Ce site, vraisemblablement fortifié depuis les époques protohistorique et antique (peut-être par un castellum, fortin occupé par une garnison romaine ?), contrôle le Gouët et l’Anse d’Yffigniac et commande la Baie de Saint-Brieuc.
Pour l'historien Bernard Tanguy (1992), le toponyme "Cesson", "Seson" (11e siècle), "Sexon" (14e siècle) est l’équivalent en roman du breton Saozon, c’est-à-dire Saxon, ce qui dénote une présence saxone ancienne, pour ne pas dire anglaise.
Une tour médiévale reconnue très tôt, mais un château fort oublié
Du puissant château fort mentionné dans la Chanson d'Aquin à la fin du 12e siècle ne subsiste en élévation que la tour-maîtresse construite par Jean IV, duc de Bretagne (1365-1399), vraisemblablement sur une tour plus ancienne (mentionnée en 1306). Cette tour a partiellement été démantelée en 1598. Elle se présente comme l'écorché d’une fortification : murs, pont-levis, escalier en vis, pièces de plan hexagonal, baies à coussiège (banc en pierre) et cheminée sont parfaitement lisibles.
A l’Est de la tour, une masse de terre faisant rempart sur plus de 200 m de longueur peut être identifiée comme la courtine Sud du château. A l'extrémité orientale se trouvait selon le cadastre de 1814 la "tour de la Paurette" (pored en breton signifie falaise). D’autres masses de terre pourraient correspondre aux bastions construits lors de la Guerre de la Ligue (1588-1598) pour protéger la tour et le château fort.
En 1840, la Tour de Cesson figure dans la liste publiée par la Commission des monuments historiques des 1090 "monuments pour lesquels des secours ont été demandés et que la Commission a jugé digne d'intérêt".
A partir de 1852, lors des travaux d’aménagement du domaine par Alexandre Glais-Bizoin (1800-1877), des vestiges de fortifications médiévales et modernes sont partiellement arasés comme le font remarquer plusieurs historiens de l’époque.
En 1886, la Tour de Cesson est classée au titre des Monuments historiques par l’État en raison de son intérêt historique et artistique, mais finalement déclassée deux ans plus tard à la demande de son propriétaire Eustache Ollitrault-Dureste (1834-1919). Ce n’est qu’en 1926 que la tour est inscrite au titre des Monuments historiques. Entre temps, les parties basses de la Tour de Cesson ont été remblayées par Eustache Ollitrault-Dureste et le domaine est passé dans les mains de la famille Combes.
En 1983, c’est la physionomie de la pointe de Cesson toute entière qui change avec la création d’un polder de 13 ha de superficie au pied de la pointe.
Depuis 2021, le domaine de la Tour de Cesson se situe dans le périmètre du site patrimonial remarquable (SPR) de Saint-Brieuc : la demeure construite par Alexandre Glais-Bizoin est classée comme "bâtiment remarquable" tout comme la conciergerie, la ferme et ses dépendances ; la grande dépendance (dite la grange) est classée "bâtiment d’intérêt patrimonial". La pointe de Cesson constitue une réserve archéologique de premier ordre : elle est inscrite dans sa totalité comme zone de présomption de prescriptions archéologiques.
La création du Domaine de la Tour de Cesson et sa transmission
Le Domaine de la Tour de Cesson a été créé par Alexandre Glais-Bizoin (1800-1877) entre 1852 et 1877. Il a ensuite appartenu, de 1877 à 1919, à son neveu par alliance Eustache Ollitrault-Dureste (1834-1919), puis à l'un de ses fils de 1919 à 1921.
De 1921 à 2020, le domaine appartient à la famille Combes qui en fait un lieu de villégiature.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le domaine et la demeure sont réquisitionnés pour loger officiers et soldats. Plus de 1 800 m3 de terre est déplacée pour construire des bunkers à l’extrémité de la pointe dans le cadre du Mur de l'Atlantique. Selon le Rapport Pinczon du Sel réalisé immédiatement après-guerre par la Marine nationale, la demeure, désignée comme le "château", est "endommagée" sans plus de détail.
En 1982, Georgette Combes, propriétaire du domaine décède laissant huit héritiers en indivision.
Le 25 janvier 2018, un incendie ravage la demeure et met en évidence l’état d’abandon du domaine, dont les bâtiments sont régulièrement visités et occupés illégalement.
Suite à une procédure d’état d’abandon manifeste du Domaine de la Tour de Cesson et après une procédure d’expropriation en vue de l’intérêt collectif, la Ville de Saint-Brieuc prend possession des lieux en mars 2020. La superficie des parcelles acquises est de 13,7 ha. Très vite, des travaux de mise en sécurité, de nettoyage et de débroussaillage sont entrepris et font ressortir l’intérêt du domaine tant du point de vue naturel que culturel.
Dès 2021, des visites guidées sont organisées par la Ville de Saint-Brieuc pour le faire découvrir. Ces visites se sont poursuivies en 2022 et 2023 autour de thématique variées : "nature et patrimoine", "peinture et patrimoine", "Bain de forêt"...
Une entreprise de connaissance toujours en cours
En 1893, Julien Trévédy consacre une étude détaillée à la Tour de Cesson dans les Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord.
En 1998, à l’occasion des 400 ans du démantèlement de la Tour de Cesson, Jacques Le Goualher consacre un article à l’environnement de la forteresse médiévale.
En 2022, Anthony Meslé-Carole consacre son mémoire de Master 2 de l'École nationale supérieure d’architecture de Versailles à l’étude du Domaine de la Tour de Cesson tandis que l’association Vivarmor en évalue la biodiversité à la demande de la Ville de Saint-Brieuc. Les étudiants de troisième année de Licence de l’École nationale supérieure d'architecture de Bretagne, accompagnés du Conseil d'architecture d'urbanisme et de l'environnement des Côtes-d'Armor, se sont inspirés du Domaine de la Tour de Cesson pour concevoir des projets "imaginaires".
En 2023, la Ville de Saint-Brieuc a lancé une concertation citoyenne pour imaginer collectivement le futur du domaine. Parallèlement, la Région Bretagne a réalisé l’étude du Domaine de la Tour de Cesson dans le cadre de l’Inventaire du patrimoine culturel. Cette même année, Alain et Claudine Lamour ont sorti un ouvrage intitulé "Saint-Brieuc. Le mystérieux domaine de la tour de Cesson".
En 2023-2024, une étude archéologique du site de la Tour de Cesson a été réalisée à la demande de la Ville de Saint-Brieuc par Victorien Leman (Cabinet d'Études Historiques).
Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.