La construction du port, au début du XXème siècle, d’un espace de loisir à un espace industriel

Le port de pêche de Keroman voit le jour suite à un plan d’Etat lancé en 1919, sous l’impulsion de Louis Nail, ancien maire de Lorient et sous-secrétaire d’État à la Marine marchande et Alphonse Rio, pour déplacer les infrastructures, originellement situées au niveau de l’estacade (port à flot), qui ne suffisent plus à répondre aux besoins du port. C’est l’ingénieur Henry Verrière qui est chargé de dessiner les plans du port.

Jusqu’en 1927, année de l’inauguration du port de Keroman, le port de pêche se situe dans l’avant-port du Faouëdic, au niveau de l’estacade en centre-ville de Lorient. Mêlant activités de pêche et de commerce, l’espace est considéré trop exigüe, suite à cela il est décidé de le déplacer avec la criée du Faouëdic sur la pointe de Kergroise. A partir de 1919, l’anse de Keroman est comblée, les espaces balnéaires de la pointe de la Perrière et du Ter disparaissent remplacés par des infrastructures portuaires industrielles modernes.

Une ligne de chemin de fer reliant le port à la gare de Lorient est construite en 1926, la glacière (première de son genre en France qui a son double à Saint-Pierre et Miquelon) est mise en service en 1920 et le slipway est mis en service en 1932. La pointe de la Perrière devient un port de pêche moderne et performant ; le rapport à la rade passe d’un « espace décors » (propos de R. ESTIENNE recueillis par S. LE HENNANF) à un « espace cohérent » (S. LE HENNANF) fonctionnel, de travail.

Le nouveau port se distingue par sa modernité et l’efficacité de ses infrastructures qui lui permettent de dépasser les plus gros ports de l’époque comme Dieppe ou la Rochelle. Ce port est conçu comme une « cité du poisson » (L. DIDERON). Son organisation permet de débarquer le poisson à quai, pour qu’il soit ensuite acheminé vers les magasins des mareyeurs où les poissons sont découpés et filetés avant d’être vendus dans les salles de criée. Une fois vendu, le poisson peut être directement transporté vers l’extérieur de la ville, via la voie de chemin de fer qui permet à la fois d’exporter le poisson vers le reste de la France et d’importer le charbon nécessaire aux chalutiers à vapeur.

Seconde Guerre mondiale et Reconstruction

Jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la presqu’île de Keroman est conservée comme réserve foncière au développement du port de pêche. L’arrivée des Allemands, en 1940, compromet ce développement du port de pêche avec la construction de la base de sous-marins sur la presqu’île.

Le port de Keroman et sa flotte de pêche sont largement détruits pendant la guerre. Le port est contraint de cesser son activité de pêche en 1943, certains chalutiers sont réquisitionnés et près de la moitié de la flotte est coulée entre 1939 et 1945.

Le slipway est l’infrastructure portuaire la plus utilisée par l’armée allemande. La construction de deux Dombunkers complète l'ensemble dédié à la réparation et à l'entretien des sous-marins.

Après-guerre, le port fait l’objet d’une succession de chantiers de remise en état et d’agrandissement des infrastructures. La criée est allongée sur les quais du bassin long dans les années 1950. Zones de pêche associées à de nouvelles techniques assurent le développement de la pêche à Lorient.

La vie du port est rythmée par des périodes de forte activité, notamment au lendemain de la guerre où les stocks de poissons sont parvenus à se reconstituer, qui se succèdent avec des épisodes de crise liées aux cours du pétrole et à la raréfaction de certaines espèces.

Le port évolue également en même temps que les techniques de pêche, les méthodes de débarquement des produits de la pêche ou le transport des marchandises évolue. L’ancien môle à charbon est par exemple transformé en quai avec l’évolution de la propulsion des bateaux de la machine à vapeur vers le carburant, l’ancienne glacière est remplacée par une nouvelle glacière produisant de la glace en paillette et le slip way connaît lui aussi de profondes mutations au lendemain de la guerre. La gare à marée ferroviaire est remplacée par une gare routière à partir de 1971 et les trains de marée, qui représentaient en 1927 un témoin de la modernité et de l’efficacité du port de Keroman disparaissent du paysage portuaire.