Un ouvrage remarquable, témoin des mutations du complexe portuaire de Keroman

Dessiné en 1919 par Henry Verrière, ingénieur architecte du port de pêche de Keroman, le môle, dit à charbon, est une infrastructure de pointe à l’époque de sa construction : 230 mètres de long sur 27 de large réalisé en béton armé. La dalle repose sur des poutres encastrées qui prennent appui sur de nombreux pieux droits. Il était constitué de silos alimentés côté rade par les caboteurs charbonniers. Les chalutiers à vapeur se fournissaient en charbon côté bassin. Le diesel s’invite ici au début des années 1950. En 1956, il ne reste qu’un chalutier à vapeur à Keroman.

Dès lors, l’avitaillement en combustible est assuré depuis l’appontement pétrolier. Des tuyaux souterrains relient les cuves du port de commerce à l’ancien môle à charbon. Depuis 1987, une station libre service est mise à disposition des navires artisans sur le quai. Les silos en béton sont détruits au cours de la décennie qui précède ces installations. Aujourd’hui, il ne subsiste de l’usage originel que les rails. 

A l’extrémité du quai, le feu tribord marque l’entrée du port de pêche. De couleur verte et blanche, il domine la rade et offre un panorama à 360 degrés, dégageant un paysage remarquable qui intègre l’intérieur du port de pêche, la presqu’île de Keroman, la rive gauche de la rade et l’île Saint-Michel en premier plan.

En 2015, cet équipement change de nom et devient le quai Michel Tonnerre. Il fait référence à une personnalité bien connue des scènes en Bretagne, notamment des Fêtes Maritimes. Michel Tonnerre (1949-2012) était un marin pêcheur groisillon, chanteur et auteur de nombreux chants de marins.

Enjeux, statuts et usages

Un espace de cohabitation entre professionnels et pêcheurs amateurs

Le quai Michel Tonnerre fait l’objet d’usages par des non professionnels qui y accèdent notamment par le passage de l’embarcadère au bout de la rue du bout du monde et l’utilisent comme lieu de balade, pour son point de vue sur la rade, ou bien pour la pêche à la ligne. Ces usages, couplés à ceux des professionnels, marquent une notion de diversité qui traduit la perméabilité du port de pêche. Il n’est alors plus seulement un espace de travail, mais un lieu approprié par d’autres usagers, notamment pour l’accès à la rade qu’il permet.

Dans le cadre de projets de réaménagement et restructuration du port de pêche, la sécurisation des lieux tend à fermer cet espace aux visiteurs (usagers informels) pour en faire un lieu strictement professionnel. Couper le môle Michel Tonnerre peut ainsi être considéré comme une coupure de la ville non seulement à son port qui représente une activité structurante de Lorient, mais aussi à son patrimoine historique maritime et paysager, grâce au panorama offert sur l’ensemble de la rade et la rive gauche.

Un ouvrage vieillissant qui nécessite d'importants travaux

Bien qu’il a fait l’objet de plusieurs réfections, l’ancien môle à charbon est gravement dégradé. Une reconstruction de l’ensemble du plateau, de son armature et des poutres qui soutiennent l’ensemble semble nécessaire. De tels travaux impliquent la destruction des infrastructures historiques. Si ces travaux sont essentiels pour sécuriser les activités sur le quai, il conviendra d’agir pour la préservation de certaines traces des anciennes activités : les restes de voies ferrées par exemple, héritage le plus visible encore aujourd’hui.