose sur son périmètre. A l’image du port de commerce de Kergroise, on note en effet que le périmètre du port de pêche est cloisonné, grillagé. Ils se distingue néanmoins par sa « perméabilité ». Si l’accès aux véhicules est complètement interdit pour les personnes ne travaillant pas dans le port, les accès piétons permettent une entrée assez libre pour les visiteurs. Ces accès ne sont pas indiqués comme étant interdits ou réglementés, cependant le piéton ne semble pas non plus invité à entrer sur le port de pêche et n’a pas de réelle « place » dans cet environnement de travail. On peut cependant constater que certains visiteurs n’hésitent pas à s’approprier ces espaces ouverts, à fréquenter les quais voire y développer des pratiques comme pêche à la ligne par exemple.

La rue du Bout du Monde a toujours occupé une place importante dans les mobilités et l’intermodalité à Lorient et à travers la rade. Celui-ci est aujourd’hui matérialisé par l’embarcadère, les lignes de bus mais a aussi connu la présence d’un tramway. Dans des perspectives de développement des réseaux d’intermodalité, il serait intéressant de considérer cette place centrale qu’a toujours eu cette rue. Si les réseaux de transports en commun semblent suffisants pour répondre à la demande actuelle, il pourrait cependant être intéressant d’interroger la place du vélo et des autres modes de transport doux dans les quartiers de Kergroise – Keroman et de la Perrière, afin de faire perdurer l’efficacité des mobilités autour de ce pôle que présentent l’embarcadère du port de pêche et la rue du Bout du Monde.

L’accès visuel à la rade dans l’ensemble du complexe portuaire Kergroise - Keroman se limite ensuite seulement à l’embarcadère, situé au bout de la rue du bout du monde. On note par ailleurs qu’il constitue le seul espace de ce quartier où l’aspect esthétique est travaillé. Végétalisé, équipé d’un ponton en bois, il correspond au seul espace directement destiné à l’accueille des visiteurs, contrastant ainsi avec l’environnement industriel au sein duquel il s’intègre.

La rue du Bout du Monde est aujourd’hui au cœur des dynamiques de réaménagement du port de pêche autour du quai Michel Tonnerre, de la criée et de l’ancienne Glacière, détruite en 2022. Cette rue est ainsi encore aujourd’hui au cœur des mutations de l’espace portuaire et son rôle d’interface est constamment redéfini. Les enjeux de connexion entre les ports et la ville se traduisent notamment à travers plusieurs problématiques comme l’ouverture du port de Keroman aux visiteurs, l’accessibilité au front de mer mais aussi les jonctions existantes à valoriser avec l’autre rive de la rade.

Du 17e siècle au milieu du 19e siècle, la pointe de la Perrière, un espace récréatif

Située dans le prolongement de l’avenue de la Perrière, la rue du Bout du Monde était auparavant rattachée à l’avenue Sainte Catherine. Construite sur la pointe rocheuse de la Perrière, elle surplombait une petite plage de cailloux.

Depuis le 17e siècle, l’embarcadère de Sainte Catherine, intégrant une petite cale, est un lieu d’embarquement où abordent les vedettes en provenance de Port Louis et de Locmiquélic mais qui permettent aussi aux militaires de rejoindre Vannes ou l’île Saint Michel. Les voyageurs empruntaient alors l’avenue de Sainte Catherine pour rejoindre l’embarcadère depuis Lorient.

Un peu plus tard, la pointe de la Perrière est investie comme lieu de divertissement et des premières infrastructures voient le jour comme le casino de la Perrière ou les bains bois. Elle correspond alors à un lieu de détente, de loisirs, où l’on vient profiter de la pointe pour admirer le large panorama qu’elle offre. L’espace est vécu comme un « espace décors » (propos de R. ESTIENNE recueillis par S. LE HENNANF) et l’avenue, entourée d’eau est un espace de proximité à la rade privilégié pour les lorientais.

La cale et les plages de la Perrière offrent ainsi une fenêtre sur une rade sauvage, le surnom de « bout du Monde » apparaît alors pour désigner cet espace ouvert sur la sortie de la rade et sur l’horizon.

De la moitié du 19e au début 20e siècle, la construction du complexe portuaire de Keroman bouleverse les usages de la rue

Dans la seconde moitié du 19e siècle, la rue et son environnement sont des lieux dans lesquels on se balade, se baigne et où l’on profite du paysage. La rade est le théâtre de régate, marquant les prémices du nautisme à Lorient avec la naissance du CNL (Centre Nautique de Lorient) en 1873.

A partir de 1919, la ville décide de déplacer les infrastructures du port de commerce au sud de la vasière de Kergroise et celles du port de pêche vers la pointe de la Perrière. Appuyés par un plan d’aménagement national, d’importants travaux sont réalisés. Ils visent dans un premier temps à poldériser la pointe de la Perrière et combler l’anse de Keroman pour accueillir le nouveau port de pêche. La glacière est achevée en 1920 et le port de pêche inauguré en 1927. La rue du bout du monde change alors totalement de fonction pour devenir un espace de travail industriel, moderne et fonctionnel. Des entreprises d’armement et de mareyeurs viennent alors installer leurs locaux le long de la rue qui devient une zone d’activité. Cette période marque le déclin puis la disparition des activités balnéaires sur cet espace.

Début 20e jusqu’au milieu du 20e siècle, une rythmée par le développement des ports

L’émergence du bâti lié à la construction du port, à l’image de la glacière, masquent progressivement l’ouverture visuelle vers la rade. La construction du port engendre paradoxalement un éloignement de la population lorientaise par rapport à son littoral, en même temps qu’elle transforme la rade en un espace de travail tourné sur la mer. Le rapport de la ville de Lorient avec la rade passe d’un lien récréatif à un rapport productif.

La rue du Bout du Monde devient le lien entre la ville et ses ports. La ligne de chemin de fer desservant les ports traverse d’ailleurs la rue au niveau de l’actuel boulevard Jacques Cartier, on peut encore aujourd’hui retrouver les rails de cette ligne par endroits. La rue correspondait aussi à un lieu de passage emprunté par les travailleurs du port de pêche, arrivant soit par bateau depuis la rive gauche ou bien en tramway depuis le centre de Lorient.

La rue du Bout du Monde se développe en fonction du dynamisme du port de pêche et des politiques entreprises par la municipalité. On y retrouve des bâtiments comme la caserne des douanes, qui s’est installée en lieu et place d’une belle demeure qui était composée d’un mur d’enceinte. Au 145 bis, la Compagnie "Radio Maritime" a pris place dans ses locaux. Au numéro 147, le casino de la Perrière a dû évoluer face au contexte et est devenu un hôtel-restaurant depuis 1923.

Cependant, la Seconde Guerre mondiale vient stopper cette effervescence. La rue est entièrement détruite lors du conflit. Dans la nuit du 4 février 1943, des bombes incendiaires et explosives touchent le quartier de la Perrière au cours des bombardements extrêmement violents. Le service des réquisitions allemandes met en avant, dans une lettre du 18 mars 1944, que toute l’avenue de la Perrière est arasée. C’est au moment de la reconstruction que l’on décide de remettre la rue en état.

Milieu 20e jusqu’à aujourd’hui, une identité portuaire toujours présente, malgré la perte d’influence du complexe de Keroman

À partir de 1945 et la libération de Lorient, la rue est de nouveau au cœur du développement de la pointe de la Perrière. Elle est reconstruite et de nouveaux hangars, garages ou ateliers d’armements viennent s’y installer. Dès 1949, les premiers permis de construire sont octroyés. On y retrouve les principaux armements de Keroman. C’est à la suite d’une délibération du conseil municipal, qui traitait des noms de rues, le 11 juin 1949, qu’elle obtient officiellement le nom de « Rue du Bout du Monde ».

Elle connaît un renouveau et cela à travers l’activité de la pêche. Les armateurs et dockers participent à la revitalisation du secteur. Cette revitalisation économique profite à l'ensemble du quartier de la Perrière, qui connait un nouvel essor. Cela s’observe par exemple avec l'arrivée de nouvelles populations, comme les Groisillons à partir des années 1960. Cette revitalisation connait malgré tout un essoufflement à partir des années 80/90, période à laquelle l'activité ralentit au port de pêche. Le contexte socio-économique est peu favorable, comme en témoigne la fermeture des Chantiers et Ateliers de la Perrière en 1989. La renommée de l'entreprise et la haute qualification des salariés ont été des facteurs favorables pour aider ces derniers à retrouver du travail dans les entreprises avoisinantes.

Aujourd'hui, elle est un point d'entrée sur le port de pêche et un accès vers le port de commerce. Son rôle d’espace transit est toujours marqué par l’embarcadère auquel elle donne accès et par les bus de la CTRL qui la traversent pour relier ce point au centre-ville. Elle correspond par ailleurs toujours à un espace de transport majeur, marqué par le trafic des camions du port de pêche, passant par le portail du port, situé au bout de la rue du Bout du Monde.

En 2022, les travaux de démolitions de la Glacière ont abouti. Ce bâtiment imposant qui masquait visuellement la rade est aujourd’hui détruit ce qui permet d’ouvrir la vue sur une partie de la rade et sur les bassins du port de pêche.

  • Période(s)
    • Principale : 21e siècle, 20e siècle, 19e siècle, 18e siècle, 17e siècle , daté par source

La rue du bout du Monde est une rue pavée de granit gris. Son bâti d’après-guerre est encore orné d’insignes telles que les ateliers du bout du Monde ou la corderie Lamanage, témoignant du passé industriel important qu’a pu jouer la rue dans le développement des ports, notamment celui de Keroman.

La rue du Bout du Monde se caractérise par un bâti dense, construit sur un seul côté de la rue (côté nord), composé d’anciens ateliers et d’anciennes maisons d’armateurs. Ces bâtiments en béton construits sur deux étages respectent un alignement en front de parcelle. Ils se différencient par la forme des toits, dont certains sont à double pentes tandis que d’autres sont plats, ainsi que par les matériaux de couverture utilisés, ardoise, tôles ou tuiles en fibre de ciment.

Certains bâtiments, notamment les anciens hangars et ateliers, se caractérisent par leurs façades simples et peu travaillées, tandis que d’autres comme celui des Ateliers du bout du Monde, témoignent d’un certain soin apporté à leurs frontons. Ce travail se traduit notamment dans la couverture de la façade par des plaques en béton au premier étage, par des encadrements de fenêtres et par la présence de bandeaux, reproduits sur les bâtiments voisins, qui créent une certaine cohérence architecturale entre les maisons mitoyennes.

  • Mesures
    • l : 135 m
    • la : 14,2 m
  • Précision dimensions

    longueur d’environ 135 mètres et largeur de 14,2 mètres

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
  • Sites de protection
    zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager
  • Protections

La rue du Bout du Monde est un prolongement de Lorient et plus précisément de l’avenue de la Perrière vers la mer. La rue est une véritable interface entre la mer et la ville, du fait de sa localisation et de son rôle. C’est un espace dans lequel l’espace urbain rencontre l’espace maritime. Cette rue est dotée d’une dimension identitaire et symbolique puisqu'il s'agit d'un espace aux multiples usages, en lien avec la pêche ou bien avec l’art.

Bibliographie

  • Anglejan D.; Le Berrigaud D.; « Au-delà des remparts» Un grand quartier de Lorient : Keroman, Univervisté du Temps Libre du Pays de Lorient, 2017, Lorient.

    Service Historique de la Défense de Lorient : C353
  • Gérard D.; Pierre M.; « Au-delà des remparts » Kergroise - Vasières, Port de commerce, zone industrielle,Université du Temps Libre du Pays de Lorient, Lorient, 2008.

    Service Historique de la Défense de Lorient
  • Gaigneux G.; Lorient d’hier et d’aujourd’hui, édition de la Cité, Brest, 1970.

    Service Historique de la Défense de Lorient : C3 35
  • Leclère A.; Leclère L.; « Les cartes postales anciennes nous parlent de Lorient: Carnel, La Perrière, Kéroman, Frébault, Kermélo », Lanester, 1993.

    Service Historique de la Défense de Lorient
  • Toullec F.; Les Chantiers et Ateliers de la Perrière, Archives municipales de Lorient, Lorient, mars 2021

Documents figurés

Documents multimédia

  • Le Goff C.; San Quirce S.; Queffelec Y.; "Marins de Groix - La migration à Keroman",Conseil Régional de Bretagne, 2012

Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2021, 2022