Dossier d’œuvre architecture IA22011756 | Réalisé par ;
Lécuillier Guillaume (Contributeur)
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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  • inventaire préliminaire, Plouguiel
  • inventaire topographique, Lannion-Trégor Communauté
Les moulins à eau du Guindy (Minihy-Tréguier et Plouguiel)
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Collection particulière

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Communes littorales des Côtes-d'Armor - Tréguier
  • Hydrographies Le Guindy
  • Commune Plouguiel
  • Lieu-dit Le Guindy
  • Cadastre 1834 D 2ème feuille, 3ème feuille
  • Commune Minihy-Tréguier
  • Lieu-dit Le Guindy
  • Dénominations
    moulin, logis, dépendance, pont, maison
  • Destinations
    maison

Avant la Révolution, les moulins et dépendances (comprenant le plus souvent, un logis, des dépendances et des terres) - sources importantes de revenus - appartenaient quasiment tous à des seigneuries : moulin de Troguindy, moulin de Kerzéhan ou moulin de Pont ar Scoul à la seigneurie de Keriec. Leurs usages sont encadrés par des droits seigneuriaux, "les banalités" : tous les sujets du seigneur devaient ainsi "user de son moulin". Pour la mouture, les sujets devaient un droit proportionnel fixé par la "Coutume de Bretagne".

Du moulin à eau dit "Moulin de l’Évêque" (et du pont-aqueduc immédiatement proche), les archives municipales de Tréguier conservent une extraordinaire représentation issue du "plan de la pompe de Tréguier" réalisé en 1610 par Charles Symon. Le moulin qui appartient au "seigneur-évêque" de Tréguier (jusqu’à la Révolution) y figure ainsi avec sa roue.

Le "bon fonctionnement" du moulin du "seigneur propriétaire" est confié à un meunier "à ferme", le plus souvent pour 9 ans (il s’agit d’une convention par laquelle le propriétaire d'un bien foncier, ici un seigneur, en abandonne la jouissance à un tiers, un meunier, pour un temps et un prix fixé). Des "corvées de moulins" étaient régulièrement organisées par le seigneur pour le curage des biefs et l’entretien des "ponts et chaussées" et maçonneries. Si le seigneur des terres est considéré comme le "maître de l'eau", le meunier est le "maître des meules". A l’origine, les rentes étaient payées en grain au seigneur (denrée plus facile à conserver que la farine) : au 18e siècle, les rentes sont désormais le plus souvent payées en argent.

Selon le cadastre parcellaire de 1835, la commune de Minihy-Tréguier comptait 10 moulins, 1 buanderie, 1 tannerie et 30 routoirs. Sur le Guindy, on dénombre ainsi huit moulins à eau : le moulin du Pont Neuf, le moulin de Kerzéhan, le moulin de Pont ar Scoul, le moulin de Troguindy, le moulin de Keraliou également surnommé "moulin Bourva", le moulin du Pont, le moulin de Kerouzy situé sur la rive de Plouguiel et le moulin de l’Évêque.

A l’exception du moulin de Keraliou qui est une minoterie, les autres moulins sont des teillages liés à la culture du lin aux 19e et 20e siècles. Les archives départementales des Côtes-d’Armor conservent dans la série S - Travaux publics et transports - service hydraulique - des dossiers relatifs aux droits d’eau sur le Guindy et des relevés des moulins sous la cote "28 S 6 (1)".

A ce dénombrement, il faut ajouter deux autres moulins et leurs étangs - dépendant à l’origine du manoir de Saint-Renaud - et alimentés par un ruisseau venant de Traou an Dour (le vallon de la source) et coulant vers le Jaudy (un seul moulin a pu être recensé, le second, figurant sur le cadastre de 1834, a été détruit). La seigneurie de Mézobran disposait également d’un moulin à eau fonctionnant grâce à l’énergie des marées (moulin situé à 600 mètres au nord-nord-est du manoir). Cette installation hydraulique, nommée sur le cadastre ancien "Milin Mor Maizo Bran", littéralement le "moulin mer de Maizo Bran", a aujourd’hui quasiment disparu à l’exception de sa digue de retenue.

Le village du Guindy

Au village du Guindy, point de franchissement du Guindy via le "pont du Guindy", ce sont cinq moulins à eau qui ont été implantés au fil des siècles sur 800 mètres de cours d’eau (voir en annexe, la propriété des moulins selon les états de section du cadastre de 1835). De nombreux logis, datables des 18e et 19e siècle, ont également été recensés. La chapelle Saint-Marc était située le long du Guindy côté Minihy-Tréguier, à mi-chemin entre le manoir de Troguindy et les moulins à eau. La fontaine miraculeuse - ses eaux auraient la faculté de guérir les rhumatismes - se trouve à proximité immédiate.

Le moulin de Troguindy a été reconstruit en 1846 selon l’inscription et le millésime inscrits sur le linteau de la porte principale : "USINE / F. F. PAR JOSEPH P-SSON ET / MARIE LE CHAFFOTEC / 1846". Selon la base de données Généarmor Marie Charlotte LE CHAFFOTEC et Joseph PERRON était mariés.

En 1880 (cette année-là, le pont est emporté par une crue), on dénombre "trois minoteries importantes, celle de M[onsieur] Talibart, de madame veuve Balcou et de Pezron, la tannerie de M[onsieur] Balcou, les usines à lin si considérables de Kerouzy et du moulin de l’Évêque, six buanderies" et environ "40 feux" (ménages). Au Guindy, plus précisément près du pont-aqueduc, transitaient aussi des "engrais marins".

En 1946, le village du Guindy comptait 23 ménages pour 90 habitants : il s’agit de la plus grosse agglomération de la commune derrière celle du bourg.

Les moulins du Guindy sont cités un article de Jean-Yves Andrieux intitulée "L'industrie linière du teillage en Bretagne nord (vers 1850-vers 1950) : proto-industrialisation ou industrialisation défaillante ?" : "0n y [dans le Trégor] remarque du reste aussi des rassemblements plus spectaculaires d'entreprises, comme au Guindy, sur le cours d'eau du même nom, affluent du Jaudy, et les communes de Minihy-Tréguier et Plouguiel, où s'établirent cinq teillages de lin qui cohabitaient avec un moulin à grain : la configuration de ce village est intéressante à signaler pour son système de dérivation, pour la mise en valeur originale d'un site, très proche par ailleurs de la mer, pour la création et l'organisation d'un espace de travail, pour l'affectation et la réaffectation des moulins, dont la plupart allèrent évidemment à autre chose avant de tourner au lin. Ce site fut l'un des premiers à se convertir au textile, dans les années post 1840."

L’enquête d’Inventaire du patrimoine menée en 2008 par Guy Prigent avait permis de collecter le témoignage d’Anne-Marie Bourva (voir texte complet en annexe) : "D'immenses meules de lin recouvertes de chaume se remarquaient en descendant la côte de Tréguier. Le lin était emmagasiné dans les teillages dès le début de l'automne. Les teilleurs achetaient eux-mêmes leur matière première auprès des cultivateurs du secteur. Le teillage durait donc tout l'hiver. Les ouvriers des teillages des moulins étaient employés pendant l'été dans les fermes pour les moissons et les foins ; au printemps, ils partaient presque tous à Jersey arracher les pommes de terre. […] Par l'intermédiaire des moulins, l'eau vive du Guindy entretenait ici au moins une soixantaine d'emplois presque tous masculins. Les autres emplois induits étaient celui des laveuses. Celles-ci travaillaient sur plusieurs lavoirs et habitaient toutes le village de Troguindy [sic]."

Si les moulins du Guindy ont aujourd’hui tous perdu leur usage, ils conservent, pour certains, leur bief, barrage et seuil, vanne(s), roue (non fonctionnelle), mécanismes, machineries et meules. Ils constituent un patrimoine à préserver et à valoriser tout en s’assurant de la continuité écologique du Guindy.

Guillaume Lécuillier, septembre 2019.

En 1974, il existait encore 55 moulins à eau sur l'ensemble du cours du Guindy. Dans le Trégor, le teillage mécanique et hydraulique faisait vivre 1500 ouvriers qui travaillaient dans environ 70 teillages, alimentés par les récoltes en lin de 5000 cultivateurs.

Les sept moulins du cours d'eau du Guindy, encore existants (au niveau des bâtiments), situés sur les communes de Minihy-Tréguier et de Plouguiel, sont datés au moins du 1er quart du 19ème siècle en raison de leur relevé sur le cadastre de 1834. On trouve en aval :

- le moulin l'Evêque à Pierre Le Corre (teillage),

- le moulin de Kerouzy à Le Du (teillage),

- le moulin du Pont à Couadou (teillage),

- le moulin de Keraliou (minoterie, Pierre Conan, meunier), , encore appelé "moulin Le Bourva,

- le moulin à 2 deux roues de Troguindy à Jean-Baptiste Le Calvez (teillage),

- le moulin du Pont-Neuf à Geffrroy (le dernier teillage sur Minihy)

- le moulin de Pont ar Scoul (teillage), qui a cessé de fonctionner en 1960.

Le dernier meunier de Pont Scoul était Jean-Pierre Le Mennec.

Seul l'ancien moulin à teillage de Kérousy, qui a conservé sa mécanique complète, a été étudié.

Le moulin à eau de Kerzehan (ancien teillage), est indiqué sur le cadastre de Minihy-Tréguier. Il est situé à l'écart des voies de communication, il a été restauré et aurait conservé sa mécanique (témoignage oral).

Les moulins cités et repérés (sur la commune de Plouguiel et de Minihy-Tréguier) ont tous été transformés en habitations, cependant les vannes et autres ouvrages régulateurs (règlement d'eau) doivent être maintenus encore aujourd'hui en état par les propriétaires de ces moulins.

L'arrêt de fonctionnement des moulins a fait cesser le curage des biefs et des étangs qui avait pour but d'augmenter leur capacité de rétention de l'eau. Les courants furent atténués, en raison de la disparition des 'chasses d'eau' qui entraînaient les détritus de toute sorte.

(Texte historique de Guy Prigent, 2008).

  • Période(s)
    • Principale : Moyen Age, 17e siècle, 18e siècle
    • Principale : 19e siècle

Ces moulins sont construits avec une maçonnerie en moellon de schiste, de granite (pour les encadrements). Les toitures sont à longs pans ou en croupe. Ils sont tous situés sur la rive droite du Guindy, sauf le moulin de Kerousy.

(Texte descriptif de Guy Prigent, 2008).

  • Énergies
    • énergie hydraulique
  • État de conservation
    désaffecté
  • Techniques
    • maçonnerie
  • Statut de la propriété
    propriété privée
  • Intérêt de l'œuvre
    à étudier

Les moulins du Guindy méritent d'être étudiés pour leur intérêt documentaire et ethnographique. Associés aux ouvrages régulateurs de la rivière, Ils représentent aussi les derniers bâtiments, témoins d'une proto-industrie locale autour de l'économie linière (Guy Prigent, 2008).

Documents d'archives

  • Moulins - fermes et procédures : arrêts, baux de fermages, enquêtes, suppliques. Moulins de Coz-Lezeven ou Vieux Moulin de Pratlédan (Langoat), de La Flèche (Langoat), de Fougeray-Rouge (Langoat), du Guindy (Minihy-Tréguier), de Kerderien (Langoat), de Kersaliou (Langoat), de Pouliven (Langoat) et de Traou Meur (Trédarzec).

    Séquentiel : 125.

    Cote : 2 G 142.

    Dates : 1549-1785.

    Métrage conservé : 0,08.

    Ancienne cote 1 : G art. 198.

    Archives départementales des Côtes-d'Armor : 2 G 142
  • 28 S 6 Guindy et affluents.

    28 S 6 (1) Le Guindy (ruisseau de Conéry, dans le cours supérieur)

    I Pédernec et Louargat. Moulin de Conéry, 1910-1911 ;

    II Cavan et Tonquédec. Moulin de Quelennec, 1885 ;

    III Cavan et Tonquédec. Moulin du Pont-Guen, 1900-1907 ;

    IV Rospez et Caouënnec. Moulin de Rospez, 1911 ;

    V Langoat, Coatréven, Minihy-Tréguier. Curage, 1880-1881 ;

    VI Lanmérin et Langoat. Projet d'usine au Pont-Poyès, 1861-1864 ;

    VII Coatréven et Langoat. Moulin Vieux ou milin Goz, 1878-1881 ;

    VIII Langoat et Coatréven. Moulin Neuf ou milin Nevez, 1875-1879 ;

    IX Minihy-Tréguier. Autorisations de construction, 1859-1879 ;

    X Minihy-Tréguier, Camlez, Plouguiel. Etang et moulin du Pont-Neuf 1851-1900 ;

    XI Minihy-Tréguier et Plouguiel. Moulin de Troguindy, 1882-1883 ;

    XII Minihy-Tréguier et Plouguiel. Moulin de Keralio, 1862-1864 ;

    XIII Minihy-Tréguier et Plouguiel. Moulin du Pont, 1859-1864 ;

    XIV Plouguiel et Minihy-Tréguier. Moulin de Kerousy, 1862-1873 ;

    XV Minihy-Tréguier et Plouguiel. Moulin l'Evêque ou du Guindy 1859-1866.

    Archives départementales des Côtes-d'Armor : 28 S 6 (1)
  • Canton de Tréguier (22). Pré-inventaire de la commune de Minihy-Trégier par Nicole Chouteau et Viviane Maillen assistées de Didier Richard pour les photographies, 1973.

    Région Bretagne (Service de l'Inventaire du patrimoine culturel) : 152

Périodiques

  • GIRAUDON, Daniel. ANDRIEUX, Jean-Yves. Teilleurs de lin du Trégor : 1850-1950. Morlaix : Skol Vreizh, n° 18, 1990.

  • ANDRIEUX, Jean-Yves. "L'industrie linière du teillage en Bretagne nord (vers 1850-vers 1950) : proto-industrialisation ou industrialisation défaillante ?". Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, 1990, vol. 97, n° 3, p. 383-397.

  • BOUSSU, Chantal. GALLAIS, Marie-Yvonne. "Le Village du Guindy et ses moulins". Journal municipal de Minihy-Tréguier, mai 2019, n° 50, p. 7-11.

Documents figurés

  • AD Côtes-d'Armor : 4 num 1/43, plans cadastraux parcellaires de 1834.

    Archives départementales des Côtes-d'Armor

Annexes

  • Les moulins à eau du Guindy selon les états de section du cadastre de Minihy-Tréguier, 1835
  • Description du village du Guindy à l’occasion de la destruction du pont par les eaux le 9 octobre 1880 et d’une pétition des habitants de Tréguier, Plouguiel et Minihy-Tréguier pour le rétablissement d’un pont (Journal de Tréguier, octobre 1880, Archives Départementales des Côtes d'Armor, extrait communiqué par Michel Le Henaff de Tréguier)
  • Extrait de "L'industrie linière du teillage en Bretagne nord (vers 1850-vers 1950) : protoindustrialisation ou industrialisation défaillante ?" par Jean-Yves Andrieux, 1990
  • Les moulins du Guindy : retranscription du témoignage de Anne-Marie Bourva
  • Témoignage oral (Le Mennec - STE-000)
  • Les moulins à eau du Guindy : millésimes et inscriptions
  • "Le Village du Guindy et ses moulins" par Chantal Boussu et Marie-Yvonne Gallais, extrait du Journal municipal de Minihy-Tréguier, mai 2019, n° 50, p. 7-11
Date(s) d'enquête : 2008; Date(s) de rédaction : 2008, 2018