Dossier d’œuvre architecture IA56132299 | Réalisé par
Viard Théo (Rédacteur)
Viard Théo

Chargé d'étude - recensement patrimonial maritime à Lorient Agglomération

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  • enquête thématique régionale, Lorient Agglomération inventaire des patrimoines maritimes
Avenue de la Perrière (Lorient)
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Lorient Agglomération

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Lorient - Morbihan
  • Commune Lorient
  • Adresse Avenue de la Perrière
  • Dénominations
    avenue

 Entre quartier d'habitat et zones portuaires, une artère majeure entre la ville et ses ports

Située au sud de la ville de Lorient, l’avenue de la Perrière est l’artère principale liant le centre-ville  aux ports de commerce (Kergroise) et de pêche (Keroman). D’une longueur de 650 mètres, elle structure ces deux zones portuaires telle une colonne vertébrale.

Ce quartier à la fois portuaire et urbain, mêle une diversité d’usages, de pratiques et d’activités depuis quelques années. Il suffit de regarder les premiers immeubles de la rue, côté ville : l’Ecole Européenne Supérieure d’Arts de Bretagne (EESAB) et l’Agence d’Urbanisme de Lorient (AUDELOR). Ils occupent les anciens locaux de l’ usine de peinture Lappartient. Plus loin, sur un même secteur contraint, on peut trouver des immeubles d’habitations à proximité de grands silos de stockage agro-alimentaire et de hangars.

 C’est le long de la chaussée centrale que tout s’organise. La route est bordée par des places de stationnement adjacentes, d’une contre allée et d’une piste cyclable. Les espaces de cheminements piétons se caractérisent par de larges trottoirs, sur lesquels s’installent des terrasses de restaurants et de cafés. L’alignement de platanes sépare la chaussée de la zone piétonne, reprenant l’allée de tilleuls qui bordait l’avenue Sainte-Catherine auparavant.

Cet aménagement marque le paysage. Il rend un effet de perspective qui aboutit sur le port de pêche et la rade. On remarque également la présence de balises latérales, jalonnant l’avenue jusqu’à la rue du Bout du Monde. Ces balises  matérialisent l’entrée vers le port de Keroman, guidant les conducteurs comme des navigateurs à travers un chenal maritime. Plusieurs segments de route conservent l’ancien revêtement composé de pavés, notamment au sud de l’avenue et au niveau de certaines intersections. Son recouvrement en bitume est le fait des réaménagements successifs de la rue. Au sud de l’avenue, friches et rideaux baissés de magasins ou d'entreprises renvoient une image de déclin, d’une dynamique qui relèverait du passé. D’ailleurs les graffs aux motifs maritimes, aux créatures fantasmagoriques s’invitent sur ces murs, ici ou là.

L’observation sensible de ces 650 mètres révèle pourtant des contrastes. L’activité des restaurants et bars entretient toujours la fonction traditionnelle de « cantine » pour les professionnels des ports de pêche et de commerce. Si les nuits à la Perrière sont désormais silencieuses, les journées sont rythmées par les dynamiques portuaires et industrielles toujours intenses.

Quant aux graffeurs, ils trouvent dans ce secteur portuaire le lieu idéal pour exprimer leurs inspirations artistiques. Ces fresques sont souvent réalisées avec l’accord, voire à la demande des propriétaires des locaux. La présence de cette « contre-culture » s’exprime aussi par la présence, ces toutes dernières années, de salons de tatouages.

Un quartier en mutation entre influences portuaires et urbaines

L’avenue de la Perrière est empreinte d’un riche héritage culturel et historique (le bâti de la fin des années 1940 et 1950 par exemple).

Située à la rencontre de deux ports, l’avenue de la Perrière se trouve au cœur d’une zone d’activité restreinte et en constante évolution. Pour se renouveler, les ports de pêche, de commerce et plus récemment le pôle de course au large nécessitent de l’espace pour l’implantation de nouvelles entreprises. On assiste alors à la démolition de bâtiments emblématiques de l'histoire du port et de l'architecture des années 1950 pour la construction de nouveaux locaux : ancien frigorifique plus communément nommé la Glacière (détruite en 2022) ou de l’immeuble Kolorian (Architecte Rogé Beauvir, 1950, détruit en 2015).

La question du patrimoine s’efface alors dans ce contexte de mutation et de rénovation des infrastructures et bâtiments. Pourtant un paradoxe ! On note dans le même temps la présence forte de parcelles en friches. Celles-ci créent un sentiment d’abandon, diffusent l’idée d’une faible activité du port de pêche. Elles questionnent cependant les problématiques de gestion foncière. S’invite un troisième enjeu, celui  de la sobriété écologique et foncière.  Ce triple enjeu de préservation de l’héritage bâti, de sobriété environnementale et de préservation des réserves foncières disponibles pourrait soutenir la requalification du bâti existant inutilisé et guider les programmes de densification et de développement des activités portuaires. 

Enfin, la question des mobilités est évidemment prégnante pour cette artère liant ville et ports : flux de camions importants, stationnements de la voitures et véhicules de livraisons, engins de manutention, transports en commun, mobilités douces doivent cohabiter et satisfaire la diversité des usages et fonctionnalités économiques de cette zone urbaine active. Les futurs programmes d’aménagement du quartier devront s’en saisir.

 Par exemple, si les croisements en épingle liant l’avenue de la Perrière aux axes secondaires ont été, originellement, dessinés ainsi pour faciliter les manœuvres des poids lourds desservant les ports, le gabarit croissant des camions actuels induit un rabotement progressif des angles du bâti, ce qui peut interroger quant à la préservation et la gestion de l’espace public du quartier.

Pour la période qui précède 1943 se référer au dossier la rue du Bout du Monde.

 

Après-guerre, la reconstruction de l’avenue de la Perrière.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’environnement de la Perrière, quartier qui jouxte la base de sous-marins allemande, est complètement détruit. Cette année 1943, l'avenue subit non seulement les bombardements alliés mais également les destructions effectuées par l’armée allemande pour dégager le champ de tir de l’artillerie. Dans une lettre du 18 mars 1944, le service des réquisitions allemandes souligne que toute l’avenue est désormais arasée. Restent debout quelques rares immeubles. Ces événements ont largement modifié la topographie de la presqu’île, vallonnée auparavant, largement aplanie aujourd’hui.

Le quartier est redessiné jusqu’à l’effacement des moindres traces de la période précédente. L’architecte nommé par le Commissariat à la Reconstruction dès 1943, est Georges Tourry, (1904-1991). Ce polytechnicien destine ce secteur de la ville aux fonctions industrialo-portuaires.

L’espace de la Perrière apparaît sur ses plans selon une logique de rationalisation des axes desservant les points stratégiques des deux nouveaux ports d'alors : pêche au sud, commerce au nord. Pour faciliter la circulation des camions, il lui confère sa forme actuelle en « arrêtes de poissons ». Les rues adjacentes sont tracées ainsi pour faciliter le croisement et les manœuvres des poids lourds.

L’espace se conçoit donc ainsi :

- la première moitié nord est essentiellement bordée d’immeubles d’habitations à usages commerciaux en rez-de-chaussée.

- la partie sud  et les rues adjacentes muent peu à peu en zones d’activités où ateliers et des hangars prédominent.

 L’expansion urbaine autant que le développement des ports sous-tendent le programme. Les abords de l’avenue sont ainsi réservés à la fonction d’habitat, tandis que les terrains situés le long des axes secondaires servent de réserve foncière pour l’implantation d’entreprises en lien avec les zones portuaires. Les routes sont entièrement pavées et l’espace public est pensé pour laisser de la place aux véhicules sur la chaussée mais aussi pour permettre aux piétons de se déplacer sur les trottoirs le long de la route.

 

Les architectes H. Reglain et P. Brunerie sont désignés pour la réalisation de l’ensemble des îlots après la guerre. Bien qu’on y trouve des fonctions différentes (habitat, production liée aux ports, industrie, commerce, restauration), l’idée est d’homogénéiser l'architecture de l'avenue de La Perrière. Densité du bâti, forme et volume, ornements de façade et mitoyenneté y contribuent.

Vie et identités portuaires sur l’avenue de la Perrière

L'activité de l’avenue de la Perrière est fortement influencée par celui des ports : crises et mutations économiques (crises successives de la pêche depuis 1973), ouvertures et fermetures des ateliers (ateliers de Kergroise) et des chantiers navals (Chantiers Ateliers de la Perrière) ou encore départ de l’armée de la presqu’île de Keroman et, plus récemment, essor du pôle de course au large.

L’avenue est considérée comme la « cantine » des ports. Les locaux commerciaux en rez-de-chaussée des immeubles sont d’ailleurs majoritairement occupés par des bars et des restaurants. Certains établissements deviennent des références comme le bar chez Finette ou bien le Galion, emprunts d’une forte identité portuaire. C’est en effet souvent dans ces bars et restaurants qu’étaient distribués les salaires, négociés des marchés. C’est dans ces établissements que les marins, ouvriers et militaires se retrouvaient. Son surnom de « cordon ombilical » résonne assez bien avec cette idée que le quartier fonctionne autour de cette avenue, presque indépendamment de la ville. Cette principale porte d’entrée vers la ville demeure un espace de lutte et de revendication. L’avenue de la Perrière est bien l’espace privilégié d’interface entre la ville et ses ports de pêche et de commerce.

 

L’histoire maritime à chaque coin de rue

La toponymie et le mobilier urbain ne cessent de le chanter, nous sommes dans un port.

De nombreux grands hommes politiques tel que Louis Nail (1864-1920), maire de Lorient impulsant le développement du port de pêche, accompagné par le maire Alphonse Rio (1873-1949) ou encore l’amiral Jules Melchior, donnent aujourd’hui leurs noms à de grandes rues des quartiers de la Perrière, Kergroise et Keroman. On y retrouve également le nom de plusieurs hommes aux rapports étroits avec la rade, c’est le cas de l’abbé Louis Le Cam (1885-1948) qui est l’auteur de recherches sur l’île Saint-Michel ou encore Florian Laporte, ingénieur hydrographe.

Certains événements historiques dramatiques s’invitent également pour rendre hommage au chalutier la Tanche et à ses naufragés. Ce bateau saute sur une mine magnétique allemande dans les coureaux de Groix le 19 juin 1940 avec 250 personnes à bord.

Les noms des restaurants traduisent aussi cette appartenance au monde de la pêche tels que la Cambuse, la Trinquette ou encore Pesk ou le Poulpe.

  • Période(s)
    • Principale : 2e moitié 19e siècle , daté par source , (incertitude)
    • Secondaire : 3e quart 20e siècle , daté par source

Le bâti sur l’avenue, construit en front de parcelles, se caractérise par une homogénéité de style. Datant pour l’essentiel de la période de Reconstruction, après la Seconde Guerre mondiale. Il mêle immeubles d’habitations à proximité des zones industrielles et portuaires. 

Premier bâtiment de l’avenue, lorsqu’on vient de la ville, l’ancienne fabrique de peinture Lappartient marque l’entrée dans le quartier de la Perrière. Ce bâtiment de trois étages se distingue par son architecture monumentale, ornée d’une rotonde et d’un parement en granit.

 Les immeubles d’habitations suivent une organisation faisant apparaître des locaux commerciaux en rez-de-chaussée, surmontés d’un à trois étages d’habitations. Les façades de ces immeubles ont des caractéristiques communes, revêtues d’enduits ou bien de plaques de béton.

L’architecture emprunte certaines formes au maritime. On observe que les quelques balcons existants sont tournés vers la rade et peuvent, par moment, rappeler une forme de figure de proue se dressant au-dessus de la rue. Certains sont néanmoins très discrets au dernier niveau de l’immeuble. On retrouve aussi sur de nombreuses façades des fenêtres en forme de hublot.

Le travail des façades se traduit également dans les encadrements des fenêtres en béton, reproduits sur l’ensemble des élévations des bâtiments donnant sur la rue. La mise en couleurs des encadrements de portes et de fenêtres permet une différenciation entre les immeubles. Les bâtiments possèdent des toits en ardoise à double pente. Certaines toitures sont percées de lucarnes rentrantes.

La rue évolue progressivement vers des bâtiments caractéristiques d’un ensemble industriel lorsqu’on descend en direction le port de Keroman. Si des immeubles d’habitation sont toujours présents vers le sud de l’avenue, de manière éparse, les hangars et ateliers de production dominent. Ce bâti se caractérise par des armatures en métal, des toits en fibres de ciments. Les façades sur l’avenue sont généralement maçonnées. L’ancienne conserverie de Kergroise marque particulièrement l’espace à l’embranchement avec la rue du bout du Monde. Aujourd’hui à l’abandon, elle se distingue par son emplacement en retrait de rue. Murs de parpaings en béton bruts et façade font ainsi rupture avec le reste de la composition urbaine de l’avenue. Elle est aujourd’hui recouverte d’une grande fresque remarquable, faisant allusion au domaine maritime : l’océan pollué en danger.

Des nouveaux bâtiments  ont été construits ces dernières années, comme celui de la Colloc ou de l’agence d’architecture DDL. Ils marquent une diversification des activités sur l’avenue. Ces immeubles apportent des activités nouvelles, ainsi qu’un modèle d’architecture très contemporain. S’ils se démarquent du bâti général, ils s’intègrent dans un modèle urbanistique et architectural. Les nouveaux matériaux (brique, bois) marquent une vraie rupture. Pourtant une cohérence d’ensemble se lit sur ces fronts et alignements de rue. Ces bâtiments respectent les gabarits du bâti existant. Caractéristiques, vocabulaires et formes architecturales demeurent en cohérence avec le reste de l’avenue : encadrements des fenêtres, travail de la façade en rez-de-chaussée, accueil de commerces ou d’espaces de restauration en rez-de-chaussée.

  • Statut de la propriété
    propriété de la commune, Espace public
    propriété d'une personne privée, Appartements et locaux professionnels privés
  • Sites de protection
    zone de protection du patrimoine architectural et urbain

L'avenue de la Perrière est l'artère principale liant la ville de Lorient aux ports de Kergroise et de Keroman. Elle constitue ainsi un espace d'interface entre espace urbain et espace maritime. Elle est par ailleurs dotée d’une dimension identitaire et symbolique puisqu'il s'agit d'un espace aux multiples usages, en lien avec la pêche ou bien avec l’art.

Bibliographie

  • YUHEL-BERTIN Emmanuelle, Keroman, une aventure humaine, Liv’Edition, 2017

Date(s) d'enquête : 2021; Date(s) de rédaction : 2022
(c) Lorient Agglomération
(c) Région Bretagne
Viard Théo
Viard Théo

Chargé d'étude - recensement patrimonial maritime à Lorient Agglomération

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